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Un ancien proche de ROOSEVELT témoigne sur le New Deal

Raymond MOLEY a participé aux premiers temps du New Deal aux côtés de ROOSEVELT. Il rompt avec ce dernier à partir de l’été 1933 et se range dans le camp des Républicains conservateurs. Il est opposé aux mesures sociales du deuxième New Deal.

Le sauvetage des banques de 1933 a probablement été le tournant de la Dépression. Quand les gens ont été capables de survivre au choc que fut la fermeture des banques, qu’elles ont rouvert et qu’ils ont vu que leur argent était protégé, la confiance a commencé à revenir. […]

Pendant les cent premiers jours du Congrès de 1933, les gens ne savaient pas ce qui se passait. Ils ne comprenaient pas ces projets qui étaient votés à toute vitesse. Ils savaient que quelque chose se passait, et que c’était bien pour eux. Ils ont commencé à réinvestir et à avoir de nouveau espoir.

Les gens ne se rendent pas compte que ROOSEVELT a choisi un banquier conservateur comme secrétaire au Trésor et un conservateur du Tennessee comme secrétaire d’État. La plupart des réformes qui ont été adoptées auraient eu l’aval de HOOVER s’il avait eu le pouvoir de les faire passer. […]

Le premier New Deal a rompu radicalement avec la vision américaine. Il a donné plus de pouvoir au gouvernement central. À l’époque, c’était nécessaire, surtout dans le domaine agricole […]. Mais il n’y avait aucune nécessité de réorganiser l’industrie. […]

Le second New Deal, c’est autre chose. C’est avec lui qu’a commencé mon désenchantement. ROOSEVELT n’a pas suivi de ligne politique particulière à partir de 1936. L’économie a commencé lentement à décroître – et le chômage à augmenter – jusqu’en 1940. […] C’est la guerre qui a sauvé l’économie et ROOSEVELT.

 

Raymond MOLEY, ancien conseiller de ROOSEVELT, témoignage recueilli par Studs TERKEL, Hard Times. Histoires orales de la Grande Dépression, 1970.

L’Amérique latine, un espace vulnérable face à la crise de 1929

Une autre particularité […] est le fait que la plupart des pays de l’Amérique latine ne fournissent qu’un, deux ou trois produits au commerce d’exportation : 71 % des exportations du Brésil consistent en café, 77 % de celles de la Bolivie en étain, 77 % de celles de Cuba en sucre, 70 % de celles du Chili en nitrate ; si l’on prend le nitrate et le cuivre combinés, la proportion pour ce dernier pays s’élève à 83 % des exportations […].

La chute des exportations [et des prix], la diminution des revenus publics ont augmenté les difficultés dans lesquelles se trouve le gouvernement pour l’obtention des fonds nécessaires à couvrir ses dépenses et à assurer le service de la dette publique. De nombreux ouvriers engagés pour l’exécution des travaux projetés durent être renvoyés. Il en fut de même pour ceux qui se trouvaient occupés à la production des articles formant la base même du commerce d’exportation ; d’où dépression, chute des salaires et chômage.

Tous les événements malheureux relatés plus haut entraînèrent un mécontentement économique et politique général […]. Les pays de l’Amérique latine passèrent par une période extrêmement difficile. Les revenus tombèrent à un niveau très bas […]. Au cours de ces deux dernières années, des révolutions éclatèrent dans neuf pays de l’Amérique latine. Certains gouvernements y semblent d’ailleurs encore peu stables.

 

« L’Amérique latine dans la dépression économique mondiale », Le Temps, 25 août 1931.

Julianus reçoit la citoyenneté romaine (table de Banasa, IIe siècle)

Lettre des empereurs Antonin et Verus [empereurs de 161 à 169], nos Augustes, à Coiiedius Maximus [gouverneur de la province de Maurétanie] :

« Nous avons pris connaissance de la requête de Julianus, du peuple des Zegrenses [peuple de Maurétanie, dans le Maroc actuel], jointe à ta lettre, et bien qu’il ne soit pas habituel d’octroyer la citoyenneté romaine à des membres de ces tribus, si ce n’est pour des mérites indiscutables appelant la faveur impériale, cependant, puisque tu affirmes qu’il appartient aux premiers de son peuple et qu’il a fait preuve d’une très grande loyauté en manifestant sa soumission à nos intérêts, considérant d’autre part que nous pouvons penser qu’il n’y a guère chez les Zegrenses de familles capables de se prévaloir de services comparables aux siens, encore qu’il soit de notre désir que beaucoup soient incités à suivre l’exemple de Julianus par l’honneur que nous apportons à ce foyer, nous n’hésitons pas à donner la citoyenneté romaine […] à Julianus lui-même, à son épouse Ziddina et à leurs enfants Julianus, Maximus, Maximinus et Diogenianus. »

 

Table de Banasa, 168-169 ap. J-C. Ce document épigraphique a été retrouvé à Banasa (actuel Maroc) en 1957. Il s’agit de la copie conforme, datée de 177 de documents relatifs à la concession de la citoyenneté romaine par l’empereur Marc Aurèle à une famille de notables des Zegrenses, une tribu de Maurétanie Tingitane.

2009-2019 : la crise de la confiance politique

Madani CHEURFA, Flora CHANVRIL, 2009-2019 : la crise de la confiance politique, rapport du CEVIPOF (Sciences Po), janvier 2019.

 

Le Centre d’étude de la vie politique (CEVIPOF) mesure depuis 2009 la « confiance politique » des Français et la dernière enquête (réalisée par Opinionway du 13 au 24 décembre) a révélé, dans le contexte des mouvements « Gilets jaunes » que « nous n’avions jamais vu un tel sentiment de dégoût, de morosité mais aussi de colère », selon le coordinateur du baromètre, Bruno CAUTRES.

S’essayant à une synthèse de dix années d’enquêtes, le CEVIPOF a publié un rapport ce mois-ci soulignant que « la période 2009-2019 a été une décennie noire pour la confiance politique en France », confiance par ailleurs considérée par les rédactrices comme « la valeur cardinale de la démocratie ». Ce bilan négatif peut néanmoins, à certains égards, être nuancé. Voici quelques informations et chiffres à retenir :

  • sur le plan personnel, les Français expriment leur sentiment de lassitude (état d’esprit de 26 % des sondés en 2009, 32 % aujourd’hui) ;
  • face aux sentiments de morosité, de méfiance et de lassitude, la pensée individualiste tend à s’imposer puisque la confiance en soi a progressé (76 % des interrogés estiment que les gens peuvent changer la société par leurs choix et leurs actions) ;
  • le pessimisme dans l’avenir est fortement marqué dès 2009 : 67 % des sondés considéraient que les générations futures auraient moins de chances de réussir que leurs parents en 2009, 58 % en 2018 (soit 66 % en moyenne pour la décennie). Seuls 37 % se disent optimistes pour leur avenir et 49 % estiment même, en moyenne, que les jeunes ont intérêt à quitter la France pour s’assurer un avenir professionnel ;
  • depuis 10 ans, 79 % des Français expriment des sentiments négatifs vis-à-vis de la politique (dont 39 % de la méfiance et 28 % du dégoût) même s’ils sont 57 % à s’y intéresser ;
  • En dix ans, 85% des personnes interrogées ont considéré que les responsables politiques ne se préoccupent pas d’elles. Ces mêmes personnes ont pensé, à 74%, que ce personnel politique est plutôt corrompu. Pour gouverner le pays, 61% des interrogés n’ont eu confiance ni en la gauche , ni en la droite ;
  • Si 89 % des sondés sur les dix années sont attachés à la démocratie, 63 % considèrent qu’elle ne fonctionne pas bien et 59 % estime qu’il faudrait qu’il faudrait que ce soient les citoyens et non un gouvernement qui décident de ce qui semble meilleur pour le pays ;
  • En 2018, les Français étaient seulement 23% à faire confiance au président de la République actuel, la moyenne pour les dix années étant de 28 %. En fait, la confiance envers les acteurs élus progresse en fonction de la proximité de ceux-ci : 60 % des sondés affirment faire confiance au maire, 41 % au député, 33 % au Premier ministre et 29 % au député européen ;
  • Enfin, la confiance envers les autres acteurs politiques et sociaux suit aussi cette logique de proximité. Sur les dix années, la confiance envers la Sécurité sociale, l’école, la police, les associations, les hôpitaux dépasse les 60 %. Les syndicats (30 %), les banques (28 %), les médias (25 %) et les partis politiques (12 %) sont en bas de classement.

Les communistes réagissent au transfert des cendres de Jean MOULIN (1964)

« Jean MOULIN au Panthéon, cela veut dire que la France honore celui qui comprit que, dans sa lutte contre le pouvoir nazi, la libération de notre peuple dépendait de son union, comme dans sa lutte contre le pouvoir de l’argent, sa libération dépend de son union aujourd’hui.

Jean MOULIN au Panthéon, cela veut dire que la France s’incline devant le premier président de ce CNR dont le programme comportait la nationalisation des banques et des trusts. Jean MOULIN au Panthéon, cela signifie que la patrie est reconnaissante aux grands hommes qui tiennent parole.

Un seul point me chiffonne : il est beaucoup question dans la presse officielle et officieuse de Jean MOULIN « après » sa rencontre avec le général DE GAULLE à Londres et son retour en France. Peu, trop peu, du Jean MOULIN dont l’activité en France amena ce voyage à Londres où l’accord de la Résistance de Jean MOULIN à Fernand GRENIER fit du général DE GAULLE le président du Gouvernement provisoire de la République. Beaucoup plus question en somme du Jean MOULIN mandaté que du Jean MOULIN mandatant.

Mais il importe bien peu : honneurs à Jean MOULIN, honneur à ceux qui suivant son exemple moururent pour la patrie, honneur à la Résistance française ! »

 

André WURMSER, « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante », L’Humanité, 19 décembre 1964

 

Extrait de la quatrième loi d’amnistie de 1953

Entre 1946 et 1953, quatre lois d’amnistie sont votées au Parlement, qui élargissent progressivement le nombre des amnistiés. La dernière loi de 1953 n’est pas votée à l’unanimité, le groupe communiste étant hostile à l’amnistie. Néanmoins, le premier article de cette loi, voté à part, recueille l’unanimité des voix.

 

La République française rend hommage à la Résistance, dont le combat au-dedans et au-dehors des frontières a sauvé la nation. C’est dans la fidélité à l’esprit de la Résistance qu’elle entend que soit aujourd’hui dispensée la clémence. L’amnistie n’est pas une réhabilitation ni une revanche, pas plus qu’elle n’est une critique contre ceux qui, au nom de la nation, eurent la lourde tâche de juger et de punir.

 

Article 1 de la loi d’amnistie générale votée le 24 juillet 1953

Extraits du réquisitoire du procureur contre PÉTAIN (1945)

« Le gouvernement de PÉTAIN, né de la défaite et d’un abus de confiance, n’a pu se maintenir pendant quatre années qu’en acceptant l’aide de la force allemande, en mettant sa politique au service de la politique allemande, en collaborant dans tous les domaines avec HITLER. Cela, messieurs, c’est la trahison.
On vous a dit que s’il n’en avait pas été ainsi, la situation des Français eût été pire. Je ne le crois pas. Je crois qu’elle a été meilleure en Belgique qu’elle ne l’a été en France. En France, 150 000 otages fusillés, 750 000 ouvriers mobilisés pour aller travailler en Allemagne ; notre flotte détruite ; la déportation, à l’ombre de la collaboration ; 110 000 réfugiés politiques, 120 000 déportés raciaux, sur lesquels il n’en est revenu que 1 500. Je me demande comment la situation des Français eût pu être pire.
Mais il y a quelque chose de pire. C’est que, pendant quatre ans, cette politique, aux yeux de l’étranger, a failli nous déshonorer. Pendant quatre ans, cette politique a abouti à ceci : jeter le doute sur la France, sur la fidélité à ses engagements, sur sa parole, sur son honneur.
Il en est des nations comme des individus, et le vers de JUVÉNAL est tellement vrai : « La pire des catastrophes, c’est, de peur de perdre une existence misérable, de perdre ce qui fait la raison même de vivre » , c’est-à-dire l’honneur. Or on a failli faire perdre à la France sa raison de vivre en lui enlevant son honneur. Cela, messieurs, c’est le crime inexpiable auquel je ne vois ni atténuation ni excuse, et auquel une cour de justice chargée d’appliquer la loi ne peut qu’appliquer une peine, la plus haute qui soit inscrite dans l’échelle des châtiments prévus par la loi. »

 

Réquisitoire du procureur général MORNET lors du procès du Maréchal PÉTAIN, 11 août 1945

La géographie du pétrole au Moyen-Orient

« Qui dit hydrocarbures pense au Moyen-Orient. Pour être plus précis, ce sont les régions du golfe Persique et de l’ouest iranien qui en sont le plus richement dotées. Les principaux gisements se trouvent disposés de part et d’autre d’un axe orienté nord-ouest/sud-est. Ainsi, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Qatar, l’Iran et l’Irak sont-ils très bien dotés tandis que les pays les plus éloignés de cet axe sont beaucoup moins riches, à l’instar de l’Égypte ou de la Syrie […]
Avec plus de 50 % des réserves prouvées de pétrole et 40 % de celles en gaz, le Moyen-Orient est ainsi le cÅ“ur de la production mondiale d’hydrocarbures. Cette abondance des gisements combinée à leur faible profondeur explique la faiblesse de leurs coûts d’extraction et leur compétitivité indétrônable. Ils offrent aux pays de la région une grosse rente mais représentent également une série de difficultés géopolitiques […] Avec la montée de l’économie pétrolière, le canal de Suez est devenu un point névralgique. L’abondance énergétique de la région oblige en effet à la sécurisation des voies d’acheminement […]
Tout comme le canal, les détroits du Moyen-Orient (Ormuz, Bab-el-Mandeb et Bosphore) sont des points particulièrement stratégiques. Constituant un point de resserrement des voies de circulation, ils correspondent à des zones facilitant la surveillance mais aussi des tentatives d’entraves au commerce : quelque 30 % des volumes mondiaux d’hydrocarbures empruntent ces couloirs.
Haut lieu des affrontements de la guerre entre l’Irak et l’Iran […], Ormuz est le détroit le plus important au monde en terme de trafic pétrolier […] Les États-Unis y ont déployé un dispositif impressionnant : la cinquième flotte américaine basée à Manama au Bahreïn, des patrouilles de porte-avions nucléaires et des renforts de la base de Diego Garcia dans l’océan indien. […]
L’héritage des frontières tracées dans les années 1920, la production d’idéologies de plus en plus exclusives et de régimes politiques autoritaires, ainsi que la singularité géographique d’une région marquée par l’abondance et la rareté ont créé un état de conflictualité dont le Moyen-Orient ne parvient pas à s’extraire. Comme un orage qui tournoie de façon incessante dans un ciel agité, la guerre finit par s’abattre régulièrement sur l’un ou l’autre des territoires du Moyen-Orient. Hier les guerres inter-étatiques israélo-arabes (1948, 1967 et 1973), le conflit irako-iranien (1980 à 1988) et les interventions internationales (1991) puis américaine (2003) en Irak, aujourd’hui les guerres civiles en Syrie et au Yémen. »

 

Pierre BLANC et Jean-Paul CHAGNOLLAUD, Atlas du Moyen-Orient, Éditions Autrement, 2016, p. 52, 58, 59 et 69

Quelques éléments de synthèse des relations entre les Etats-Unis et le continent américain

« En novembre 2013, tout juste nommé secrétaire d’État, John KERRY lance devant les membres de l’Organisation des États d’Amérique que « la doctrine Monroe est révolue » […] La doctrine Monroe nous replonge en 1823. À écouter le président américain James MONROE, les États-Unis n’ont pas vocation à conquérir l’Amérique latine mais simplement à soutenir les mouvements d’émancipation nationale, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes face aux appétits des puissances européennes. […] En réalité, sous couvert de défense des nouveaux États-nations d’Amérique latine, le slogan « l’Amérique aux Américains » masque mal l’ambition impérialiste des États-Unis sur leur continent – même si cette dernière reste discrète jusqu’au crépuscule du XIXe siècle. […]
Après la Seconde Guerre mondiale, l’impératif de la Guerre froide laisse entrevoir le retour de la « big stick policy »1. […] C’est notamment en 1954 l’intervention concertée du gouvernement américain, de la CIA et de United Fruit2 qui conduit au coup d’État de Castillo ARMAS qui renverse le président guatémaltèque ARBENZA, coupable d’avoir entamé une réforme agraire mettant en péril les intérêts de United Fruit. En 1960, la révolution cubaine puis la rupture des relations diplomatiques entre La Havane et Washington est un choc. Non seulement l’Amérique ne parvient pas à renverser le régime castriste – souvenons-nous du fiasco de la baie des Cochons – mais en plus le nouveau régime se rapproche de l’URSS et promet de diffuser la révolution sur l’ensemble du continent. L’Alliance pour le progrès de KENNEDY paraît inefficace au couple NIXON/KISSINGER qui, pour endiguer le communisme dans les années 1970, préfère une politique plus proactive, qui passe par le soutien secret à l’opération Condor3. […]
Sous CARTER le ton change. Bien décidé à respecter partout les droits de l’homme, le nouveau président américain (1977-1981) abandonne cette politique des coups tordus. Cela se traduit notamment par l’annonce du retour à la souveraineté du Panama sur le canal. Mais le retour au pouvoir des républicains avec Ronald REAGAN (1981-1989) marque une reprise des interventions directes ou indirectes sur le continent. Économiquement d’abord : la crise de la dette au Mexique en 1982 puis dans de nombreux autres pays du sous-continent implique un interventionnisme fort (quoiqu’indirect) des États-Unis via le FMI et la Banque mondiale. La mainmise est ainsi idéologique : le consensus de Washington4 s’abat sur le continent. Militairement ensuite : en octobre 1983, Reagan ordonne l’invasion de l’île de Grenade dans les Antilles où un coup d’État en 1979 avait amené au pouvoir un gouvernement marxiste-léniniste. […]
Mais c’est surtout la démocratisation de l’Amérique latine et la fin de la Guerre froide qui bouleversent les relations entre les États-Unis et le reste de l’Amérique. Dans les années 2000, à la suite du virage à gauche de l’Amérique latine, les États-Unis paraissent perdre la main sur un continent qu’ils ont délaissé dans les années 1990, la menace communiste s’étant alors évanouie. Le projet de marché commun américain allant de l’Alaska à la Terre de feu […], imaginé par George H. BUSH en 1992, est enterré. […] Ne reste qu’un premier tronçon inauguré en 1994 : l’ALENA, zone de libre-échange nord-américaine ne concernant que le Canada, les États-Unis et le Mexique. […]
Les nations latino-américaines ont abandonné les politiques économiques dites « du consensus de Washington », privilégiant dans un premier temps une affirmation clairement nationaliste qui s’est traduite par des vagues de nationalisations ou des prises de contrôle direct par l’État de sociétés publiques en Argentine, en Bolivie et au Venezuela. Toutefois, elles construisent également des organisations régionales autonomes des États-Unis : ALBA (Alliance bolivarienne des peuples de notre Amérique), CALC (Sommet d’Amérique latine et de la Caraïbe), UNASUR (Union des nations d’Amérique du Sud). […] Mais si l’Amérique latine se détourne alors des États-Unis, ce n’est pas uniquement en raison de l’élection de majorités de gauche. Il y a aussi la montée en puissance de la Chine, qui constitue désormais le partenaire économique d’avenir pour la région. »

 

1 – Big stick policy : « politique du gros bâton », c’est-à-dire l’action militaire directe.
2 РUnited Fruit : entreprise am̩ricaine de production et de commerce de fruits exotiques.
3 РOp̩ration Condor : op̩ration de soutien aux dictatures anti-socialistes et anti-communistes.
4 – Consensus de Washington : ensemble de mesures libérales imposées aux pays en difficulté économique pour bénéficier des aides financières de la Banque Mondiale et du FMI, deux institutions financières internationales installées à Washington.

 

Thomas SNÉGAROFF et Alexandre ANDORRA, Géopolitique des États-Unis, Presses Universitaires de France, 2016, p. 122, 123 et 124

Les expatriés français de plus en plus nombreux (Le Monde, 2015)

« En 2014, 1,68 million de Français vivaient officiellement hors des frontières nationales, soit 2,3 % de plus qu’en 2013. […] « Cette hausse est conforme aux précédentes. Entre 2012 et 2013, nous avons connu une augmentation de 2 % du nombre de Français installés à l’étranger et inscrits dans les consulats. Si l’on remonte plus loin, nous avons déjà connu des années à 3 % », rappelle Christophe BOUCHARD, directeur au Quai d’Orsay des Français de l’étranger. Pour avoir été en poste sur tous les continents, M. BOUCHARD connaît les expatriés autrement que par les statistiques. Depuis les différentes ambassades où il a travaillé, il a pu observer un glissement entre le classique expatrié et un nouveau profil plus aventurier, venu développer un projet dans des zones au dynamisme économique fort. Ainsi, les Emirats Arabes Unis illustrent ces pays qui connaissent une jonction de deux populations différentes. La communauté des 19 324 Français qui y est installée se partage entre « une partie importante d’expatriés au sens classique du terme, c’est-à-dire de personnes travaillant pour une entreprise française, envoyées là-bas quelque temps ; et un nombre important de Français venus tenter leur chance par eux-mêmes ». Dans cette zone qui a connu entre 2013 et 2014 une hausse de 11 % du nombre de Français [inscrits dans les consulats], « on croise beaucoup de cadres travaillant dans les services, le tourisme ou dans le bâtiment. Parfois aussi des artisans font le déménagement depuis la France », rappelle M. BOUCHARD. […] En dépit du faible taux d’augmentation globale des départs de France, trois groupes de pays connaissent une hausse des installations, de l’ordre de 5 % ou plus : l’Afrique du Nord, l’Amérique du Nord et l’Asie-Océanie. L’Australie est un des pays phare de ce dernier groupe avec une hausse de 9 % des [inscriptions] de Français en 2014. Avec 22 539 ressortissants enregistrés, l’île-continent se place 18e pays d’accueil. Si l’on veut approcher le nombre réel de Français installés en Australie, il faut multiplier par trois les personnes inscrites, car là comme ailleurs, l’inscription au consulat est facultative. […]

En Chine, l’inscription est assez courante. Et contre toute attente, ce pays ne figure pas dans la liste des pays qui attirent le plus aujourd’hui. Entre 2013 et 2014, son solde migratoire de population française est même nul. Une rupture alors que le pays plaisait beaucoup depuis dix ou quinze ans. « Des arrivées importantes de Français ont accompagné les implantations d’entreprises françaises ; mais il semblerait qu’aujourd’hui ces entreprises fassent plus appel à des locaux. S’ajoutent deux autres facteurs : d’une part une modification de la loi sur les stagiaires et les VIE [volontariat international en entreprise], et d’autre part, la récurrence du problème de pollution », rappelle le diplomate. Selon les enquêtes menées par les autorités françaises auprès des ressortissants vivant à Pékin, la pollution qui touche régulièrement la ville limite l’envie de s’installer là-bas. La moitié des expatriés restent malgré tout installés en Europe. […] »

 

Maryline BAUMARD, « A l’étranger, des expatriés Français plus nombreux et plus aventureux », Le Monde, 12 février 2015
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