TEXTES »

DE GAULLE présente sa rénovation de l’État sous le GPRF

Dans ses mémoires, Charles DE GAULLE rappelle quelques grands traits du gouvernement de la France après la Seconde Guerre mondiale.

 

« On peut dire qu’un trait essentiel de la résistance française est la volonté de rénovation sociale. Mais il faut la traduire en actes. Or, en raison de mes pouvoirs et du crédit* que m’ouvre l’opinion, j’ai les moyens de le faire. […]
Étant donné que l’activité du pays dépend du charbon, du courant électrique, du gaz, du pétrole et dépendra un jour de la fission de l’atome, que pour porter l’économie française au niveau qu’exige le progrès ces sources doivent être développées, qu’il y faut des dépenses et des travaux que seule la collectivité est en mesure d’accomplir, la nationalisation s’impose.
Dans le même ordre d’idée, l’État se voit attribuer la direction du crédit. En effet, dès lors qu’il lui incombe de financer lui-même les investissements les plus lourds, il doit en recevoir directement les moyens. Ce sera fait par la nationalisation de la Banque de France et des grands établissements de crédit. […]
Enfin, pour amener l’économie nouvelle à s’investir, c’est-à-dire à prélever sur le présent afin de bâtir l’avenir, le « Haut-commissariat au Plan d’équipement et de modernisation » sera créé pendant cette même année. Mais il n’y a pas de progrès véritable si ceux qui le font de leurs mains ne doivent pas y trouver leur compte. Le gouvernement de la Libération entend qu’il en soit ainsi, non seulement par des augmentations de salaires, mais surtout par des institutions qui modifient profondément la condition ouvrière. L’année 1945 voit refondre entièrement et étendre à des domaines multiples le régime des assurances sociales. Tout salarié en sera obligatoirement couvert. Ainsi disparaît l’angoisse, aussi ancienne que l’espèce humaine, que la maladie, l’accident, la vieillesse, le chômage faisaient peser sur les laborieux. […] D’autre part, un système complet d’allocations familiales est alors mis en vigueur. »

 

* « …crédit que m’ouvre l’opinion » : crédit a ici le sens de « confiance de l’opinion » et non le sens financier que le mot prend dans le reste du texte.

 

Charles DE GAULLE, Mémoires de guerre, Le Salut, 1944-1946, Plon, 1959.

Karl LIEBKNECHT proclame la République socialiste libre d’Allemagne (novembre 1918)

« Camarades, voici l’aube de notre liberté. Jamais un Hohenzollern* ne mettra plus le pied ici. Ce sont les esprits de millions de personnes qui ont donné leur vie pour la cause sacrée du prolétariat. Avec les crânes brisés, baignant dans leur sang, ces victimes de la tyrannie ont titubé, suivies par les esprits de millions de femmes et d’enfants morts de chagrin et de misère pour la cause du prolétariat. Après eux sont venus les millions de victimes de cette guerre mondiale. Aujourd’hui, une multitude immense de prolétaires impassibles se tient sur la même place, rendant hommage à cette nouvelle liberté. Camarades, je proclame la République socialiste allemande libre qui réunira tous les Allemands dans laquelle il n’y aura plus de bourgeoisie, ni de chefs, ni de serviteurs ; dans laquelle tout travailleur recevra un salaire juste pour son travail. Le règne du capitalisme qui a transformé le continent européen en un marais de sang est brisé. […] Mais si le vieux monde est abattu, nous ne devons pas croire que notre tâche est achevée. Nous devons concentrer toutes nos forces pour construire le gouvernement des ouvriers et des soldats, et pour instaurer un nouvel ordre étatique du prolétariat, un ordre de paix, de bonheur et de liberté pour tous nos frères allemands et pour nos frères du monde entier. Nous leur tendons la main et les appelons à achever la révolution mondiale. Que ceux d’entre vous qui veulent voir réalisées la République socialiste libre d’Allemagne et la révolution mondiale lèvent la main en guise de serment. (Toutes les mains se lèvent et des cris fusent : vive la République !) […] »

 

* La famille Hohenzollern est celle à laquelle a appartenu le dernier empereur allemand GUILLAUME II. Cette famille règne sur l’empire allemand depuis sa création en 1871.

 

Karl LIEBKNECHT, Gesammelte Reden und Schriften (Recueil de textes et discours), Dietz Verlag, 1971.

Partager le « fardeau » de la sécurité mondiale (OBAMA, 2012)

Nous recherchons la sécurité de notre Nation, de nos alliés et de nos partenaires.

Nous recherchons la prospérité qui découle d’un système économique international ouvert et libre.

Et nous recherchons un ordre international juste et durable, où les droits et les responsabilités des nations et des personnes sont respectés, notamment les droits fondamentaux de tout être humain. […]

Par opposition à la vision meurtrière des extrémistes violents, nous nous joignons, dans le monde entier, à nos alliés et partenaires, pour bâtir leur capacité à promouvoir la sécurité, la prospérité et la dignité humaine. Les capacités croissantes de nos alliés et partenaires, qui viennent d’être démontrées par la mission réussie de protection du peuple libyen1, nous offrent de nouvelles occasions de partager le fardeau.

Faire face à ces défis ne relève pas seulement de l’armée, et c’est pourquoi nous avons renforcé tous les outils de la puissance américaine, y compris la diplomatie et l’aide au développement, le renseignement et la sécurité intérieure. […] Alors que nous terminons les guerres actuelles et que nous reformatons2 notre armée, nous allons conserver des forces militaires agiles, flexibles et prêtes à réagir à toutes les situations. […]

Les choix fiscaux auxquels nous sommes confrontés sont difficiles, mais cela ne doit faire aucun doute – ni ici aux États-Unis, ni dans le monde –, nous conserverons une armée qui est la force de combat la mieux entraînée, la mieux dirigée et la mieux équipée de l’histoire. Et dans un monde changeant qui réclame notre leadership, les États-Unis d’Amérique resteront la plus grande force pour la liberté et la sécurité que le monde ait jamais connue. »

1 – Intervention contre le colonel KHADAFI initiée en 2011 par la France et le Royaume-Uni.

2 – Les effectifs de l’armée américaine sont diminués.

 

Barack OBAMA, préface au rapport Maintenir le leadership mondial des États-Unis : les priorités de la défense pour le XXIe siècle, présenté à Washington le 3 janvier 2012.

George W. BUSH lance la bataille contre le terrorisme (12 septembre 2001)

« Les attaques meurtrières et délibérées qui ont eu lieu hier contre notre pays étaient plus que des actes terroristes. Elles étaient des actes de guerre. Ces actes nécessitent l’unité de notre pays et son inébranlable détermination. La liberté et la démocratie sont menacées. Le peuple américain doit savoir que nous faisons face à un ennemi différent, tel que nous n’en avons jamais eu. Cet ennemi se cache dans l’ombre et n’a pas d’intérêt pour la vie humaine. C’est un ennemi qui s’attaque à des innocents puis se met à l’abri, mais il ne sera pas capable de s’abriter pour toujours. C’est un ennemi qui pense que ses bases sont sûres, mais elles ne seront pas sûres pour toujours. C’est un ennemi qui n’a pas seulement attaqué notre peuple, mais aussi tous les peuples attachés à la liberté partout dans le monde.

Les Etats-Unis utiliseront tous les moyens pour vaincre cet ennemi. Nous rassemblerons le monde. Nous seront patients. Nous restons concentrés et inébranlables sur notre objectif. Ce combat prendra du temps et sera résolu, mais ne vous méprenez pas : nous gagnerons. […] L’Amérique est unie. Les nations éprises de liberté sont à nos côtés. Ce sera un combat exceptionnel du Bien contre le Mal, et le Bien l’emportera. »

Allocution télévisée du Président des États-Unis George W. BUSH, 12 septembre 2001.

Le XXIe siècle, un siècle américain ? (Le Monde, 2000)

« Un siècle américain ?

Au beau milieu des années 1980 encore, on les disait sur le déclin. De ce côté-ci de l’Atlantique mais également en Asie, où les succès économiques portaient certains à l’arrogance, on les voyait sur le chemin de la décadence. Ils avaient dominé le siècle. Mais l’heure de l’Europe et de l’Asie – du Japon ou de la Chine, selon les modes – avait sonné. Bref, les États-Unis, affirmait-on alors, gros ouvrages à l’appui, avaient connu leur apogée.

On avait parlé trop vite. Ils n’étaient pas en sommeil : ils changeaient. Ils inventaient la nouvelle économie. Ils intégraient, les premiers, les dernières technologies de l’information, nées chez eux, à l’industrie et aux services. Cette révolution allait redonner à l’économie américaine sa place prépondérante. A cette puissance économique et technologique s’ajoute, au lendemain de la victoire dans la guerre froide, leur domination militaire – celle des armes du futur – et idéologique – l’économie de marché et la démocratie, indépassables horizons… Ils sont le plus gros centre de recherche du monde : année après année, leurs scientifiques empochent plus de 60% des Nobel. Un demi-million de jeunes étrangers étudient dans leurs universités.

Autant politique qu’économique, leur puissance est aussi, surtout, culturelle : la culture populaire américaine domine le monde. L’ensemble de la panoplie, qu’aucun autre État ne possède au complet, fait d’eux ce que l’essayiste américain Ben J. WATTENBERG a, le premier, appelé une « hyperpuissance ». Le XXIe siècle s’annonce-t-il comme la répétition du XXe siècle : un siècle américain ? »

Éditorial du journal Le Monde, 1er janvier 2000.

JFK explique sa stratégie spatiale en 1961

Après son discours de la Nouvelle Frontière (1960), et alors que l’URSS vient d’envoyer le premier homme dans l’espace, le président KENNEDY explique au Congrès les objectifs de sa politique spatiale.

 

« Je crois que cette nation devrait s’engager à réaliser, avant la fin de cette décennie, l’objectif d’envoyer un homme sur la Lune et de le ramener sain et sauf sur Terre. Aucun autre projet spatial à notre époque ne sera plus [imposant] ni plus important pour l’exploration de l’espace à long terme ; aucun ne sera non plus aussi difficile ou aussi onéreux à accomplir. […]

Nous proposons d’accélérer le développement de vaisseaux spatiaux lunaires adéquats. Nous proposons de développer de nouvelles fusées de lancement à combustible aussi bien liquide que solide, d’une puissance nettement supérieure à celles sur lesquelles les recherches portent actuellement, jusqu’à pouvoir décider avec certitude de la supériorité des unes ou des autres. Nous proposons que des fonds supplémentaires soient alloués à des recherches complémentaires sur les moteurs et à des missions non habitées, missions d’une importance cruciale au regard d’un objectif que cette nation n’oubliera jamais : la survie de l’homme qui le premier entreprendra un vol aussi audacieux. Mais, véritablement, il ne s’agira pas du voyage sur la Lune d’un seul homme ; il s’agira de celui de la nation toute entière. Car l’y envoyer demandera que nous unissions tous nos efforts. »

John F. KENNEDY (1917-1963), discours devant le Congrès, 25 mai 1961.

La carrière du haut-fonctionnaire Paul DELOUVRIER par le journal L’Humanité (1995)

Avec la mort, hier, de Paul DELOUVRIER, c’est l’un des derniers grands serviteurs de l’État du temps du général DE GAULLE qui vient de disparaître. Inspecteur des finances, il participa aux combats de la Résistance dans la région de Nemours, fit partie, à la Libération, d’un cabinet ministériel, avant de diriger, en 1948, la section financière du commissariat général du Plan.

Dix ans plus tard, il sortit de l’ombre, à la faveur du retour au pouvoir du général DE GAULLE qui le nomma délégué général du gouvernement en Algérie. L’anecdote veut que, tenté de refuser ce poste, il objecta: « Mon général, je ne suis pas de taille. » Ce à quoi il lui fut répondu: « Vous grandirez, DELOUVRIER ! »

Pendant près de deux ans, il fut donc l’un des hommes clés de la politique algérienne de DE GAULLE, avant de devenir, en 1961, celui de la restructuration de la région parisienne. Nommé délégué général de ce qui s’appelait alors un «district», il attacha son nom au projet des «villes nouvelles» et, d’une façon plus générale, à l’élaboration, en 1965, du premier schéma directeur d’aménagement de l’Ile-de-France.

Préfet de la région parisienne de 1966 à 1969, Paul DELOUVRIER avait gardé un œil critique sur l’expérience qu’il avait initiée et sur ses développements ultérieurs. « On rêve d’un idéal et la vie en offre rarement le spectacle », confiait-il, il y a moins d’un mois, au journal Libération, avant de tenter cette définition: « Une ville, c’est un référendum permanent. » Ou encore: « Une banlieue, c’est une zone d’habitation qui ne propose pas les équipements d’une ville. En ce sens, un banlieusard est un citoyen mutilé. » Paul DELOUVRIER présida ensuite aux destinées d’EDF – de 1969 à 1979 – puis, jusqu’en 1984, à celles de l’établissement public du parc de La Villette. Il était âgé de 80 ans. »

J-P M., « La mort de Paul DELOUVRIER », L’Humanité (journal du Parti communiste français), 18 janvier 1995.

Les Républicains rejettent le traité de Versailles (1919)

Les Républicains ont obtenu la majorité au Congrès en novembre 1918. Leur leader au Sénat, Henry CABOT LODGE, propose de n’accepter le traité de Versailles qu’avec un certain nombre de réserves.

« Les États-Unis se réservent exclusivement le droit de décider ce qui rentre dans le cadre de leur législation intérieure et déclarent que toutes les questions de politique intérieure, qui relèvent en partie ou en totalité de leurs affaires internes, y compris l’immigration, le travail […], les droits de douane, le commerce […], sont uniquement du ressort de la législation des États-Unis et n’ont pas, en vertu de ce traité, à être soumises en aucune manière à l’arbitrage ou à l’examen du Conseil ou de l’Assemblée de la SDN […].

Les États-Unis ne soumettront à un arbitrage ou une enquête de l’Assemblée ou du Conseil de la SDN, en vertu dudit traité, aucune question dans laquelle la décision des États-Unis dépend de cette politique établie depuis longtemps que l’on appelle communément la doctrine Monroe. […]

Les États-Unis ne seront pas obligés de contribuer aux dépenses de la SDN ou de son Secrétariat ou de quelque commission, comité, conférence ou autre agence […] sans qu’au préalable le Congrès des États-Unis n’ait affecté des fonds à ces dépenses. […]

Si les États-Unis adoptaient un quelconque plan de limitation des armements proposé par le Conseil de la SDN […], ils se réservent le droit d’augmenter ces armements sans l’accord du Conseil, au cas où les États-Unis seraient menacés d’invasion ou engagés dans une guerre. »

Henry CABOT LODGE, discours du 19 novembre 1919.

Les 14 points du président WILSON (1918 – extraits)

« Nous sommes entrés dans cette guerre parce que des violations du droit se sont produites qui nous touchaient au vif, et qui rendaient la vie de notre peuple impossible, à moins qu’elles ne fussent réparées, et que le monde ne fût une fois pour toutes assuré contre leur retour. Ce que nous exigeons dans cette guerre n’est donc rien de particulier pour nous-mêmes. Ce que nous voulons, c’est que le monde devienne un lieu sûr où tous puissent vivre, un lieu possible spécialement pour toute nation éprise de la paix, comme la notre, pour toute nation qui désire vivre librement de sa vie propre, décider de ses propres institutions, et être sûre d’être traitée en toute justice et loyauté par les autres nations, au lieu d’être exposée à la violence et aux agressions égoïstes de jadis. […] C’est donc le programme de la paix du monde qui constitue notre programme. Et ce programme, le seul possible selon nous, est le suivant :

1. Des conventions de paix, préparées au grand jour ; après quoi il n’y aura plus d’ententes particulières et secrètes d’aucune sorte entre les nations, mais la diplomatie procédera toujours franchement et à la vue de tous.

2. Liberté absolue de la navigation sur mer, en dehors des eaux territoriales, aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre […].

3. Suppression, autant que possible, de toutes les barrières économiques, et établissement de conditions commerciales égales pour toutes les nations consentant à la paix et s’associant pour son maintien.

4. Échange de garanties suffisantes que les armements de chaque pays seront réduits au minimum compatible avec la sécurité intérieure.

5. Un arrangement librement débattu, dans un esprit large et absolument impartial, de toutes les revendications coloniales, basé sur la stricte observation du principe que, dans le règlement de ces questions de souveraineté, les intérêts des populations en jeu pèseront d’un même poids que les revendications équitables du gouvernement dont le titre sera à définir. […]

14. Il faut qu’une société des nations soit constituée en vertu de conventions formelles ayant pour objet d’offrir des garanties mutuelles d’indépendance politique et d’intégrité territoriale aux petits comme aux grands États. »

 

Woodrow WILSON, message adressé au Sénat des États-Unis, 8 janvier 1918.

Le face-à-face Chine-Japon (2010)

« S’agissant de la construction régionale, [les conceptions de la Chine et du Japon ] sont opposées : pour la Chine, son périmètre devrait être celui de l’ASEAN+3 alors que le Japon milite pour l’ASEAN+6, qui inclut l’Autralie, l’Inde et la Nouvelle-Zélande. […] La raison du désaccord est évidente. La Chine préfère le cadre de l’ASEAN+3, où son influence est plus forte ; le Japon privilégie au contraire ASEAN+6 car les liens étroits qu’il a tissés avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande et plus récemment l’Inde, lui permettraient d’établir un « arc de la démocratie » en rempart contre les ambitions chinoises. L’accès aux ressources, vital pour chacun des deux pays, les oppose aussi violemment. Pour les hydrocarbures par exemple, deux différends les ont déjà opposés. Outre le contentieux territorial sur l’archipel Senkaku/Diaoyutai, un désaccord les sépare sur leurs frontières maritimes et donc sur la propriété des ressources halieutiques ou énergétiques de certaines zones, notamment les gisements pétroliers et gaziers situés en mer de Chine orientale. Ils s’étaient déjà longuement affrontés par Russie interposée sur le tracé du pipeline acheminant le pétrole sibérien vers la région Asie-Pacifique. »

C. MEYER, Chine ou Japon, quel leader pour l’Asie ?, Presses de Sciences Po, coll. « Nouveaux débats », 2010.

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