La géographie du pétrole au Moyen-Orient
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« La place financière de Londres […] devient la première place financière mondiale à la fin du XIXe siècle en lien systémique avec un Empire victorien « sur lequel le soleil ne se couche jamais ». […] Ses principaux atouts sont l’usage généralisé de l’anglais dans les métiers de la finance, sa localisation géographique qui permet d’articuler grâce au jeu des fuseaux horaires les marchés asiatiques et américains, des réglementations très souples et une fiscalité très avantageuse, la concentration du personnel hautement qualifié que s’arrachent les entreprises (hauts salaires et primes nombreuses, intéressement aux résultats…). […]
Entre 2008 et 2010, le système bancaire et financier a été très sévèrement touché notamment par la quasi-faillite, la vente ou la nationalisation de beaucoup des grandes banques britanniques. […] Dans l’espace central de la métropole londonienne, la City est hégémonique politiquement, économiquement, culturellement et socialement. Elle participe en particulier activement au remodelage des fonctions métropolitaines centrales avec les loyers les plus chers d’Europe Occidentale et un marché de l’immobilier d’entreprises étroitement dépendant du dynamisme du secteur financier et bancaire. Entre 1998 et 2011, la valeur ajoutée dégagée par la finance est multipliée par deux pour représenter aujourd’hui 20 % de l’économie londonienne. Avec plus de 500 institutions financières anglaises et surtout étrangères (banques d’affaires, banques d’investissement, assurances…), la City concentre l’essentiel de l’économie financière britannique tournée vers les marchés mondiaux. […]
Après avoir augmenté de 41 % entre 1987 et 2007 dans une City alors en plein essor, les emplois dans les services financiers directs (banques, assurances, fonds) reculent du fait de la crise pour représenter aujourd’hui 238 000 salariés, alors que les énormes bonus aux traders sont tombés de 11,4 à 1,6 milliards de livres entre 2007 et 2013. Mais la force de la place financière londonienne réside tout autant dans la force des emplois induits qui représentent 465 000 postes, soit 704 000 emplois directs au total. […]
Face à sa spécialisation dans les fonctions financières internationales, l’espace de la City compte moins de 10 000 habitants permanents et se vide très largement les nuits ou les week-ends de ses actifs, donnant ainsi d’ailleurs son nom au phénomène bien connu de « city » dans les quartiers d’affaires des grandes métropoles. Les salariés de la City habitent donc dans d’autres quartiers et utilisent massivement les réseaux de transport en commun, largement sous-calibrés et saturés aux heures de pointe, pour y accéder. Dans ces conditions, la City participe aux profondes ségrégations spatiales et fonctionnelles organisant la zone centrale de l’agglomération. »
Laurent CARROUE, La planète financière. Capital, pouvoirs, espace et territoires, Paris, Armand Colin, 2015, p. 183-191
« Shanghai est apparue ces dernières années comme l’une des principales métropoles émergentes de notre monde. Elle incarne, avec Pékin, le retour en force de la Chine sur la scène internationale […]. Le trait dominant de la modernisation de Shanghai est certainement sa rapidité. Il y a seulement vingt ans, la ville-centre gardait les témoignages urbains et architecturaux de la période moderne, celle des concessions étrangères et d’un premier essor entre les années 1910 et 1940. Aujourd’hui, elle se donne l’aspect, toujours plus évident, d’une métropole de rayonnement mondial. […]
Le développement économique contourne la ville en Chine dans les années 1980. Il se concentre dans des zones franches (zones économiques spéciales, zones de développement économique et technique) ou dans des régions littorales d’industrialisation rurale, comme le delta de la rivière des Perles.
La création de la Nouvelle Zone de Pudong à Shanghai, en 1990, symbolise la fin d’une telle politique […]. Pudong, à l’est de l’agglomération héritée, sur la rive droite du Huangpu, comprend le quartier d’affaires de Lujiazui, plusieurs zones économiques ouvertes aux investisseurs étrangers […], le nouveau port de Waigaoqiao à l’embouchure du Yangzi – doublé aujourd’hui par celui de Yangshan au sud-est de la municipalité – et l’aéroport international de Pudong.
Au-delà même des intérêts économiques, Pudong est surtout un gigantesque projet urbanistique. Il entend souligner la vocation métropolitaine de Shanghai à travers des réalisations urbaines prestigieuses : de très imposantes liaisons par ponts au-dessus du Huangpu […] ; l’édification de tours à Lujiazui (Perle de l’Orient, 1994 ; Jinmao, 1999 ; Centre financier mondial de Shanghai, 2008), à l’origine d’un nouveau front de mer face au Bund, façade historique de la ville portuaire de l’époque moderne ; la mise en service d’un train magnétique à grande vitesse de conception allemande, le Maglev, depuis l’aéroport en 2004. Par ailleurs, Pudong se couvre de réalisations immobilières, qu’il s’agisse de tours de bureaux ou de résidences collectives de différents standings. […] Enfin, lancée dans une logique de marketing urbain à l’échelle de la Chine – en concurrence avec Pékin et Hong Kong – mais aussi à celle du réseau des grandes métropoles asiatiques voire mondiales, Shanghai développe des infrastructures à même d’accueillir des manifestations de rayonnement international : le circuit destiné au Grand Prix de Chine de formule 1 et les opérations urbaines au sud du centre-ville […] en vue de l’Exposition universelle de 2010. […]
Un double mouvement, bien connu des métropoles mondiales, s’engage rapidement à Shanghai dans les années 1990 : une tertiarisation de l’économie au sein de l’agglomération centrale, avec une délocalisation des industries dans des zones économiques périphériques, et une gentrification urbaine, entraînant de nouvelles ségrégations sociospatiales, désormais directement liées au niveau de revenu des familles.
Entre 1990 et 2000, les arrondissements de la ville-centre perdent jusqu’à 10 % de leur population officiellement résidente. Un grand nombre d’habitants sont en effet poussés à migrer dans les banlieues immédiates ou dans des villes nouvelles périurbaines […].
Shanghai connaît déjà les défis de la ville mondiale de demain. Les questions de développement durable émergent avec une même rapidité. La métropole chinoise, lieu d’enrichissement et de ségrégation, illustre ainsi étonnamment l’avenir de la ville asiatique, voire de la ville tout court, dans un processus de mondialisation. »
Thierry SANJUAN, « Shanghai : l’exemple d’une métropolisation accélérée », Constructif, n° 26, juin 2010
« Depuis l’approbation du permis de construire de la Heron Tower en 2001, plus d’une dizaine de tours ont été construites et près d’une cinquantaine sont en
passe de transformer radicalement le skyline de la ville, modifiant sa ligne d’horizon chargée d’histoire et de symboles. Ces nouvelles tours sont de puissants leviers de spéculation et de communication pour les promoteurs, les investisseurs et les architectes. Soutenues plus ou moins explicitement par les équipes municipales qui se sont succédées depuis 2000, elles sont aussi des marqueurs du projet politique régional qui entend assumer la stature de Londres, ville globale et moteur de l’économie britannique.
Ces nouvelles tours suscitent cependant débats et controverses, qui se cristallisent particulièrement autour de la question du respect du patrimoine bâti. Dans le chaos du skyline du centre de Londres, Shard (310 m), la tour des superlatifs, des sobriquets, mais aussi des polémiques les plus médiatiques, dévoile enfin sa forme pyramidale à un public curieux et interrogatif. Au-delà des fonctions qu’elle héberge ou de ses qualités environnementales supposées, Shard suscite la controverse : « tesson de verre dans le cœur de Londres » pour les uns, « chef d’œuvre » pour les autres, Shard est un élément du débat sur la régulation du skyline de Londres. […]
Du haut de ses 310 m, Shard est la plus haute tour de l’Union Européenne et la première tour mixte de Londres, une ville verticale mêlant commerces, bureaux, hôtel 5 étoiles, logements et plate-forme d’observation selon son architecte, Renzo Piano. La tour, achevée en 2012, se situe à London Bridge, sur la rive Sud de la Tamise, en face de la City de Londres. Le gratte-ciel se dresse déjà dans le ciel de l’arrondissement de Southwark, quartier spatialement polarisé par des activités de bureaux à proximité de la gare de London Bridge au nord, et par des cités en difficultés sur les deux-tiers sud de son territoire. La mairie d’arrondissement de Southwark accorde à Sellar Property, le promoteur du projet, le permis de construire en 2002, louant les qualités architecturales du projet et son rôle de marqueur de revitalisation urbaine pour les quartiers défavorisés plus au sud. Le permis est ensuite confirmé avec enthousiasme par la mairie de Londres (Greater London Authority) dirigée par Ken Livingstone. Le maire affirme alors que Shard, construite partiellement sur la gare de London Bridge, maximise l’usage des transports collectifs et, par ses caractéristiques techniques, réduit de 30% sa consommation d’énergie par rapport à un immeuble conventionnel. […]
Shard est donc exceptionnelle par sa taille, son architecture et sa localisation. C’est un modèle de tour pour la revitalisation urbaine, repris depuis dans de nombreuses opérations d’urbanisme particulièrement à l’Est de Londres. […] Elle marque enfin la volonté d’instrumentaliser l’architecture audacieuse de certaines tours pour la promotion des intérêts des acteurs économiques, mais aussi politiques. […]
Depuis Shard, les rives sud de la Tamise, jusque-là épargnées, sont la cible des promoteurs qui cherchent à maximiser les vues exceptionnelles offertes par les différents sites. Une étude confidentielle récente – menée par un cabinet d’expertise immobilière sur les projets résidentiels de Southwark – a montré que la vue sur la ville pouvait accroître le prix de vente des logements de 20% en moyenne, voire beaucoup plus pour les étages les plus élevés. Depuis la rive sud de la Tamise, il est en effet possible d’embrasser la totalité du panorama du centre de Londres, de Westminster à l’ouest, à la City à l’est. […] Le skyline des villes, dimension du paysage urbain, est aussi […] un enjeu de pouvoir et de construction identitaire. »
Manuel APPERT, « Politique du skyline. Shard et le débat sur les tours à Londres », Metropolitiques.eu, 12 septembre 2011
« Dans les années 1970 […] une révolution du transport maritime est apparue avec l’invention du porte-conteneurs. Ce navire est hyper-standardisé et en même temps, dans les conteneurs, surnommés « boîtes », on peut mettre absolument tout ce que l’on veut. Le porte-conteneurs est une révolution puisque cette spécialisation du navire permet des gains de productivité dans la manutention du navire. […] Le conteneur est également manutentionné avec un portique, qui permet de le transférer du navire au quai et inversement. […] Ainsi l’invention du conteneur permet de réduire fortement l’escale d’un navire : on passe d’une semaine d’escale pour les cargos traditionnels à quelques heures pour un porte-conteneurs. […]
La conséquence induite par cette transformation brutale est la baisse de fréquentation des navires dans les ports, du fait de leur temps d’escale très bref. […] La seconde conséquence de cette spécialisation des navires est l’augmentation de leur taille. En augmentant la taille du navire, des économies d’échelles sont réalisées. Plus la taille du véhicule est imposante, plus le coût de l’unité transportée est réduit, et donc le coût du transport diminue. […]
Au-delà du gigantisme, la spécialisation des navires a des conséquences sur les ports. Le port maritime des années 1950 ne ressemble plus à celui que l’on connaît de nos jours. Aujourd’hui, le port maritime est une juxtaposition de terminaux spécialisés ; un grand port maritime dispose d’un terminal vraquier, d’un terminal roulier pour les voitures, de terminaux à conteneurs. […]
Les routes maritimes ont également connu un progrès organisationnel. […] Les armateurs ont ainsi concentré les flux sur des routes maritimes spécifiques, selon la technique des hubs and spokes (moyeux et rayons). Des routes majeures relient les ports principaux mondiaux sur lesquels vont être engagés les plus grands navires, des routes secondaires vont desservir les autres ports à partir de ces quelques nœuds. […]
Les porte-conteneurs s’organisent selon un autre système, comparable au système autobus, avec une desserte par des lignes régulières. […] Grâce à cette fiabilité, les industriels ou les firmes de la distribution peuvent concevoir une division internationale du travail d’un processus industriel. Ainsi, cette organisation du transport maritime rend possible la conception d’un jouet à Chicago, qui sera construit et assemblé en Asie, puis redistribué aux États-Unis pour la fête de Thanksgiving.
Aujourd’hui, plus de 9 milliards de tonnes de marchandises sont transportées annuellement par voie maritime. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, 550 millions de tonnes étaient transportées de cette manière. […] Les flux matériels à l’échelle internationale n’ont jamais été aussi importants. […] Le transport maritime, et notamment la conteneurisation, est l’épine dorsale de la mondialisation. […]
Au regard des grandes routes du transport maritime conteneurisé, l’Asie orientale est au cœur du système. Plus de la moitié des conteneurs manutentionnés dans le monde le sont dans les ports d’Asie orientale, du Japon jusqu’à Singapour. À partir de ce cœur, deux grandes routes apparaissent : l’une vers l’Europe ; l’autre vers la côte Ouest des États-Unis. […] La concurrence existe aussi entre Panama et Suez, ce dernier offrant parfois des temps et des coûts de traversée plus avantageux entre Hong-Kong et la côte Est des États-Unis. On observe ainsi une concurrence des routes maritimes à l’échelle mondiale. »
Compte-rendu du café géographique d’Antoine FREMONT à Chambéry-Annecy, 25 février 2015, publié sur le site Les Cafés Géo
« Dans un monde peuplé de 7 milliards d’habitants, 1 milliard sont en situation de mobilité, qu’il s’agisse de migrations internes (75 % des cas) ou internationales (25 %). Ces dernières n’ont cessé de croître au cours des quarante dernières années : elles concernaient 77 millions d’individus en 1975, 150 à la fin du siècle dernier, 190 au début du nouveau millénaire et 244 millions aujourd’hui. Elles présentent des configurations différentes et les migrants actuels se sont diversifiés. Aux traditionnelles migrations Sud-Nord (famille, travail, asile) s’ajoutent les migrations Sud-Sud (travail et asile), les migrations Nord-Nord (expatriés qualifiés) et les migrations Nord-Sud (seniors en quête de soleil et expatriés). Le Sud est devenu une région d’émigration mais aussi d’immigration et de transit.
En 2050, la population mondiale devrait atteindre 9 à 10 milliards d’habitants, dont la moitié d’Asiatiques et un quart d’Africains. En Europe, le vieillissement démographique va certainement se traduire par une demande accrue de main-d’œuvre qualifiée et non qualifiée, notamment dans le secteur des soins aux personnes âgées, tandis que le nombre de personnes venues poursuivre leurs études continuera d’augmenter, constituant une importante source de main-d’œuvre qualifiée. Autrement dit, les migrations ne sont pas près de s’arrêter : en 2015, les envois de fonds vers les pays en développement ont dépassé 500 milliards de dollars.
L’ouverture des frontières, appelée à devenir l’une des questions majeures du XXIe siècle, demeure pour certains une utopie, pour d’autres un objectif susceptible de mettre fin aux tragédies des milliers de clandestins qui meurent aux portes des frontières des pays riches, ainsi qu’à toutes les formes de sous-citoyenneté induites par la condition de sans-papiers. […] Des espaces de circulation régionale se dessinent aujourd’hui, correspondant aux systèmes migratoires régionalisés qui se sont spontanément mis en place.
Ainsi, dans le bassin méditerranéen, par exemple, la création d’un tel espace permettrait des complémentarités démographiques et de main-d’œuvre. […] Mais le Vieux Continent restera-t-il attractif face aux États-Unis ou au Canada ? Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), de leur côté, attirent et recherchent des projets pour lesquels l’immigration de créateurs, de chercheurs, d’innovateurs serait encouragée et donc légale. D’autres espaces de circulation régionaux ont été créés au Sud, mais ils fonctionnent mal ou ont cessé d’exister, du fait des crises politiques. »
Catherine WIHTOL DE WENDEN, Atlas des migrations, Paris, Autrement, 2016, p. 10-11
« Le groupe danois A.P. Møller emploie plus de 110 000 salariés à travers 130 pays dans le monde. Avec un chiffre d’affaires de 60 milliards de $ en 2011, la firme danoise se classe, selon Fortune, au 144e rang des 500 premières firmes mondiales. Le fleuron du groupe est la compagnie maritime Maersk Line, premier armement* mondial pour les lignes conteneurisées depuis la fin des années 1990. Elle déploie aujourd’hui un réseau de lignes maritimes à l’échelle mondiale adossé à un très important réseau de terminaux à conteneurs à travers la société APM Terminals. En outre, les clients chargeurs peuvent aussi s’adresser à Damco, filiale logistique, afin d’organiser le transport de leurs marchandises de bout en bout et d’un point à l’autre de la planète.
En fait, l’histoire du groupe A.P. Møller se confond avec la mise en place très progressive d’un système verticalement et horizontalement intégré qui a permis de faire de Maersk Line le premier des global carriers mondiaux. Ce conglomérat maritime est le fruit d’une épopée scandinave menée de père en fils depuis la Révolution industrielle jusqu’à nos jours avec, pour reprendre la devise du groupe, une attention constante (With constant care) pour faire fructifier, développer et diversifier les affaires de la société. Les trois générations successives de dirigeants, Peter MAERSK MØLLER (1836-1927), Arnold Peter MØLLER (1876-1965) et Arnold MAERSK Mc-KINNEY MØLLER (1913-2012) n’ont eu de cesse de développer de nouvelles activités, principalement maritimes, en s’affranchissant immédiatement du marché national danois, trop étroit pour se projeter à l’échelle mondiale, tout en conservant un puissant ancrage national qui fait du groupe Møller une source de fierté pour les Danois mais aussi un des vecteurs majeurs de la vie politique et économique nationale. […]
Au début des années 2000, le réseau maritime de Maersk a atteint une forme de maturité et il n’a pas été fondamentalement modifié depuis […]. En 2005, le rachat de P&O Nedlloyd, alors second armement mondial, n’a fait que renforcer l’armature de l’ensemble du réseau.[…]
La mise en place des hubs et des lignes maritimes qui leur sont associées aboutit à une véritable régionalisation du monde par l’armement danois. Elle s’appuie bien évidemment sur la réalité économique de chacun des ensembles géographiques mais l’organisation de la desserte est propre à l’armement. Chaque hub articule plusieurs ensembles régionaux par la commutation des différents types de lignes. En Méditerranée, Gioia Tauro complète Algeciras en étant spécialisé dans la desserte intra-méditerranéenne. Tanjung Pelepas couvre l’Asie du Sud-Est mais étend ses ramifications vers le sous-continent indien et l’Australie/Nouvelle-Zélande. Salalah dessert les zones du Moyen-Orient, de l’Afrique orientale et de l’Océan Indien en jonction avec la route Europe-Asie orientale. Enfin, Miami aux États-Unis et Manzanillo à Panama organisent le réseau en Amérique.
Lorsqu’il le peut, le groupe AP Møller cherche à détenir une position clé et dominante dans le port dont il souhaite faire un hub pour sécuriser ses opérations portuaires dans le long terme, y compris sans doute en ayant la capacité d’influencer la politique portuaire. Lorsque la concurrence portuaire n’existe pas, la puissance de Maersk permet de la créer, y compris contre les ports les plus puissants. En décembre 2000, Maersk a brutalement annoncé son départ du port de Singapour pour celui, voisin, de Tanjung Pelepas, remettant en cause la situation de quasi-monopole de Singapour comme hub de transbordement de l’Asie du Sud-Est et lui ôtant près de 2 millions [d’EVP] de trafic. En quelques mois, l’ensemble des lignes maritimes bascule d’un port à l’autre. Le trafic de Tanjung Pelepas est multiplié par 5 de 2000 à 2001, de 418000 à 2 millions d’EVP alors que dans le même temps, pour la première fois de son histoire, le trafic conteneur du port de Singapour recule en valeur absolue de 17 à 15,6 millions d’EVP. Pour renforcer sa présence en Asie orientale qui est de très loin à l’échelle mondiale le premier marché des conteneurs, A.P. Møller a acquis en 1993 l’armement de feedering MCC. Cette compagnie exploite 40 navires porte-conteneurs dont la taille va de 600 à 4000 EVP et propose plus de 30 lignes régulières. À partir du hub de Tanjung Pelepas, ils rayonnent vers les autres ports de l’Asie orientale, notamment ceux qui ne sont pas desservis par les très grands porte-conteneurs. La détention d’une telle filiale est aussi le moyen de contester un peu plus le monopole de Singapour qui contrôle les sociétés de feedering sur l’Asie du Sud-Est. »
*Entreprise de transport maritime.
Antoine FREMONT, « Portrait d’entreprise. A.P. Møller : leader mondial du transport maritime », Flux, 2012/2 (n° 88), p. 60-70