TEXTES »

La construction européenne et l’élargissement résumés par un commissaire européen (2011)

« Après être passée de six membres dans les années 1950 à 27 membres depuis 2007, l’Union européenne (UE) compte maintenant plus de 500 millions d’habitants. S’étendant de l’Atlantique à la mer Noire, elle réunit désormais les régions occidentales et orientales de l’Europe.
La Communauté économique européenne avait été créée pour favoriser la paix et la stabilité du continent, et l’objectif de l’UE conserve aujourd’hui toute la pertinence qu’il avait alors. De nouveaux membres se sont joints à l’aventure et l’UE est devenue plus prospère, plus forte et plus influente.
La politique d’élargissement de l’UE fait de l’Europe un espace plus sûr, l’accent étant mis sur la consolidation de l’État de droit, tout en favorisant la démocratie et les libertés fondamentales dans tous les pays candidats, qui sont nos voisins immédiats. L’élargissement nous permet de promouvoir nos valeurs, de défendre nos intérêts et de jouer notre rôle d’acteur mondial.
Nous défendons les valeurs qui unissent l’Europe au-delà de nos frontières, sur une scène internationale marquée par les changements et les incertitudes. Une Union qui développe la coopération entre d’anciens rivaux tout en faisant respecter les normes les plus strictes en matière de droits de l’homme maintient l’influence nécessaire pour façonner le monde qui l’entoure. »

 

Stefan FÜLE, commissaire européen chargé de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage (2010-2014), extrait de la préface de la brochure éditée par la Commission européenne, Comprendre l’élargissement. La politique d’élargissement de l’Union européenne, 2011.

Le regard d’un journaliste français sur la Chine de MAO (1965)

« Aujourd’hui, l’aspiration de la Chine à la direction de la révolution communiste est partout étalée dans les textes officiels, et c’est à chaque instant que le Quotidien du peuple* ou le Drapeau rouge* invitent les communistes à regarder vers Pékin, aussi bien les communistes des pays impérialistes que ceux des pays coloniaux ou semi-coloniaux. Partout en Chine j’ai vu affichée sur les murs l’image du vaillant prolétaire chinois guidant vers le combat ses frères noirs, jaunes et blancs. La thèse sans cesse répétée est que le marxisme-léninisme a été trahi en Occident par toutes les équipes communistes en place, en commençant par l’équipe khrouchtchévienne. […]
Dans le domaine diplomatique, le retour à la Chine signifie la fin d’un contrôle ou même d’une suzeraineté qu’exerçait Moscou sur la diplomatie chinoise. Jusqu’à une date récente, la Chine acceptait qu’une bonne partie de ses relations avec le monde extérieur passât par Moscou. Il lui était égal d’être absente de la scène internationale, ou du moins elle pouvait se le permettre, ayant assez à faire avec les problèmes intérieurs. Toute vassalité diplomatique par rapport à l’Union soviétique est aujourd’hui intolérable. Pour que le monde regarde vers la Chine, il faut que la Chine soit présente partout dans le monde. […]
Le retour à la Chine, c’est encore l’affirmation du principe de l’indépendance économique. «Comptons uniquement sur nos propres efforts », dit un slogan partout présent dans les usines […]. C’est un slogan courageux, quand il est proposé aux travailleurs chinois, puisqu’il leur demande l’énorme effort de combler le vide laissé par le départ des experts russes et de l’aide russe. […] »

 

* Il s’agit de titres de journaux chinois.

 

Robert GUILLAIN, Dans trente ans la Chine, Éditions du Seuil, 1965.

Rapport de Jean MOULIN sur l’état des journaux résistants en 1941

« Les trois groupements qui ont donné mandat à l’auteur de ces lignes de rédiger et de remettre aux autorités anglaises et au général DE GAULLE le présent message sont :

-« Liberté » ;

-« Libération nationale » ;

-« Libération ».

Ces trois groupements constituent, en France, les principales organisations de résistance à l’envahisseur. […]

Ces trois mouvements sont nés, spontanément et isolément, de l’initiative de quelques patriotes français. […] Dans les premiers temps, leur activité a consisté à répandre, sous le manteau et dans un cercle restreint, des feuilles de propagande dactylographiées à l’occasion des événements les plus marquants de l’actualité (discours de M. CHURCHILL, du président ROOSEVELT, appels du général DE GAULLE, actions militaires importantes, etc….), ou des faits justifiant une attitude de révolte de la part des patriotes français (prise de possession par HITLER de l’Alsace et de la Lorraine, violation des clauses de l’armistice, accords de Montoire, réquisitions allemandes, etc….).

Ensuite, avec le développement des moyens matériels et l’accroissement des bonnes volontés, ils purent tirer à la « ronéo » de véritables journaux paraissant avec une périodicité assez régulière. Enfin, depuis plusieurs mois, chaque groupement publie, à date fixe, un ou plusieurs journaux imprimés, ainsi que des brochures et des tracts. […]

Chacun des journaux des trois mouvements est imprimé, d’une part, en zone libre, d’autre part, en zone occupée, avec seulement des variantes dans le ton des articles pour une meilleure adaptation à l’état de l’opinion de chaque côté de la ligne de démarcation. Le tirage total de chacun de ces journaux (zone libre et zone occupée) varie entre 25 et 45 000 exemplaires, mais il faut multiplier ces chiffres au moins par cinq, étant données les nombreuses reproductions dactylographiées ou manuscrites qui en son faites. […] »

 

Rapport de Jean MOULIN aux services de renseignement britanniques et au général DE GAULLE à Londres, 25 octobre 1941, reproduit in Daniel CORDIER, Jean Moulin, l’inconnu du Panthéon, tome 3, nov. 1940-déc. 1941, Paris, 1993.

« L’Amérique est de retour » (discours de B. OBAMA, 2012)

« Nous nous réunissons ce soir bien conscients que cette génération de héros a fait des États-Unis un pays plus sûr et plus respecté à travers le monde. Pour la première fois en neuf ans, il n’y a pas d’Américains qui combattent en Irak. Pour la première fois en deux décennies, Oussama BEN LADEN n’est plus une menace pour ce pays. La plupart des hauts responsables d’al-Qaïda ont été vaincus. L’élan des talibans a été brisé, et une partie de nos soldats déployés en Afghanistan commencent à rentrer aux États-Unis. […]

En outre, nous facilitons la tâche aux entreprises pour qu’elles puissent vendre leurs produits dans le monde entier. […] Il n’y a pas un endroit au monde que je négligerai pour ouvrir de nouveaux marchés pour les produits américains. Et je ne resterai pas les bas croisés quand nos concurrents ne respectent pas les règles du jeu. Nous avons déposé des plaintes contre la Chine à un rythme près de deux fois supérieur à celui du gouvernement précédent – et cet effort a porté ses fruits. Plus d’un millier d’Américains ont un emploi aujourd’hui parce que nous avons stoppé une flambée d’importations de pneus chinois. Mais nous devons faire plus encore. Il n’est pas normal qu’un pays laisse pirater nos films, notre musique, nos logiciels. Il n’est pas juste que des industriels étrangers aient l’avantage sur nous uniquement parce qu’ils sont lourdement subventionnés. […]

En mettant fin à la guerre en Irak, nous avons pu infliger des coups décisifs à nos ennemis. Du Pakistan au Yémen, les agents d’al-Qaïda qui demeurent sont en fuite, et ils savent qu’ils ne peuvent pas se soustraire aux États-Unis d’Amérique.

Grâce à cette position de force, nous avons commencé à mener la guerre en Afghanistan à sa fin. Dix milliers de nos soldats sont revenus au pays. Vingt-trois mille de plus seront rapatriés d’ici la fin de l’été. La passation de la responsabilité aux Afghans se poursuivra et nous forgerons un partenariat durable avec l’Afghanistan pour que ce pays ne soit plus jamais une source d’attaques contre l’Amérique.

Au moment où le flux de la guerre se retire, une vague de changement déferle sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, de Tunis au Caire, de Sanaa à Tripoli. Il y a un an, KADHAFI était l’un des dictateurs les plus anciens de la planète – un assassin avec du sang d’Américains sur les mains. Aujourd’hui, il n’est plus. Et en Syrie, il ne fait pour moi pas de doute que le régime d’ASSAD découvrira bientôt que la force du changement est irrésistible et qu’on ne peut écraser la dignité des gens.

Nous ne savons pas exactement comment s’achèvera cette transformation extraordinaire. Mais nous sommes intéressés au premier chef par son issue. Et bien qu’il revienne au bout du compte aux peuples de la région de décider de leur destin, nous encouragerons les valeurs qui ont été si avantageuses à notre pays. Nous nous dresserons contre la violence et l’intimidation. Nous défendrons les droits et la dignité de toutes les personnes humaines – hommes et femmes ; chrétiens, musulmans et juifs. Nous soutiendrons les politiques qui favorisent l’émergence de démocraties solides et stables et de marchés ouverts, car la tyrannie ne fait pas le poids face à la liberté.

En outre, nous protégerons la sécurité des États-Unis contre ceux qui menacent nos citoyens, nos amis et nos intérêts. Regardez l’Iran. Grâce à la force de notre diplomatie, un monde naguère divisé sur la façon de gérer le dossier nucléaire iranien ne fait maintenant plus qu’un. Le régime est plus isolé que jamais ; ses dirigeants font face à des sanctions paralysantes, et tant qu’ils se déroberont à leurs responsabilités, cette pression ne fléchira pas. Qu’il n’y ait aucun doute à ce sujet : les États-Unis sont déterminés à empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire, et je garde toutes les options sur la table pour atteindre cet objectif. Mais une résolution pacifique de cette question reste possible, cette option étant nettement la meilleure, et si l’Iran change de direction et s’acquitte de ses obligations, il pourra rejoindre la communauté des nations.

Le renouvellement du leadership américain se fait sentir sur toute la planète. Nos plus anciennes alliances en Europe et en Asie sont plus fortes que jamais. Nos liens avec les Amériques sont plus profonds. Notre attachement absolu – et je dis bien absolu – à la sécurité d’Israël se traduit par la coopération militaire la plus étroite de l’histoire entre nos deux pays. Nous avons fait clairement comprendre que les États-Unis sont une puissance dans le Pacifique […]. Des coalitions que nous avons forgées pour sécuriser le matériel nucléaire aux missions que nous avons menées contre la faim et la maladie, des coups que nous avons assenés à nos ennemis à la force immuable de notre exemple moral, l’Amérique est de retour.

Quiconque vous dirait autrement, quiconque vous dirait que les États-Unis sont en déclin ou que notre influence s’est érodée, ne sait pas de quoi il parle. Ce n’est pas le message que nous entendons de la part de dirigeants du monde entier, qui sont tous impatients de collaborer avec nous. Ce n’est pas le sentiment des gens de Tokyo à Berlin ou du Cap à Rio, où l’opinion que l’on a des États-Unis n’a jamais été aussi bonne depuis de nombreuses années. Oui, le monde est en train de changer ; non, nous ne pouvons pas contrôler chaque événement. Mais l’Amérique reste la nation qui est indispensable aux affaires mondiales – et tant que je serai président, j’ai l’intention qu’il en soit toujours ainsi. […]

Chaque fois que je regarde ce drapeau, il me rappelle que les fils de notre destin sont cousus ensemble comme ses cinquante étoiles et ses treize bandes. Cette Nation est grande car nous l’avons bâtie ensemble. Cette Nation est grande car nous travaillons en équipe. Cette Nation est grande car nous nous défendons les uns les autres. Et si nous restons fidèles à cette vérité, en ce moment d’épreuve, il ne saurait y avoir de défi trop grand ou de mission trop difficile. Tant que nous sommes unis dans un but commun, tant que nous maintenons notre détermination commune, nous allons de l’avant, notre avenir est plein d’espoir et l’état de notre Union sera toujours solide.

Je vous remercie, que Dieu vous bénisse, et que Dieu bénisse les États-Unis d’Amérique. »

 

Discours du président Barack OBAMA sur l’état de l’Union prononcé devant le Congrès (Chambre des représentants et Sénat) réuni au Capitole (Washington) le 24 janvier 2012 à Washington.

La Chine fragilise l’économie japonaise (2012)

« Après la tempête diplomatique autour des îlots Diaoyu/Senkaku, revendiqués à la fois par la Chine et le Japon, les constructeurs nippons évaluent leurs pertes sur le premier marché mondial.

Parmi les trois grands japonais présents en Chine, le grand perdant s’appelle Nissan. Mardi 6 novembre, l’allié de Renault a dévoilé des résultats décevants, en retrait de 2,8% au premier semestre. […]

La montée du sentiment anti-japonais, depuis la fin de l’été, auprès des consommateurs chinois a toutefois eu raison de l’objectif de production de 10 millions de véhicules en 2012 que s’était assigné le groupe en début d’année. […]

Depuis septembre, rien ne va plus en Chine pour les constructeurs japonais. Les ventes de Toyota ont baissé de 48,9 % en septembre, celles de Honda de 40,5 %, et celles de Nissan de 35,3 %. […]

Au cours de l’été, les photos de voitures de marques japonaises retournées et parfois en flammes firent le tour de Weibo, le Twitter chinois, nourrissant la colère mais suscitant également un débat puisque les véhicules en question sont produits localement par des ouvriers chinois.

Le mois dernier, le richissime homme d’affaires CHEN Guangbiao a tranché en acquérant 43 autos de la marque Geely* afin de les offrir aux Chinois dont le véhicule avait été endommagé, « pour preuve de leur patriotisme ». Entouré de drapeaux de la République populaire, il s’était vanté lors d’une cérémonie d’avoir dépensé 5 millions de yuans (près de 627 000 euros) dans l’opération.

Dans ce contexte, les constructeurs japonais ont dû ralentir les cadences de leurs chaînes de production. Nissan a fermé ses usines pendant les congés entourant la fête nationale chinoise du 1er octobre, et la production n’a repris que le 8 octobre à un rythme limité. Toyota, qui possède neuf sites en Chine, avait réduit de moitié sa production début octobre avant de passer à 30 % de baisse par rapport à son rythme normal plus tard dans le mois.

Aux différends diplomatiques se superposent les erreurs stratégiques des constructeurs nippons en Chine. Alors que Volkswagen ou General Motors ne cessent de présenter des modèles spécifiquement conçus pour les conducteurs chinois, les Japonais proposent aux consommateurs locaux des véhicules pensés… pour les Américains ou les Européens. »

* Geely : constructeur automobile chinois.

 

Philippe JACQUE et Harold THIBAULT, « La Chine fragilise l’automobile japonaise »,  Le Monde, 6 novembre 2012.

La géographe Sylvie BRUNEL questionne le dynamisme de l’Afrique (2012)

Sacrée terre du XXIe siècle par Jean-Joseph BOILLOT dans Chindiafrique. La Chine, l’Inde et l’Afrique feront le monde de demain (2013), le continent est plutôt ici considéré comme la terre des défis insurmontés (mais pas insurmontables) par Sylvie BRUNEL (qui publiera en 2014 un ouvrage au titre identique à cet article : L’Afrique est-elle si bien partie ?).

 

« L’Afrique est devenue dans les médias le continent qui gagne. Elle semble, c’est vrai, avoir amorcé ses Trente Glorieuses. Un taux de croissance et des investissements étrangers directs qui rappellent ceux de la Chine au début des années 2000, l’intégration de l’Afrique du Sud dans les fameux BRICS, un désendettement exemplaire, une classe moyenne équivalente à celle de l’Inde (300 millions de personnes), plus de 500 millions de téléphones portables en circulation… Les attributs de l’émergence semblent enfin réunis.

Le continent présente des avantages comparatifs uniques dans la mondialisation, qui lui donnent une réserve de croissance considérable. La moitié des terres arables inemployées dans le monde et la faiblesse des rendements – moins d’une tonne de céréales à l’hectare -laissent espérer un potentiel d’accroissement de la production qui pourrait mettre fin à l’insécurité alimentaire du tiers de sa population.

Grenier potentiel et futur atelier du monde, avec 1 milliard de personnes qui ne demandent qu’à pouvoir travailler et consommer, enjeu géopolitique de premier plan dans l’accès aux matières premières, l’Afrique semble très bien partie, démentant les prédictions alarmantes de René DUMONT dans les années 1960.

Pourtant, l’engouement qu’elle suscite aujourd’hui paraît aussi aveugle que l’était le catastrophisme d’hier, lorsque la fin de la guerre froide vit l’effondrement des États, minés par la crise de la dette, et la chute de l’aide publique au développement. Car les lignes de faiblesse du continent demeurent : aujourd’hui, la croissance africaine n’est pas durable. L’ampleur des inégalités internes crée des tensions sociales d’autant plus fortes que les réseaux de communication et d’information mettent directement en contact des univers autrefois cloisonnés. Les Africains « du dedans « , principalement citadins, branchés sur l’économie mondiale, vivent sur une autre planète que ces Africains « du dehors  » que sont les ruraux. Deux tiers de la population continue de dépendre des ressources naturelles. Or le réservoir rural persiste à s’accroître plus rapidement que les villes, malgré leur croissance rapide. 500 millions de paysans manquent de tout et vivent dans l’insécurité foncière et économique, à la merci des caprices du ciel. Alors qu’à Maputo, en 2003, les chefs d’État avaient pris l’engagement de consacrer 10 % de leur budget à l’agriculture, moins de 10 (sur 54 pays !) ont respecté leur engagement.

Le chaudron démographique bouillonne ainsi dans un continent où l’urbanisation accélérée constitue plus le symptôme des difficultés agricoles que la conséquence de la modernisation agraire. Alors que l’Europe du XIXe siècle a pu se délester de 50 millions de migrants, cette soupape de sécurité est refusée à une Afrique en voie de densification rapide. Dans les villes, des cohortes de jeunes – deux tiers de la population a moins de 25 ans -rongent leur frein et leur rancœur, prompts à enfourcher toutes les révoltes. Dans les campagnes, l’insécurité alimentaire précarise des millions de personnes, qui ne demanderaient qu’à saisir les opportunités économiques… si elles leur étaient offertes.

Mais voilà, la corruption et le clientélisme compromettent le développement durable : une grande partie des financements abondamment déversés sur l’Afrique continue d’être détournée. La sanctuarisation des territoires au nom de l’urgence écologique marginalise les pauvres. Et le discours victimaire tenu par trop d’élites conduit à rejeter sur l’extérieur et le passé la responsabilité des erreurs de gestion interne. Hier perçue comme un recours, la Chine subit à son tour l’ostracisme et les accusations de pillage, comme s’il fallait à tout prix trouver des boucs émissaires.

L’Afrique ne sera bien partie que lorsqu’elle répartira mieux la manne des financements, quels qu’ils soient, et saura mettre en œuvre des politiques sociales dignes de ce nom, au lieu d’exploiter la rente de l’argent facile, qu’il soit humanitaire ou pétrolier. Elle reste un continent riche peuplé de pauvres, où chaque aléa naturel fonctionne comme un révélateur des dysfonctionnements politiques. Que valent les immenses richesses africaines quand plus de la moitié de la population vit encore en dessous du seuil de pauvreté en n’en percevant que de dérisoires miettes ? »

 

Sylvie BRUNEL, « L’Afrique est-elle si bien partie ? », Les Échos, 3 octobre 2012.

Renault à Tanger

« La présence de Renault au Maroc ne date pas d’hier. À Casablanca, le fabricant français possède déjà avec la Somaca un site d’assemblage dont il contrôle 81 % du capital. Les marques Renault et Dacia sont leaders au Maroc. Elles totalisent 36 % de parts de marché.

Mais l’usine de Melloussa, située entre la ville de Tanger et le port de Tanger Med, occupe une tout autre dimension. Quand la seconde ligne de production fonctionnera, Renault aura investi au total 1,1 milliard d’euros sur le site. 45 millions d’euros ont été nécessaires pour aplanir les collines du Rif et déplacer neuf millions de m3 de terre.

Au départ prévu pour la fabrication de Renault et Nissan, le projet Melloussa a été revu à la baisse, crise oblige. Mais les Marocains ne désespèrent pas de voir Nissan rejoindre Renault à moyen terme.

Ouverte en février 2012, l’usine produit les modèles low cost Dacia Lodgy et Dacia Dokker. La première ligne de production bénéficie d’une capacité de 170 000 véhicules par an. Mais le site de 314 hectares est calibré pour fabriquer 350 000 véhicules par an. En 2013, jusqu’à 60 voitures pourront sortir chaque heure des deux lignes de production. L’Europe absorbe 85 % des Dacia exportées. […] « Avec Dacia, nous nous attaquons au marché de l’occasion. Cette marque connaît une croissance exceptionnelle. Pour répondre à la demande, il nous fallait un second site en plus de celui de Roumanie. »

Pour l’instant, Renault emploie 4 000 personnes à Melloussa, dont seulement une trentaine d’expatriés et 150 experts étrangers venus assurer des mis

Carte issue des annales du baccalauréat ES/L 2014 (Amérique du Sud)

sions ponctuelles. L’usine devrait faire vivre d’ici 2015 plus de 6 000 salariés. Elle générera alors 30 000 emplois indirects. […]

Pour attirer le fabricant automobile, le royaume marocain a déroulé le tapis rouge : l’usine bénéficie de cinq ans d’exonération d’impôts, d’infrastructures de transports dopées, l’État finance l’Institut de formation des métiers de l’industrie automobile (IFMIA). Situé dans l’enceinte même de l’usine, l’IFMIA bénéficie pour l’instant exclusivement à Renault. Mais il devrait s’ouvrir à terme aux autres entreprises du secteur automobile présentes dans la région.

Renault utilise une liaison ferrée directe entre son usine et le port de Tanger Med voisin de seulement quelques kilomètres. Sur place, un terminal […] de 13 hectares dédié à Renault lui permet d’exporter ses Logan, mais également d’importer des Renault destinées au marché marocain. »

 

Gérard TUR, article sur www.econostrum.info, 12 novembre 2012.

Dharavi, un slum embarrassant dans la capitale financière de l’Inde (2007)

« Toutes les villes en Inde sont bruyantes, mais rien ne correspond au niveau de décibels à Mumbai, l’ancienne Bombay, où le trafic ne s’arrête jamais et les klaxons sont incessants. Le bruit, cependant, n’est pas un problème à Dharavi, le bidonville grouillant d’un million d’âmes, où près de 18 000 personnes s’entassent sur une seule acre de terrain (0,4 hectare). (… ) Une fois que vous avez pris l’habitude de partager 300 pieds carrés (28 mètres carrés) avec 15 hommes et un nombre incalculable de souris, un étrange sentiment de détente s’installe, enfin un moment pour réfléchir !

Dharavi est souvent appelé « le plus grand bidonville d’Asie », une qualification parfois confondue avec « plus grand bidonville du monde. » Ce n’est pas vrai. Mexico Neza-Chalco-Itza Barrio compte quatre fois plus de personnes. En Asie, le quartier Orangi de Karachi (Pakistan) a dépassé Dharavi. Même à Mumbai, où environ la moitié de la population de celle agglomération de 12 millions vit dans ce qui est appelé par euphémisme « quartiers informels », d’autres slums rivalisent avec Dharavi en taille et en misère. »

 

Marc JACOBSON, National Geographic (revue américaine), vol. 211, n°5, mai 2007, p. 74.

DENG Xiaoping et la réforme économique de la Chine (1982)

« La réforme dans les régions rurales a porté ses fruits au bout de trois ans ; celle dans les villes demandera au moins trois à cinq années avant de donner des résultats tangibles. L’expérience acquise dans les campagnes nous permet de penser que la réforme dans les villes pourra aussi aboutir. Sa complexité rend inévitable que des erreurs se produisent, mais cela n’affectera pas la situation générale. Nous avancerons avec prudence et tout phénomène défectueux sera promptement rectifié […]. Nous avons la conviction que notre réforme dans les villes sera également un succès. La troisième session plénière du Comité central issu du XIIe congrès du Parti s’inscrira comme un évènement très important. […] Les zones économiques spéciales sont comme des fenêtres ouvertes sur le monde ; elles permettent de faire entrer chez nous les techniques, les modes de gestion et les connaissances d’autres pays, et aussi de faire connaître notre politique extérieure. Par le biais de ces zones, nous pouvons introduire des technologies, acquérir des connaissances et assimiler de nouvelles méthodes de gestion, la gestion étant aussi une forme du savoir. Certains des projets mis en œuvre peuvent n’être pas très rentables pour le moment, mais à envisager les choses à long terme, ils sont avantageux et fructueux. »

 

DENG Xiaoping, Les questions fondamentales de la Chine aujourd’hui, 1982.

Mettre fin au « dirigisme étatique » ? (discours de J. CHIRAC, 1986)

Le RPR, parti gaulliste, a remporté les élections législatives de 1986. Jacques CHIRAC, issu du RPR, est alors nommé premier ministre par le président François MITTERRAND.

 

« Depuis des décennies – certains diront même des siècles -, la tentation française par excellence a été celle du dirigisme d’État. Qu’il s’agisse de l’économie ou de l’éducation, de la culture ou de la recherche, des technologies nouvelles ou de la défense de l’environnement, c’est toujours vers l’État que s’est tourné le citoyen pour demander idées et subsides. Peu à peu, s’est ainsi construite une société administrée, et même collectivisée, où le pouvoir s’est concentré dans les mains d’experts formés à la gestion des grandes organisations. Ce système de gouvernement, qui est en même temps un modèle social, n’est pas dénué de qualités : il flatte notre goût national pour l’égalité ; il assure pérennité et stabilité au corps social ; il se concilie parfaitement avec le besoin de sécurité qui s’incarne dans l’État-Providence.
Mais il présente deux défauts rédhibitoires : il se détruit lui-même, par obésité ; et surtout, il menace d’amoindrir les libertés individuelles.
Les Français ont compris les dangers du dirigisme étatique et n’en veulent plus. Par un de ces paradoxes dont l’histoire a le secret, c’est précisément au moment où la socialisation semblait triompher que le besoin d’autonomie personnelle, nourri par l’élévation du niveau de culture et d’éducation, s’exprime avec le plus de force. Voilà d’où naissent sans aucun doute les tensions qui travaillent notre société depuis des années : collectivisation accrue de la vie quotidienne mais, inversement, recherche d’un nouvel équilibre entre les exigences de la justice pour tous et l’aspiration à plus de liberté pour chacun. »

 

Déclaration de politique générale du premier ministre Jacques CHIRAC devant l’Assemblée nationale, 9 avril 1986.
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