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Londres, les métamorphoses d’une capitale (Le Monde, 2012)

« En 2012, Londres est à l’affiche partout, grâce au jubilé de diamant de la reine ELIZABETH II (du 3 au 5 juin) et à l’organisation des Jeux olympiques (du 27 juillet au 12 août). Dans ces circonstances, l’élection, le 3 mai, du maire de cette métropole de 7,8 millions d’habitants prend un relief particulier. […]
Quels sont les rapports de forces politiques dans la capitale ? Londres est traditionnellement une ville de gauche de par la forte présence d’une population de condition modeste qu’atteste un taux de chômage (9 %) supérieur à la moyenne nationale, surtout parmi les jeunes des quartiers déshérités. Ce bastion du Labour constitue une exception dans le sud-est prospère de l’Angleterre, contrôlé par les conservateurs. […] Aujourd’hui, la droite est favorisée par l’irrésistible poussée d’une nouvelle élite sociale qui envahit le West End (centre), rejetant les perdants aux confins, voire en dehors de la capitale à coups de spéculation immobilière. Le coût de la vie élevé, le manque de HLM et l’essor des services au détriment de la petite industrie renforcent cette tendance.
Quel rôle joue la City ? […] Fondée en 1067, elle constitue un contre-pouvoir de poids au maire. Avec un million d’emplois directs et indirects, la finance est l’un des plus gros employeurs de la capitale britannique. Ce secteur phare fait tourner toute une série d’industries (commerce de luxe, immobilier, bâtiment, etc.). Cette enclave d’un peu moins de 300 hectares, qui abrite la plus forte densité planétaire de banques, possède un vaste patrimoine, un large parc immobilier, plusieurs ponts sur la Tamise, le complexe culturel Barbican Centre, l’école de commerce Cass Business School et la colline boisée d’Hampstead. […] L’une des principales attributions du maire de Londres consiste à défendre la première place financière mondiale contre les projets de régulation du G20 et de Bruxelles ou contre la rivalité des centres concurrents, en particulier New York. […]
Quel est l’impact des Jeux olympiques sur la ville ? Il y a sept ans, à Singapour, Londres a obtenu les Jeux olympiques de 2012 grâce à son projet de rénovation de l’Est, en particulier autour de l’ancienne zone industrielle de Stratford. La majorité des 100 000 contrats d’embauche pour ces Jeux ont été attribués aux habitants des cinq boroughs concernés, parmi les plus pauvres du royaume.
L’organisation des JO a accentué le rééquilibrage du centre de gravité de la capitale de l’Ouest élégant vers l’Est crasseux. Cette image ancestrale est en train de changer. Dans les années 1980-1990, l’expansion de l’aéroport d’Heathrow et de l’autoroute du Sud-Ouest (M4), l’explosion des services financiers ainsi que l’excellence de la ligne de métro Central Line, qui relie les quartiers chics à la City, avaient favorisé l’Ouest. A la même époque, l’hémorragie de la classe moyenne de l’Est vers les faubourgs du Nord, l’installation d’immigrés du tiers-monde démunis et la disparition des industries traditionnelles avaient accentué le déclin d’un secteur associé aux ghettos, à la pauvreté, à la violence.

Cette division s’est atténuée. La rénovation des anciens docks, l’allongement de la ligne de métro Jubilee jusqu’à la nouvelle cité financière de Canary Wharf, la construction du futur réseau régional express (Crossrail) tout comme le nouveau terminal Eurostar de Saint Pancras illustrent l’essor nouveau de cette zone. L’éclosion des quartiers branchés de Shoreditch et de Dalston, ainsi que le succès du « Silicon Roundabout », consacré à la haute technologie et aux industries de demain, donnent le la de la diversité ethnique et de la mixité sociale.

Grâce aux JO, l’East End se construit, se rénove et se régénère. Et le projet de développement du corridor de la Tamise sur une cinquantaine de kilomètres, entre Londres et l’estuaire du fleuve, devrait créer une tête de pont vers l’Europe. »

 

Marc ROCHE, « Londres : les métamorphoses d’une capitale », Le Monde, 21 avril 2012

La démocratie indienne, un exemple de stabilité ?

« Le 15 août 1947 à minuit naissait une nation dans un sous-continent déchiré. L’Inde indépendante est née au milieu des flammes qui ravageaient le pays, alors que des trains chargés de cadavres passaient la frontière avec le Pakistan et que des réfugiés épuisés abandonnaient tout, dans l’espoir d’une vie nouvelle. On pourrait difficilement imaginer pire pour la naissance d’une nation. Pourtant, il y a 60 ans, l’Inde qui émergeait du naufrage de l’Empire britannique en Asie était la plus grande démocratie du monde. Après quelques années de croissance rapide, elle allait même devenir l’un des géants économiques du XXIe siècle. Un pays dont la survie même semblait incertaine à ses débuts s’est transformé, contre toute attente, en un exemple de construction démocratique. Aucun autre pays n’offre une telle mosaïque de groupes ethniques, une telle profusion de langues et de cultures différentes, ainsi que de paysages, de climats et de niveaux de développement économique […].

Au lieu d’écraser la diversité au nom de l’unité nationale, l’Inde a reconnu son pluralisme à travers ses institutions : toutes les religions, toutes les idéologies, tous les goûts et tous les groupes sont présents. Cela n’a pas toujours été facile. L’Inde était minée par les conflits de castes, les heurts entre groupes linguistiques différents au sujet de leurs droits, par les émeutes religieuses (essentiellement entre hindouistes et musulmans) et les menaces séparatistes. Malgré ces tensions, l’Inde est restée une véritable démocratie avec de nombreux partis politiques – sans doute corrompus et inefficaces – mais qui ont le mérite d’exister. Le fait que les pères fondateurs du pays, depuis Mahatma GANDHI, étaient des démocrates convaincus a servi. Le premier des ministres de l’Inde, celui qui a exercé ce poste le plus longtemps, Jawaharlal NEHRU, a passé sa carrière à instiller un mode de pensée démocratique : le refus de la dictature, le respect des procédures parlementaires et la foi dans le système constitutionnel. […]

La démocratie a permis à l’Inde de façonner un espace commun dans lequel chaque communauté a sa place. C’est ainsi qu’un pays que l’on croyait destiné à l’éclatement est resté uni. Son soixantième anniversaire mérite d’être célébré. »

 

Sashi THAROOR (ancien secrétaire général adjoint de l’ONU, député du parti du Congrès), « La démocratie indienne a 60 ans », Projet Syndicate, 16 août 2007

Une vision subjective de la guerre d’Algérie par le FLN au lendemain de l’indépendance

« Pendant sept ans et demi d’une guerre cruelle, le peuple algérien a tenu tête à l’une des plus fortes puissances coloniales du siècle : plus d’un million de soldats français ont été mobilisés à cet effet avec tout leur armement moderne : aviation, artillerie, blindé, marine.

La France est arrivée à dépenser jusqu’à trois milliards de francs par jour. Elle a tenté, avec l’aide d’une grande partie du peuplement européen en Algérie, de lutter désespérément pour le maintien de l’Algérie française. Face à cette puissance, qu’avait à opposer le peuple algérien ? D’abord sa foi en la justesse de sa cause, la confiance en lui-même et en ses destinées et la volonté inébranlable de briser les chaînes du colonialisme : ensuite et surtout, son unanimité dans la lutte. Les Algériens – hommes et femmes, jeunes et vieux, d’Alger à Tamanrasset et de Tébessa à Mamia – se sont dressés dans leur totalité dans la guerre de libération. […]

Cette lutte a été d’un précieux enseignement pour les peuples subjugués par l’impérialisme. Elle a détruit le mythe de l’invincibilité de l’impérialisme. Tout en conduisant à la libération de l’Afrique, elle a démontré qu’un peuple, aussi petit soit-il, et avec des moyens réduits, peut tenir tête à un impérialisme même très puissant et arracher sa liberté. »

 

Proclamation de Benyoucef BENKHEDDA (président du Gouvernement provisoire de la République algérienne) au nom du Front de libération nationale (FLN), 19 mars 1962

DE GAULLE justifie la présidentialisation et le renforcement du rôle de l’État

« En décidant que le chef de l’État sera élu au suffrage universel […] ; en approuvant après quatre ans d’expérience, la façon dont sont exercées les attributions du Président de la République ; en consacrant le principe et les conditions d’emploi du référendum ; tout le monde pense que notre pays a tranché les controverses qui s’étaient présentées en ce qui concerne le caractère, le sens, la portée de la réforme constitutionnelle que nous avons accomplie.
Ce qui saute aux yeux dans cette réforme constitutionnelle, c’est, me semble-t-il, qu’elle a réussi parce qu’avant tout, elle correspond à une nécessité vraiment absolue des temps modernes. Il est banal de constater que l’évolution actuelle rend toujours, et de plus en plus essentiel le rôle de l’État. Et il n’y a pas d’activité nationale qui dès à présent puisse s’exercer sans son consentement. Souvent, sans son intervention. Et parfois sans sa direction. Tout et même le sort de chacun est donc lié plus ou moins directement à l’action des pouvoirs publics, laquelle se traduit par une orientation nationale, par des règlements et par des lois.
À cette action-là comme à toute action, il faut une tête et comme cette tête est une personne, […] il convient que cette personne reçoive l’expression personnelle de la confiance de tous les intéressés. Mais il faut en tenir compte aussi, de ce fait écrasant, que dans la situation politique et stratégique où se trouve le monde, il y a des pays, en particulier le nôtre, qui sont tout le temps, on peut le dire, en danger de mort subite. […]
Je crois que ce sont ces conditions qui ont exclu dorénavant notre ancien système, assez instable, assez incertain, assez inconstant qu’on appelle le système des partis. »

 

Extraits de la conférence de presse donnée par le président Charles DE GAULLE le 14 janvier 1963

Les grandes sources de tension au Moyen-Orient selon B. OBAMA (2009)

« Dans un passé relativement récent, les tensions ont été nourries par le colonialisme qui a privé beaucoup de musulmans de droits et de chances de réussir, ainsi que par une guerre froide qui s’est trop souvent déroulée par acteurs interposés, dans des pays à majorité musulmane et au mépris de leurs propres aspirations. En outre, les mutations de grande envergure qui sont nées de la modernité et de la mondialisation ont poussé beaucoup de musulmans à voir dans l’Occident un élément hostile aux traditions de l’islam. […]
Permettez-moi de m’exprimer aussi clairement et aussi simplement que possible sur certaines questions précises auxquelles nous devons maintenant faire face ensemble.
La première est celle de l’extrémisme violent sous toutes ses formes. À Ankara, j’ai fait clairement savoir que l’Amérique n’est pas – et ne sera jamais – en guerre contre l’islam. (Applaudissements) […] Voilà maintenant plus de sept ans, forts d’un large appui de la communauté internationale, les Etats-Unis ont donné la chasse à Al Qaïda et aux talibans. Nous avons agi de la sorte non par choix, mais par nécessité. […]
Je voudrais aussi aborder le dossier de l’Irak. Contrairement à la guerre en Afghanistan, la guerre en Irak est le résultat d’un choix, lequel a provoqué des désaccords marqués dans mon pays et à travers le monde. Tout en étant convaincu que le peuple irakien a gagné au bout du compte à être libéré de la tyrannie de Saddam Hussein, je crois aussi que les événements en Irak ont rappelé à l’Amérique la nécessité de recourir à la diplomatie et de construire un consensus international pour résoudre ses problèmes à chaque fois que c’est possible. […]
La deuxième grande source de tension que nous devons aborder concerne la situation entre les Israéliens, les Palestiniens et le monde arabe. […] Depuis des dizaines d’années, une impasse persiste : deux peuples aux aspirations légitimes, chacun marqué par un passé douloureux qui rend un compromis insaisissable. Il est aisé de pointer un doigt accusateur : les Palestiniens peuvent attirer l’attention sur la dislocation consécutive à la fondation d’Israël, et les Israéliens peuvent dénoncer l’hostilité et les attaques dont le pays a de tout temps fait l’objet à l’intérieur même de ses frontières et par-delà. Mais si nous examinons ce conflit à travers le prisme de l’une ou l’autre partie, nos œillères nous cacheront la vérité : la seule solution consiste à répondre aux aspirations des uns et des autres en créant deux Etats, où Israéliens et Palestiniens vivront chacun dans la paix et la sécurité. […]
La troisième source de tension est nos intérêts en commun à l’égard des droits et des responsabilités des Etats concernant les armes nucléaires. Cette question a constitué une source de tension entre les Etats-Unis et la République islamique d’Iran. Pendant de nombreuses années, l’Iran s’est défini en partie par son opposition à mon pays et il existe en effet un passé tumultueux entre nos deux pays. […] Chaque pays, y compris l’Iran, devrait avoir le droit d’avoir accès à l’énergie nucléaire pacifique s’il respecte ses engagements dans le cadre du Traité de non-prolifération nucléaire. »

 

Discours du président américain Barack OBAMA au Caire (Egypte) le 4 juin 2009 (discours en intégralité)

Vers un « Etat tentaculaire et inefficace » ? (J. CHABAN-DELMAS, 1969)

« Tentaculaire et en même temps inefficace : voilà, nous le savons tous, ce qu’est en passe de devenir l’État, et cela en dépit de l’existence d’un corps de fonctionnaires, très généralement compétents et parfois remarquables.
Tentaculaire, car, par l’extension indéfinie de ses responsabilités, il a peu à peu mis en tutelle la société française tout entière.
Cette évolution ne se serait point produite si, dans ses profondeurs, notre société ne l’avait réclamée. Or c’est bien ce qui s’est passé. Le renouveau de la France après la Libération, s’il a mobilisé les énergies, a aussi consolidé une vieille tradition colbertiste et jacobine, faisant de l’État une nouvelle providence. Il n’est presque aucune profession, il n’est aucune catégorie sociale qui n’ait, depuis vingt-cinq ans, réclamé ou exigé de lui protection, subventions, détaxation ou réglementation. Mais, si l’État ainsi sollicité a constamment étendu son emprise, son efficacité ne s’est pas accrue car souvent les modalités de ses interventions ne lui permettent pas d’atteindre ses buts. »

 

Discours du Premier ministre Jacques CHABAN-DELMAS à l’Assemblée nationale, 16 septembre 1969 (discours dit de « la nouvelle société » en intégralité)

L’Ethiopie, nouvelle usine du monde ? (Le Monde, 2017)

« Peter WAN a le sourire jusqu’aux oreilles. Le quinquagénaire avance gaiement dans de grands hangars, où des dizaines d’ouvriers éthiopiens s’affairent près de machines à filer et à colorer du fil. « Nous en sommes au stade des essais de production », précise le consultant, en faisant visiter l’usine chinoise JP Textile, à l’entrée du parc industriel d’Hawassa, à 270 km au sud de la capitale éthiopienne, Addis-Abeba.

Bientôt, la main-d’œuvre transformera le fil « importé de Chine » en tissu, explique M. WAN. Puis le tissu prendra la forme de chemises made in Ethiopia, qui porteront les marques Calvin Klein ou Tommy Hilfiger, pour être exportées vers l’Europe et les États-Unis à l’attention d’une clientèle aisée. Mais s’il est officiellement opérationnel, ce parc, construit par les Chinois en neuf mois seulement, n’a pas encore commencé à exporter.

Ce projet de 220 millions d’euros est une nouvelle preuve de l’industrialisation accélérée de l’Éthiopie. La Chine, son premier partenaire commercial, est la locomotive de ce processus : construction, transports, télécommunications, Pékin investit tous azimuts dans ce grand pays de la Corne de l’Afrique, le deuxième le plus peuplé du continent, avec près de 100 millions d’habitants. La Chine a construit la nouvelle voie ferrée entre Addis-Abeba et Djibouti, qui entrera en service en octobre.

Privée d’accès à la mer depuis l’indépendance de son voisin érythréen, en 1993, l’Éthiopie a besoin de Djibouti, petit État où transitent 95 % de ses exportations. Pékin mise aussi sur ce débouché maritime incontournable, au carrefour entre l’Afrique de l’Est, l’Asie, l’Europe et la péninsule Arabique, dans le cadre de son projet des « nouvelles routes de la soie ». […]

Pays majoritairement agricole, l’Ethiopie a décidé de devenir le « hub » industriel de l’Afrique. […] Pour l’instant, le secteur manufacturier ne représente que 5 % du PIB. Il faut donc aller vite. […]

Le président de JP Textile sait de quoi il parle […] « L’Ethiopie a deux avantages », détaille-t-il. D’une part, une énergie abondante et à bas coût, issue des projets hydroélectriques du pays. D’autre part, la possibilité de jouir d’exempltions fiscales, notamment grâce à l’African Growth and Opportunity Act.

Non sans ironie, cette loi américaine permet à certains pays africains, dont l’Ethiopie, d’être dispensés de droits de douane sur un ensemble de marchandises exportées outre-Atlantique afin de favoriser leur développement économique. « Tout le monde sait que les Etats-Unis sont le plus gros importateur de textile à travers le monde », se réjouit M. WANG. […]

Autre atout de taille : une main d’oeuvre jeune, abondante et bon marché. « Le coût du travail est le plus bas au monde », s’enthousiasme M. WANG. Comme la Chine d’il y a trente ans. Mais aujourd’hui, chez le géant asiatique, le salaire moyen est désormais de plus de 700 euros, trop pour demeurer l’usine du monde. L’avenir de la Chine passe donc par l’Ethiopie, où n’existe pas de salaire minimum. Chez JP Textile, par exemple, la plupart des ouvriers sont rémunérés moins de 30 euros par mois. […]

Enfin, malgré des atouts alléchants, l’environnement des affaires est complexe en Éthiopie et les coûts de transport élevés. »

 

Emeline WUILBERCQ, « L’Ethiopie, nouvelle usine du monde », Le Monde, 11 août 2017

L’Afrique, destination de prédilection des investisseurs (tribune sino-éthiopienne, 2015)

« [L’Afrique] peut se targuer d’avoir attiré un montant record d’investissements directs étrangers (IDE), ces derniers représentant 60 milliards de dollars, soit cinq fois plus qu’en 2000. L’investissement direct étranger en provenance de Chine a par exemple augmenté de 3,5 milliards de dollars en 2013 et la plupart des pays africains en ont bénéficié. […]
« Pourquoi cet engouement ? La raison est simple : le monde entier a le regard tourné vers l’Afrique, son milliard d’habitants et sa classe moyenne émergente. Bonne nouvelle : les investisseurs s’intéressent à d’autres secteurs que celui des matières premières, les services financiers, la construction et l’industrie manufacturière représentant par exemple aujourd’hui 50% des IDE en provenance de la Chine. Et les industriels prennent conscience que l’Afrique a le potentiel de devenir « l’usine du monde ». […]
« En raison de la hausse des coûts de production en Asie, nombreux sont les fabricants à se tourner vers l’Éthiopie, le Kenya et le Rwanda. La Chine, la Turquie et l’Inde sont aujourd’hui les principaux employeurs du secteur manufacturier en Afrique. Mais le made in Ethiopia pourrait-il remplacer le made in China ? […] [Si] l’Afrique souhaite se positionner comme la nouvelle usine du monde, elle devra cependant s’en donner les moyens. […]
« L’Afrique a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée. Au cours des vingt prochaines années, les effectifs de la main-d’œuvre augmenteront plus en Afrique subsaharienne que dans l’ensemble du reste du monde. Comment peut-elle tirer parti de ce dividende démographique ? Cette nouvelle population en âge de travailler devra pouvoir accéder à des emplois bien rémunérés. Il faudra pour cela investir davantage dans l’éducation afin d’offrir aux jeunes une formation adaptée aux attentes du marché. […]
« L’Afrique a besoin d’infrastructures. Si l’Afrique est perçue comme la destination phare des investisseurs, elle devra cependant s’atteler à réduire son déficit en infrastructures : une tâche gigantesque ! […] L’Afrique subsaharienne pâtit de son manque d’intégration au commerce mondial, ses camions de marchandises n’avançant parfois pas plus vite qu’un attelage tiré par des chevaux, et ses grands ports étant constamment embouteillés. »

 

Tribune de Makhtar DIOP (vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique), YUAN Li (vice-président exécutif de la Banque chinoise de développement), LI Yong (directeur général, Organisation des Nations Unies pour le développement industriel) et

Ato Ahmed SHIDE (ministre des Finances et du Développement économique de la République fédérale d’Ethiopie) publiée dans le China Daily du 30 juin 2015 et reprise le même jour sur le site de la Banque mondiale

« L’Amérique doit continuer à diriger le monde » (Bill CLINTON, 1993)

« Aujourd’hui, une génération née dans l’ombre de la Guerre froide assume de nouvelles responsabilités, dans un monde réchauffé par le soleil de la liberté, mais menacé encore par de vieilles haines et par de vieux fléaux. Élevés dans une prospérité sans rivale, nous héritons d’une économie qui est toujours la plus puissante du monde […]
Aujourd’hui, alors qu’un ordre ancien disparaît, le nouveau monde est plus libre, mais moins stable. La chute du communisme a réveillé de vieilles animosités et engendré de nouveaux dangers. C’est clair, l’Amérique doit continuer à diriger ce monde que nous avons tant contribué à bâtir. […] Quand nos intérêts vitaux sont menacés, ou que la volonté et la conscience de la communauté internationale sont défiées, nous devons intervenir, par la diplomatie pacifique tant que c’est possible, par la force si nécessaire. […] Mais notre plus grande force, c’est le pouvoir de nos idées, qui sont encore nouvelles dans de nombreux pays. […] Nos espoirs, nos cœurs, nos mains sont avec ceux qui sur chaque continent construisent la démocratie et la liberté. Leur cause est la cause de l’Amérique. »

 

Discours d’investiture de Bill CLINTON (président des États-Unis de 1993 à 2001) prononcé le 20 janvier 1993

Maastricht, une « nouvelle étape » dans la construction européenne

« À Maastricht, aujourd’hui, s’accomplit une nouvelle étape pour l’Europe que nous bâtissons dans la solidarité. Le Traité qui va être signé constitue un pas décisif sur le chemin de l’union européenne, objectif ambitieux, d’un processus sans précédent dans l’Histoire de notre temps. D’aucuns diront que nous nous sommes arrêtés en-deçà de ce qui était souhaitable ; d’autres estimeront que nous sommes allés trop loin. Tout compte fait, je suis convaincu que le Traité qui recueille aujourd’hui notre adhésion correspond à un sage équilibre entre l’ambition et la prudence, l’idéalisme et le pragmatisme, la solidarité et la subsidiarité. C’est un résultat qui répond à la réalité d’aujourd’hui et se projette dans l’avenir. Ce n’est pas une étape finale ; c’est, bien plus, le début d’un nouveau cycle. […]
La chute des régimes communistes de l’Europe de l’Est, la désintégration de l’Union soviétique et la reconnaissance quasi-universelle de la primauté des valeurs démocratiques et de l’économie de marché ont profondément altéré les équilibres géostratégiques en fonction desquels le monde s’était organisé au cours de ces dernières décennies. Dans ce contexte, l’Europe communautaire est confrontée à des responsabilités croissantes qu’elle ne peut ni ne doit éluder. […]
La création d’une politique extérieure et de sécurité commune, dont les axes principaux devront déjà être définis au Sommet de juin à Lisbonne, et la formulation d’une politique de défense commune constituent des développements politiques de l’intégration européenne qui permettront à la Communauté d’assumer d’une façon cohérente et explicite la défense de ses intérêts fondamentaux et d’intervenir de manière croissante sur la scène internationale, d’une seule voix, et avec plus de force. Par ailleurs, les progrès de l’intégration économique et monétaire constituent le corollaire obligé des efforts de construction européenne en plus de trois décennies, et devraient apporter à la vie.de la Communauté un nouveau dynamisme.
L’élargissement des compétences communautaires constitue un facteur de mobilisation des Européens pour la construction de l’Union européenne. D’une part, c’est la dimension humaine de la construction européenne qui s’en trouve renforcée, par la création du concept de citoyenneté et par les actions et les initiatives engagées dans des domaines aussi divers que ceux de l’éducation, de la culture et de la santé. D’autre part, la capacité d’action commune, dans des secteurs fondamentaux de l’intégration économique tels que l’industrie et les réseaux transeuropéens, s’en trouve étendue.
L’édifice institutionnel a subi des adaptations importantes. La légitimité démocratique du processus de décision en est sortie consolidée, grâce à l’attention indispensable que l’on a vouée à l’efficacité du système. Le Parlement européen voit son pouvoir d’intervention dans le processus de décision renforcé, ce qui lui permettra une action politique plus visible, en tant qu’institution représentant les peuples d’Europe. La Cour des Comptes est élevée au rang d’institution. Il est créé un Comité des Régions. On constitue le rôle du Médiateur. L’architecture institutionnelle se consolide en harmonie avec les exigences croissantes du processus d’intégration.
Il est naturel que la vitalité grandissante du projet communautaire ait suscité dans d’autres pays d’Europe le désir de s’y associer. Les candidatures à de nouvelles adhésions sont, finalement, la preuve manifeste de la réussite sans équivoque de la Communauté européenne.
La création du grand Espace économique européen et les accords, déjà conclus ou en cours de négociation, avec les pays d’Europe centrale et orientale montrent déjà que la Communauté n’est pas une réalité fermée sur elle-même, mais qu’elle a au contraire pleinement conscience de partager avec les autres peuples européens une destinée commune. »

 

Discours d’Aníbal CAVACO SILVA (Premier ministre du Portugal et président en exercice du Conseil des ministres des Communautés européennes) à l’occasion de la signature du traité sur l’Union européenne, Maastricht, 7 février 1992 (discours en intégralité)
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