TEXTES »

Les défis de la puissance américaine dans les années 1980 (J. CARTER)

« Les années 1980 sont nées dans la tourmente, les conflits et les changements. Nous sommes dans une période de défis pour nos intérêts et nos valeurs, une période de test pour nos croyances et nos capacités.
En ce moment même, en Iran, cinquante Américains sont toujours retenus prisonniers, ils sont les victimes innocentes du terrorisme et de l’anarchie. En ce moment également une énorme quantité de soldats soviétiques tente d’asservir le peuple afghan pourtant intensément indépendant et profondément religieux.
Ces deux actions – l’une relevant du terrorisme international, l’autre d’une agression militaire – sont des défis pour les États-Unis mais également pour toutes les nations du Monde. Ensemble, nous devons affronter ces menaces contre la paix.
Je suis déterminé à faire en sorte que les États-Unis restent la plus puissante des nations mais notre puissance ne sera jamais utilisée pour initier une quelconque menace contre quelque nation que ce soit, ou contre les droits de quelques individus que ce soit. Nous cherchons à vivre et à rester en sécurité, nous cherchons à être une nation en paix dans un monde stable. Cependant, pour être en sécurité, nous devons accepter le Monde tel qu’il est. […]
L’Union Soviétique a franchi un nouveau pas dans l’agressivité et la radicalité. Elle utilise sa force militaire contre un peuple pratiquement sans défense. Les conséquences de l’invasion soviétique en Afghanistan pourraient bien être la plus sérieuse menace contre la paix depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. […]
La région qui est actuellement menacée par l’armée soviétique en Afghanistan est très importante sur le plan stratégique : elle recèle plus des deux tiers du pétrole mondial exportable. Les efforts soviétiques pour dominer la région ont amené ses troupes à moins de 300 miles des côtes de l’Océan Indien et à proximité du détroit d’Ormuz, la voie d’eau par laquelle transite l’essentiel du pétrole mondial. L’URSS essaie de consolider sa position stratégique et cela menace gravement la liberté de circulation du pétrole au Moyen-Orient.
La situation demande de garder la tête froide, des nerfs d’acier et un passage à l’acte déterminé, non seulement cette année mais également pour les années à venir. Cela demande des efforts collectifs pour faire face à cette nouvelle menace dans le Golfe persique et en Asie du Sud-Ouest. Cela demande la participation de tous ceux qui dépendent du pétrole du Moyen-Orient et qui sont concernés par la paix mondiale et la stabilité politique. Enfin, cela demande la consultation et l’étroite coopération avec les États de la région qui pourraient être menacés. […] Affirmons notre position de façon très claire : toute tentative par une force extérieure de contrôler la région du Golfe persique sera considérée comme une agression envers les intérêts vitaux des États-Unis d’Amérique et une telle agression sera repoussée par tous les moyens nécessaires, y compris par la force. »

 

Discours sur l’état de l’Union prononcé par le Président Jimmy CARTER le 23 janvier 1980 devant les membres du Congrès américain (source : jimmycarterlibrary.gov).

Les 4 objectifs des États-Unis au Moyen-Orient d’après G. BUSH après la guerre du Koweït et le « nouvel ordre mondial »

« La guerre est finie. C’est une victoire pour tous les pays de la coalition, pour les Nations Unies […]. C’est une victoire de la loi et du droit […]. Saddam HUSSEIN était l’agresseur, le Koweït la victime. Sont venues à l’aide de ce petit pays des nations de l’Amérique du Nord et de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique du Sud, de l’Afrique et du monde arabe, tous unis face à cette agression. Notre coalition hors du commun doit travailler maintenant dans un même but : forger un avenir qui ne soit plus jamais l’otage du côté le plus sombre de la nature humaine […]. Ce soir, laissez-moi définir quatre objectifs clés.
Premièrement, nous devons travailler ensemble à mettre sur pied des accords de sécurité mutuelle dans la région. Nos amis et alliés du Proche-Orient auront la responsabilité première de la sécurité régionale. Mais qu’ils sachent que, tout comme elle les a soutenus pour repousser l’agression de l’Irak, l’Amérique est prête à travailler avec eux pour assurer la paix. […] Que nos amis et nos alliés sachent […] que l’Amérique se tient prête à assurer la paix à leurs côtés. Cela ne signifie pas le stationnement de forces américaines terrestres dans la péninsule arabique, mais la participation à des exercices conjoints, terrestres et aériens, et la présence d’une force navale conséquente dans la région, comme ce fut le cas depuis quarante ans. Que ce soit clair : nos intérêts nationaux dépendent d’un Golfe stable et sûr.
Deuxièmement, nous devons agir pour contrôler la prolifération des armes de destruction massive et les missiles utilisés pour les envoyer. Il serait tragique que les nations du Moyen-Orient et du Golfe […] s’engagent dans une nouvelle course aux armements. L’Irak
requiert une vigilance particulière. Il ne doit pas avoir accès aux instruments de guerre.
Troisièmement, nous devons travailler à créer de nouvelles occasions pour assurer la paix et la stabilité au Moyen-Orient […]. Israël et plusieurs pays arabes ont pour la première fois affronté ensemble le même agresseur. Désormais, il devrait être clair pour tous que faire la paix au Moyen-Orient demande des compromis, mais que cette paix est aussi porteuse d’avantages pour tous. […]
Quatrièmement, nous devons favoriser le développement économique pour le bien de la paix et du progrès. Le golfe Persique et le Moyen-Orient forment une région riche en ressources naturelles avec un potentiel humain riche mais inexploité. […]
En atteignant ces quatre objectifs nous pouvons bâtir un cadre pour la paix. […] A tous les défis offerts par cette région du monde, il n’y a pas de solution unique, pas de réponse de la seule Amérique. Mais nous pouvons changer les choses. L’Amérique y travaillera sans relâche […]. Maintenant, nous voyons apparaître un ordre nouveau, un monde où un nouvel ordre mondial peut être construit […]. Un monde où les Nations unies, libérées de l’impasse de la guerre froide, sont en mesure de réaliser la vision historique de leurs fondateurs. Un monde dans lequel la liberté et les Droits de l’homme sont respectés par toutes les nations. »

 

Extrait du discours de George BUSH devant le Congrès, le 6 mars 1991, à la fin de la guerre du Golfe.

NASSER se félicite de l’alliance entre l’Egypte et l’URSS (1964)

Après la crise de Suez (1956), l’Égypte s’est rapprochée de l’URSS. Avec l’Inde, elle est le pays le plus aidé par Moscou.

 

« Le début de notre inébranlable amitié fut le refus ferme et obstiné des peuples arabes de permettre sur leur sol l’existence de bases menaçant l’Union soviétique et son gouvernement. Dans ce sens, le peuple égyptien eut une attitude intransigeante, affirmant le principe du refus d’accepter la domination étrangère, avec la proclamation du non-engagement et la croyance que l’humanité pouvait disposer de ses efforts et de ses potentialités pour des actions plus utiles que la menace de destruction nucléaire et le maintien perpétuel du monde au bord de l’abîme. […] Nous avons à rappeler les moments décisifs, dont nos peuples garderont toujours le souvenir, ainsi que le rôle inoubliable qu’y a joué l’Union soviétique avec :

Premièrement, sa position aux côtés du peuple égyptien pour briser le monopole de l’armement. Les forces impérialistes avaient établi au milieu de la terre arabe une base hostile menaçant sa sécurité. Cette base hostile se changea en Israël, citadelle regorgeant d’armes. En ces temps, les peuples de la nation arabe ne trouvaient pas de moyens pour se défendre.

Deuxièmement, sa position aux côtés du peuple égyptien dans sa confrontation aux agressions des impérialistes qui voulaient envahir son ciel et ses côtes, lui arrachant son canal construit au prix de tant de sang égyptien, et le dépouiller de son droit. […]

Troisièmement, sa position aux côtés du peuple égyptien dans sa résistance au blocus économique et à la guerre psychologique qui atteignit son maximum dans la région avec l’intensification des pressions du pacte de Bagdad sur la Syrie, en 1957.

Quatrièmement, sa position aux côtés du peuple égyptien dans son effort héroïque d’édification économique de sa patrie, et son aide dans l’établissement de son industrie, dans la construction du haut barrage [d’Assouan], symbole de cette édification et symbole de la liberté. […]

Nos efforts se sont rencontrés à la fois dans la lutte contre l’impérialisme sous toutes ses formes, dans le soutien aux luttes de libération en Asie et en Amérique latine, pour le désarmement, l’élimination des bases étrangères, […] la lutte contre la discrimination raciale, la possibilité de la coexistence pacifique entre les peuples. […]

Les peuples indépendants découvrent quotidiennement le néo-colonialisme. L’indépendance politique ne peut se faire sans indépendance économique et sans efforts consacrés au développement. »

Discours de Gamal Abdel NASSER prononcé à Alexandrie en présence de Nikita KHROUCHTCHEV, 9 mai 1964, cité par Henry LAURENS, « L’URSS et l’Egypte de NASSER à SADATE » in Dominique CHEVALLIER (dir.), Renouvellement du monde arabe, Paris, 1987, p. 52-53.

F. MITTERRAND affirme son attachement au projet européen (1984)

« Lorsque, en mai 1948, trois ans exactement après la fin de la guerre, l’idée européenne a pris forme, c’était au Congrès de La Haye. J’y étais, et j’y croyais. Lorsque, en 1950, Robert SCHUMAN a lancé le projet de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, j’y adhérais et j’y croyais. Lorsque, en 1956, le vaste chantier du Marché commun s’est ouvert, avec la participation très active du gouvernement français de l’époque, j’y étais et j’y croyais. Et aujourd’hui, alors qu’il nous faut sortir l’Europe des Dix de ses querelles et la conduire résolument sur les chemins de l’avenir, je puis le dire encore, j’en suis et j’y crois. […]

On peut dire aujourd’hui que la Communauté a atteint ses premiers objectifs hérités de la guerre. Au départ, il fallait réconcilier, rassembler, atteler à une œuvre commune des peuples déchirés par la force et le sang. C’est fait. Maintenant, l’alternative est : ou bien de laisser à d’autres, sur notre continent, hors de notre continent, le soin de décider du sort de tous, et donc du nôtre, ou bien de réunir la somme des talents et des capacités […] qui ont fait de l’Europe une civilisation pour, selon un mot que j’aime de Walt WHITMAN [poète et humaniste américain du XIXe siècle], « qu’elle devienne enfin ce qu’elle est ». […]

Quoiqu’il en soit, la Communauté vit et travaille. […] Elle a, en particulier, engagé sans retour le processus d’adhésion de l’Espagne et du Portugal. N’allons-nous pas aggraver les tensions, réduire la cohésion de l’actuelle Communauté, ou bien est-il concevable que les conditions de l’intégration économique puissent d’ici longtemps être remplies ?
II est des attitudes commodes. Dire oui a priori à l’élargissement, par souci de plaire aux pays candidats, sans en tirer les conséquences pratiques ; ou dire non, quoi qu’il arrive, en refusant tout examen. Refusons ces facilités. […]
L’Europe […] qui possède plus des deux tiers des régimes libres du monde, serait-elle incapable de consolider ses institutions et d’agir d’un même mouvement, là où il le faut, force de paix et d’équilibre entre les plus puissants, force de justice et de progrès entre le Nord et le Sud ? Non, je ne le crois pas. »

 

Extraits de l’allocution de François MITTERRAND, Président de la République française, à
Strasbourg, au Parlement européen, le 24 mai 1984 (discours en intégralité sur le site vie-publique.fr).

La révolution des métropoles globales

« Le rôle que joue une métropole dépend d’une multitude de facteurs. Il n’existe donc pas d’archétype de métropole globale, mais plutôt des métropoles globales qui se différencient les unes des autres en formant des réseaux urbains variés au sein desquels les villes qui comptent dans le monde interagissent. […]
Au-delà de leurs différences, les métropoles mondiales partagent toutefois certaines similitudes. D’une part, elles concentrent les activités stratégiques et les fonctions de décision, de maîtrise et de création de l’économie globalisée, notamment les services spécialisés de haut niveau, tels que la finance et les services aux entreprises. On y trouve tout ce qui permet l’élaboration, l’organisation, le financement et la maîtrise des opérations économiques complexes qu’exige la globalisation de l’économie. D’autre part les métropoles globales allient à ces fonctions économiques des connexions planétaires dont la variété et le nombre servent d’étalon pour mesurer leur puissance relative. Étroitement reliées les unes aux autres grâce aux technologies de l’information et de la communication et aux transports à grande vitesse, elles forment des réseaux de coordination à l’échelle mondiale, réseaux qui interagissent entre eux de manière quasi instantanée. Ces villes sont les centres de la coordination de l’économie globale. […] Nées des nombreux changements qui ont traversé nos sociétés depuis les années 1970, les métropoles globales sont la marque la plus éclatante de la nouvelle configuration spatiale des activités économiques à l’échelle du monde.
La « Révolution » de l’information et de la communication et l’émergence de la proximité virtuelle – qui permet tout en étant géographiquement éloigné et sans avoir besoin de se déplacer pour interagir, d’être proche de quelqu’un ou d’un service – constitue un bouleversement technologique de premier ordre. »

 

Lise BOURDEAU-LEPAGE, « Un monde polycentrique et métropolisé », in Questions internationales – les villes mondiales, n°60 (La Documentation française), mars-avril 2013.

Le Ghana, eldorado pour les investisseurs (2015) ?

Situation socio-économique du Ghana pour le Ministère des Affaires étrangères du Canada en 2015.

Ce document est une fiche technique parmi d’autres destinée à présenter la situation socio-économique de pays avec lesquels le Canada commerce ; elle vise les investisseurs et les entrepreneurs canadiens.

 

« Le Ghana est une démocratie stable et paisible, en bonne voie d’atteindre son objectif de devenir un pays à revenu intermédiaire d’ici 2020. Il est salué comme un nouveau modèle de réussite économique en Afrique : ces dernières années, son taux de croissance a toujours dépassé les 6 %. Depuis 1992, cinq élections démocratiques consécutives y ont eu lieu, et deux transitions de gouvernement se sont déroulées dans la paix. D’autres pays d’Afrique se tournent maintenant vers le Ghana pour obtenir des conseils sur la tenue d’élections.
Depuis 1990, le gouvernement du Ghana a travaillé de près avec la communauté des donateurs et a réduit de près de moitié le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté. Cependant, environ 30 % des Ghanéens vivent toujours avec moins de 1,25 $US par jour. Environ 2 millions de personnes ont un accès limité à la nourriture, et les trois régions du Nord du pays sont régulièrement touchées par des pénuries de vivres. Les enfants sont particulièrement vulnérables : environ 12 % des enfants ghanéens de moins de cinq ans ont un poids insuffisant. En 2012, le Ghana occupait le 135e rang sur 187 pays pour ce qui est de l’indice du développement humain établi par le Programme des Nations Unies pour le développement.
Le Ghana a assez bien réussi à atténuer les répercussions de la crise alimentaire mondiale de 2008 grâce à des programmes d’aide sociale et à d’autres mesures; il a entre autres supprimé les droits d’importation et les taxes sur les aliments et le carburant.
Le Ghana est toujours vulnérable aux effets persistants de la crise économique mondiale. La pauvreté s’est accentuée dans certains groupes de population, surtout les femmes, les agriculteurs et les personnes vivant dans les régions du Nord. »

 

Site du ministère des Affaires étrangères du Canada, avril 2015.

L’aubaine des nouveaux aménagements du canal de Suez (Les Echos, 2015)

« Les armateurs de la marine marchande sablent le champagne. L’Egypte inaugure ce jeudi un nouveau canal de Suez, supprimant un inconvénient majeur du canal historique, une largeur devenue insuffisante du fait de la course au gigantisme des porte-conteneurs. Les bateaux naviguant vers le sud et ceux en direction du nord devaient attendre que la voie soit libre pour s’engager.

L’Egypte a pris le taureau par les cornes, en entreprenant il y a onze mois de cela un chantier pharaonique. Des travaux en accéléré dans la compétition que se livrent Suez et le canal de Panama pour faire passer dans leurs eaux les géants de la mer. Selon l’armateur marseillais CMA CGM, numéro trois mondial du transport maritime, le canal de Suez voit passer environ 18 000 navires chaque année, contre 11 000 pour Panama. Pour l’Egypte, il s’agissait non seulement de prendre en compte le développement du trafic Asie-Europe, mais aussi donc de conserver ses parts de marché, sur les trajets Asie-côte est de l’Amérique. […]

Le trafic va s’accélérer, du fait notamment d’un temps de transit mécaniquement réduit de sept heures – passant de 18 à 11 heures – avec les nouvelles installations. D’ici à 2023, quelque 97 navires pourront emprunter le canal quotidiennement, contre 49 actuellement, affirme l’Autorité du canal de Suez.

Le canal de Suez est un passage stratégique pour les transporteurs maritimes. Il draine près de 8 % du trafic mondial et permet aux navires d’économiser de précieuses heures de transport vers l’Europe, comparativement à un trajet contournant le continent africain. Impossible pour un navire de s’affranchir de ce canal sans naviguer de nombreux jours supplémentaires. D’après CMA CGM, une traversée entre Rotterdam et Singapour dure 9 jours de moins en passant par le canal de Suez qu’en naviguant au large du cap de Bonne Espérance, en Afrique du Sud.

Pour le groupe de transport maritime […], le canal de Suez est « le plus important en termes de trafic » et s’avère « une route stratégique et incontournable du fait de sa situation géographique, à la croisée des lignes desservant les grands marchés mondiaux ». Il a ainsi une longueur d’avance sur le canal de Panama, presque deux fois moins utilisé par l’armateur français.

Néanmoins, les transporteurs pourraient déchanter en constatant une possible augmentation des tarifs de passage sur le canal de Suez. En situation de monopole sur le trajet Asie-Europe, l’Egypte pourrait être tentée de répercuter le coût des travaux sur ses tarifs. Cependant, selon un expert, une hausse des tarifs ne serait pas d’actualité. »

Les Echos, 6 août 2015

Le Livre blanc de la Palestine sous tutelle britannique (mai 1939)

A la suite d’une conférence anglo-judéo-arabe qui se tient à Londres en février 1939, un Livre blanc est publié en mai 1939 dans le but d’apaiser les tensions entre Arabes et Juifs, et de détourner les pays arabes des puissances de l’Axe dans un contexte de marche à la guerre. Le Royaume-Uni, puissance mandataire de la Palestine, revient sur les promesses faites au mouvement sioniste pendant la Grande Guerre. Connu sous le nom de « Livre blanc de CHURCHILL » (alors secrétaire aux Colonies), ce document modère les points énoncés dans la déclaration Balfour, restreignant par exemple le territoire dédié au foyer national juif et relevant les conditions financières d’immigration des juifs.

I. Constitution

[…] Il a été avancé que l’expression foyer national pour le peuple juif offrait la perspective d’une Palestine devenue progressivement un État ou un Commonwealth juif. Le gouvernement de Sa Majesté n’entend pas mettre en cause le point de vue – exprimé par la Commission royale – des chefs sionistes lors de la déclaration Balfour, selon lequel ils estimaient que les termes de la déclaration n’excluaient pas un État juif ultimement. Mais, en accord avec la Commission royale, le gouvernement de Sa Majesté est convaincu qu’intégrée au cadre du mandat comme elle l’a été, la déclaration Balfour ne pouvait en aucune façon signifier que la Palestine serait transformée en un État juif, contre la volonté de la population arabe du pays.

[…] Le gouvernement de Sa Majesté déclare aujourd’hui sans équivoque qu’il n’est nullement dans ses intentions de transformer la Palestine en un État juif. Il considérerait comme une chose contraire à ses obligations envers les Arabes placés sous son mandat, et contraire aux assurances fournies précédemment aux Arabes, que la population arabe de Palestine doive devenir, contre sa volonté, les sujets d’un État juif. […] Depuis la déclaration de 1922, plus de 300 000 juifs ont immigré en Palestine, et la population du foyer national (juif) s’est élevée à quelque 450 000 âmes, soit environ un tiers de la population entière du pays. Et la communauté juive n’a pas manqué de tirer le plus grand parti des facilités qui lui furent offertes. L’accroissement du foyer national juif et ses réalisations en plusieurs domaines sont un effort remarquable de construction dont le monde doit être fier et qui, en particulier, font honneur au peuple juif.

[…] Il serait contraire à tout l’esprit du système des mandats que la population de Palestine demeure indéfiniment sous tutelle mandataire, aussi convient-il que les habitants du pays jouissent dès que possible du droit de se gouverner eux-mêmes, droit qu’exercent déjà les habitants des pays voisins. Le gouvernement de Sa Majesté ne peut présentement prévoir la forme constitutionnelle exacte que prendra le gouvernement en Palestine, mais son objectif est le self-government, et son désir est de voir s’établir finalement un État de Palestine indépendant. Ce devra être un État dans lequel les Arabes et les Juifs partageront l’autorité dans le gouvernement de telle manière que les intérêts essentiels de chacun soient sauvegardés.

[…] Au bout de cinq années, un corps représentatif des habitants de Palestine et du gouvernement britannique devra être établi aux fins de réviser les dispositions constitutionnelles de la période transitoire et de déposer des recommandations concernant la Constitution de l’État de Palestine indépendant. Si, au terme de dix années, il est avéré que l’indépendance doive être ajournée, le gouvernement britannique consultera les habitants de Palestine, le Conseil de la SDN. et les États arabes voisins, et établira en coopération avec eux des plans pour l’avenir.

 

II. Immigration

[…] La crainte qu’ont les Arabes que ce flot se poursuive indéfiniment jusqu’à ce que la population juive soit à même de les dominer a provoqué des conséquences extrêmement graves pour les Juifs et les Arabes et pour la paix et la prospérité de la Palestine. Les troubles regrettables des trois années écoulées ne sont que la plus récente et la plus persistante manifestation de cette grave appréhension arabe. Les méthodes utilisées par les terroristes arabes contre des frères arabes et contre des Juifs méritent la plus sévère condamnation. Mais on ne peut nier que la peur d’une immigration juive indéfinie est largement répandue dans les rangs de la population arabe et que cette peur a rendu possibles ces troubles […].

En conséquence, l’immigration sera maintenue au cours des cinq prochaines années pour autant que la capacité économique d’absorption du pays le permettra, à un taux qui portera la population juive à environ le tiers de la population totale. […] Au terme de la période de cinq ans, aucune immigration juive ne sera plus autorisée, à moins que les Arabes de Palestine ne soient disposés à y consentir […].

 

III. La terre

[…] Les rapports de plusieurs commissions d’experts ont indiqué que, compte tenu de la croissance naturelle de la population arabe et de l’importance des ventes de terres arabes aux Juifs, en certains endroits il ne reste plus assez de place pour de nouveaux transferts de terres arabes, tandis qu’en d’autres endroits ces transferts doivent être limités pour que les cultivateurs arabes puissent garder leur niveau de vie actuel et que ne soit pas créée prochainement une importante population arabe sans terre. Dans ces circonstances, le haut-commissaire recevra tous les pouvoirs pour prohiber et réglementer les transferts de terres […].

Extraits du Livre blanc de la Palestine sous tutelle britannique, 1939. Source : Olivier CARRE, Le mouvement national palestinien, Gallimard/Julliard, 1977, p. 76-79.

Une gouvernance globale sans gouvernement global (STIGLITZ, 2006)

« C’est […] un lieu commun d’observer que la mondialisation se développe et qu’il en résulte une intégration plus grande des pays du monde qui, du coup, se rapprochent les uns des autres. Ce rapprochement [est] rendu possible par l’abaissement des coûts de transport [et] de communication. […]
Le problème est que cette action collective exige des mécanismes de prise de décision, que nous pouvons nommer « gouvernance », pour exister. Mais le système international qui s’est développé depuis des décennies […] est un système de gouvernance globale sans gouvernement global. […] Il existe cependant un réseau complexe d’arrangements internationaux, qui, pris ensemble, forment la gouvernance mondiale. Ce réseau comprend de nombreux traités internationaux (par exemple ceux de Montréal et de Kyoto) et un ensemble de lois internationales […]. Qui plus est, de nombreuses décisions touchant à l’économie mondiale sont prises dans le cadre des institutions internationales des Nations Unies, notamment le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le problème vient de ce que, faute d’un véritable gouvernement mondial, ces institutions sont gravement défaillantes. Pour commencer, les institutions internationales sont non-démocratiques. […] Au FMI, dont les décisions affectent des millions de personnes de par le monde, un seul pays possède le droit de veto : les Etats-Unis. Les droits de vote sont déterminés par l’étendue du pouvoir économique, telle que fixée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à quelques ajustements près faits depuis. Ceci explique pourquoi les pays qui font aujourd’hui, et plus encore demain, la croissance mondiale, y sont sous-représentés. »

 

Joseph STIGLITZ (économiste américain, proche des idées de KEYNES, prix Nobel d’économie en 2001 ; économiste en chef de la Banque mondiale jusqu’en 2000, il se montre critique vis-à-vis du FMI et de la Banque mondiale), « Biens publics et finance globale : la gouvernance mondiale est-elle au service de l’intérêt général ? » in Promouvoir les biens publics, Paris, 2006.

Le rapprochement sino-américain analysé par un journaliste français (1971)

« L’annonce d’une prochaine visite du président NIXON à Pékin a étonné le monde et fait l’objet d’innombrables commentaires. Comment la Chine qui ne cesse de dénoncer la politique d’agression des États-Unis a-t-elle pu accepter le principe de cette rencontre ? Quelles raisons ont pu pousser le gouvernement de Washington à faire ce geste […] ?
Certes, les facteurs qui ont dû pousser les États-Unis dans le sens de cette détente sont nombreux. […] Parmi ceux qui peuvent être considérés comme prépondérants probablement faut-il retenir dans l’ordre, l’espoir de faciliter le règlement du conflit vietnamien, la perspective de l’élection présidentielle de 1972, la question de l’entrée de la Chine à l’ONU et la volonté de faire pression sur l’URSS. Les raisons qui ont pu amener la Chine populaire à accepter le dialogue sont tout aussi importantes.
La première, qui est d’ordre très général, tient évidemment à la crainte qu’éprouve le gouvernement de Pékin de voir ceux de Washington et Moscou s’entendre contre lui sur un certain nombre de points. Quelle que soit l’idée que l’on se fasse de l’avenir de la détente sino-américaine, on ne peut nier la réalité actuelle et le danger qu’elle fait courir au gouvernement de Pékin. La Chine est un pays pauvre et le restera probablement encore pour un certain temps. C’est dire que sa puissance, pour de nombreuses années encore, ne pourra être fondée sur sa capacité industrielle mais sur son dynamisme politique et son habileté diplomatique. Le seul moyen dont dispose le gouvernement chinois pour s’affirmer sur la scène internationale, c’est de faire échec à tout rapprochement entre les deux super-puissances. »

 

Extrait de l’article de François JOYAUX, publié dans le Monde diplomatique en septembre 1971 et cité dans « Confucius, Mao, le marché… jusqu’où ira la Chine ? », Manière de voir 85, février-mars 2006.
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