NOTES DE LECTURE ET D'ECOUTE »

La croissance des investissements chinois vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient (mai 2019)

Sébastien LE BELZIC, « L’investissement de la Chine en Afrique du Nord et au Moyen-Orient est devenu spectaculaire », Le Monde Afrique, 22 mai 2019.

Si entre 2017 et 2018 les investissements de la Chine hors de ses frontières ont baissé, ce n’est pas le cas pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient (la « MENA » pour Middle Est and North Africa) qui est devenue la deuxième zone dans laquelle investit Pékin, juste derrière l’Union européenne et devant l’ensemble de l’Afrique subsaharienne.

La région représente un enjeu géoéconomique pour Pékin et les pays majoritairement visés par les IDE le montrent. Les Chinois prennent part massivement à la construction de la nouvelle capitale égyptienne (quartier des affaires, réseau ferré…) de telle sorte qu’ils pourront, à travers la ZES créée autour du canal de Suez, s’implanter dans cette plaque tournante des échanges. D’autres autres pays forment le « club des 20 milliards » (c’est-à-dire les pays ayant reçu plus de 20 milliards de dollars d’investissements chinois ces quinze dernières années) : l’Algérie, l’Arabie Saoudite, l’Iran et les Émirats arabes unis, enjeux énergétiques pour Pékin : « La géopolitique du pétrole continue d’aiguiller les investissements chinois vers le continent africain comme dans le Golfe ».

Continuités et ruptures des portraits présidentiels

Source principale : Gabriel COUTAGNE, « Les portraits présidentiels, une histoire de (fausses) ruptures », Le Monde.fr, 30 juin 2017.

La juxtaposition des portraits officiels des présidents français depuis la Libération laisse entrapercevoir leur conception de la fonction ainsi que la continuité ou la rupture qu’ils souhaitent incarner.

Sous la IVe République, Vincent AURIOL (1946-1953), puis René COTY (1953-1958) sont photographiés dans le costume des présidents de la IIIe République, avec veston, écharpe et légion d’honneur. Comme ses prédécesseurs, René COTY pose un poing (à moitié ouvert) sur un livre.

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Charles DE GAULLE reprendra une posture similaire devant l’objectif de Jean-Marie MARCEL qui l’avait déjà photographié en 1944, lorsqu’il était à la tête du GPRF. Le Général fait le choix de la modernité – la photographie est en couleur – et porte des marques militaires (fourreaux d’épaule, collier de Grand Maître de l’Ordre de la Libération).

Comme DE GAULLE, Georges POMPIDOU est photographié dans la bibliothèque du palais de l’Elysée, la main sur un livre. Il porte cette fois le collier de Grand Maître de la Légion d’Honneur et regarde sur sa droite. C’est François PAGES, un photographe d’actualités (Paris-Match) qui réalise ce portrait.

En 1974, Valéry GISCARD D’ESTAING faitImage associée le choix de la rupture et de la modernité. Sa photographie officielle (signée Jacques-Henri LARTIGUE, l’un des plus célèbres photographes de l’époque) est au format « paysage », son corps n’est pas centré, l’arrière-plan (en fait la cour de l’Elysée) est entièrement couvert par un drapeau français et le président, souriant, fixe directement l’objectif.

Ce type de regard, qui marque la proximité avec les Français, sera repris par ses successeurs. François MITTERRAND revient au format « portrait » et à la bibliothèque de l’ElyRésultat de recherche d'images pour "portrait mitterrand"sée. Le choix de l’auteur relève du symbole et de l’ouverture du président socialiste : c’est Gisèle FREUND, une photographe de la prestigieuse agence « Magnum », qui a déjà de nombreux portraits à son actif (dont André MALRAUX ou Jean-Paul SARTRE) et qui en outre une rescapée du nazisme, qui réalise la photo (elle a alors 87 ans). Posant en costume de ville, François MITTERRAND opte pour la simplicité et le naturel, posture qui renvoie aux Essais de MONTAIGNE qu’il tient à la main.

Comme GISCARD D’ESTAING, Jacques CHIRAC choisit un portrait en extérieur, dans le jardin de l’Elysée, lui qui affirme être attaché à la nature, au monde rural. La photographie reste classique (costume de ville, mains derrière le dos) mais le choix de la photographe est osé. Il s’agit de Bettina RHEIMS qui a réalisé plusieurs séries de nus jugés « pornographiques ».

Critiqué dès son début de mandat par son côté « bling-blRésultat de recherche d'images pour "portrait sarkozy"ing », pour son hyperactivité et son manque de raffinement, Nicolas SARKOZY adopte une posture sereine et cherche à se rattacher à ses prédécesseurs (mais aussi à marquer sa rupture avec Jacques CHIRAC – les deux hommes s’entendaient mal) en posant dans la bibliothèque de l’Elysée. Il est le premier à poser avec le drapeau européen (deux ans après le « non » des Français au référendum sur le projet constitutionnel européen), lequel paraît trop imposant par rapport à lui… Comme POMPIDOU, c’est un photographe de presse (mais également photographe de l’émission de télé-réalité « Star Academy »), Philippe WARRIN (il a couvert sa campagne présidentielle pour Paris-Match) qui réalise le portrait.

Image associéeA la manière de Jacques CHIRAC, François HOLLANDE est photographié en extérieur (dans le jardin de l’Elysée – on aperçoit sur la façade le drapeau européen), dans un format peu conventionnel (un carré), par Raymond DEPARDON, un artiste attaché au quotidien, aux classes populaires et rurales, qui vise ici à transmettre l’idée d’un président « normal ».

Influencé par Pete SOUZA et son portrait de Barack OBAMA, la photographe attitrée d’Emmanuel MACRON, Soazig DE LA MOISSONNIERE (35 ans en 2017 – elle avait servi François BAYROU durant la campagne de 2012), le représente (avec plusieurs retouches) au centre, devant une fenêtre ouverte sur le jardin de l’Élysée, entre le drapeau européen et le drapeau français, le regard et la posture déterminés. Appuyé sur son bureau, il transmet l’image d’un président aux affaires, maître du temps (voir l’horloge du conseil des ministres à sa gauche) et dirigeant d’une « start-up nation » (on trouve deux iPhones en bas à gauche dans lesquels se reflètent un coq doré). Trois livres apparaissent : les Mémoires de guerre du général DE GAULLE (initiateur de la Ve République, il se considérait aussi comme au-dessus des partis), Le Rouge et le Noir de STENDHAL et les Nourritures terrestres d’André GIDE (souvent présenté comme une œuvre célébrant la vie et le désir).

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2009-2019 : la crise de la confiance politique

Madani CHEURFA, Flora CHANVRIL, 2009-2019 : la crise de la confiance politique, rapport du CEVIPOF (Sciences Po), janvier 2019.

 

Le Centre d’étude de la vie politique (CEVIPOF) mesure depuis 2009 la « confiance politique » des Français et la dernière enquête (réalisée par Opinionway du 13 au 24 décembre) a révélé, dans le contexte des mouvements « Gilets jaunes » que « nous n’avions jamais vu un tel sentiment de dégoût, de morosité mais aussi de colère », selon le coordinateur du baromètre, Bruno CAUTRES.

S’essayant à une synthèse de dix années d’enquêtes, le CEVIPOF a publié un rapport ce mois-ci soulignant que « la période 2009-2019 a été une décennie noire pour la confiance politique en France », confiance par ailleurs considérée par les rédactrices comme « la valeur cardinale de la démocratie ». Ce bilan négatif peut néanmoins, à certains égards, être nuancé. Voici quelques informations et chiffres à retenir :

  • sur le plan personnel, les Français expriment leur sentiment de lassitude (état d’esprit de 26 % des sondés en 2009, 32 % aujourd’hui) ;
  • face aux sentiments de morosité, de méfiance et de lassitude, la pensée individualiste tend à s’imposer puisque la confiance en soi a progressé (76 % des interrogés estiment que les gens peuvent changer la société par leurs choix et leurs actions) ;
  • le pessimisme dans l’avenir est fortement marqué dès 2009 : 67 % des sondés considéraient que les générations futures auraient moins de chances de réussir que leurs parents en 2009, 58 % en 2018 (soit 66 % en moyenne pour la décennie). Seuls 37 % se disent optimistes pour leur avenir et 49 % estiment même, en moyenne, que les jeunes ont intérêt à quitter la France pour s’assurer un avenir professionnel ;
  • depuis 10 ans, 79 % des Français expriment des sentiments négatifs vis-à-vis de la politique (dont 39 % de la méfiance et 28 % du dégoût) même s’ils sont 57 % à s’y intéresser ;
  • En dix ans, 85% des personnes interrogées ont considéré que les responsables politiques ne se préoccupent pas d’elles. Ces mêmes personnes ont pensé, à 74%, que ce personnel politique est plutôt corrompu. Pour gouverner le pays, 61% des interrogés n’ont eu confiance ni en la gauche , ni en la droite ;
  • Si 89 % des sondés sur les dix années sont attachés à la démocratie, 63 % considèrent qu’elle ne fonctionne pas bien et 59 % estime qu’il faudrait qu’il faudrait que ce soient les citoyens et non un gouvernement qui décident de ce qui semble meilleur pour le pays ;
  • En 2018, les Français étaient seulement 23% à faire confiance au président de la République actuel, la moyenne pour les dix années étant de 28 %. En fait, la confiance envers les acteurs élus progresse en fonction de la proximité de ceux-ci : 60 % des sondés affirment faire confiance au maire, 41 % au député, 33 % au Premier ministre et 29 % au député européen ;
  • Enfin, la confiance envers les autres acteurs politiques et sociaux suit aussi cette logique de proximité. Sur les dix années, la confiance envers la Sécurité sociale, l’école, la police, les associations, les hôpitaux dépasse les 60 %. Les syndicats (30 %), les banques (28 %), les médias (25 %) et les partis politiques (12 %) sont en bas de classement.

Le contrôle des réseaux de communication, un enjeu pour les dirigeants africains

Joan TILOUINE, « Couper Internet, la nouvelle tentation des régimes africains », Le Monde Afrique, 2 janvier 2019.
 

Le 31 décembre 2018, lendemain d’un scrutin présidentiel (organisé avec deux ans de retard…), le président sortant de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph KABILA, a décidé de suspendre Internet et les SMS dans ce pays de 90 millions d’habitants où l’accès à Internet ne concerne que 4 % de la population. Une telle manœuvre avait déjà été réalisée dans un contexte similaire il y a deux ans, et elle concerne de nombreux États africains, comme au Congo-Brazzaville. Les motifs invoqués sont alors souvent les mêmes : assurer la sûreté nationale, éviter les débordements, empêcher la circulation des résultats ou de fake news.

Le contrôle des télécommunications par les pouvoirs dépasse souvent le cadre électoral. Bloquer les réseaux sociaux permet d’étouffer la contestation et de briser l’organisation des militants. Mi-décembre, c’est le Soudan d’Omar AL-BACHIR, surpris par des manifestations d’ampleur, qui a privé son peuple d’Internet. D’autres États pratiquent aussi la « coupure » comme le Maroc. D’ailleurs, elle peut favoriser le développement d’activités souterraines, comme la revente de cartes SIM des pays voisins…

Les télécommunications font aussi l’objet d’une surveillance. L’article note que « ces dernières années, certains régimes se sont d’ailleurs tournés vers leur partenaire privilégié, la Chine, pour s’équiper en outils de surveillance et d’espionnage de l’activité numérique de leurs citoyens, quitte à voir leurs administrations espionnées en retour par Pékin. […] L’industrie du cyberespionnage, chinoise, israélienne, européenne et russe notamment, fournit de plus en plus de services aux régimes friands de ces solutions sophistiquées permettant de surveiller leurs opposants. Parmi les meilleurs clients connus figurent l’Éthiopie, le Soudan, le Cameroun, le Maroc, le Congo-Brazzaville, la Tanzanie, le Zimbabwe, le Rwanda… »

XI Jinping considère la réunification entre la Chine et Taïwan comme « inévitable » (2 janvier 2019)

Laura ANDRIEU, « Pour Xi Jinping, la réunification entre la Chine et Taïwan est « inévitable », Le Figaro.fr, 2 janvier 2019.

 

Ce mercredi, le leader chinois XI Jinping a commémoré de façon offensive le quarantième anniversaire de l’ouverture entre la Chine et Taïwan – en 1979, DENG Xiaoping réduit les menaces sur Taïwan et tend la main au gouvernement insulaire. Dans son discours, Mr XI a affirmé que « la Chine doit être réunifiée et elle le sera« , n’excluant pas le recours à la force sans avancer plus de précisions.

Il ne s’agit pas d’une rupture historique, dans la mesure où XI Jinping accentue depuis plusieurs années la pression sur Taipei. En cause, la politique de la présidente taïwanaise TSAI Ing-wen (membre du parti démocrate progressiste, le DPP), peu conciliante vis-à-vis des desiderata de Pékin. Par exemple, le DPP rejette le Consensus de 1992, accord stipulant que la Chine continentale et Taïwan appartiennent à une « Chine unique ». XI Jinping suspecte TSAI Ing-wen de vouloir proclamer officiellement l’indépendance taïwanaise (brandissant la menace de la « punition de l’histoire » le 20 mars 2018, voir vidéo ci-dessous), a déjà pris des mesures de rétorsions, tente de favoriser la victoire du Guomindang (nationalistes) aux élections de 2020 et s’emploie depuis quelques années à arracher des alliés diplomatiques de Taïwan qui reconnaissait l’île comme la seule Chine légitime (Sao Tomé en 2016, Panama en 2017, République dominicaine, Burkina Faso et Salvador en 2018).

La résistance allemande à Hitler (La marche de l’histoire, 30 avril 2015)

La marche de l’histoire (France Inter). Émission du 30 avril 2015. Invité : Johann CHAPOUTOT.

 

L’historiographie relative à la résistance allemande à HITLER et au régime totalitaire nazi en général est « pléthorique »((Barbara KOEHN, La résistance allemande contre Hitler, Paris : PUF, 2003 ; Gilbert MERLIO, Les résistances allemandes à Hitler, Paris : Tallandier, 2003 ; Christine LEVISSE-TOUZE, Stefan MARTENS, Des Allemands contre le nazisme, Paris : Albin Michel, 1997)). Elle est redécouverte en Allemagne par la publication de journaux intimes. La mémoire allemande se nourrit de ces histoires alors que, durant la guerre froide, elle était divisée, les résistants communistes étant valorisés à l’est, les résistants démocrates-chrétiens à l’ouest.

Comme tout mouvement de résistance, elle est plurielle. Les deux termes allemands utilisés pour traduire le mot « résistance » révèlent d’ailleurs bien cette diversité. Le mot « Widerstand«  caractérise l’opposition en actes d’un certain nombre d’individus plus ou moins regroupés et organisés. Celui de « Resistanz« , tiré du vocabulaire de la science physique, traduit la capacité à ne pas plier, évoquant ainsi la résistance passive, l’émigration intérieure, la capacité à résister à l' »emprise totalitaire ». Cela peut s’exprimer dans la construction de blagues (consignées par les services de renseignement allemands). Johann CHAPOUTOT donne l’exemple d’une histoire populaire démarrant avec la visite d’HITLER dans un asile. Tous les pensionnaires le saluent, à l’exception d’une seule personne. HITLER s’en rapproche et veut savoir pourquoi elle ne le salue pas. Cette personne lui répond qu’elle est infirmier, pas folle.

Le « panorama » de la résistance allemande est fort étendu, allant au-delà de la Rose blanche (fondé en juin 1942, démantelé en février 1943) ou des 70 aristocrates mêlés à l’attentat du 20 juillet 1944. L’émission évoque ainsi Viktor KLEMPERER (1881-1960), juif résidant à Dresde et spécialiste de littérature française. Il décrypte le langage et les néologismes nazis (« kampferlich » par exemple)((Lingua Tertii Imperii)), montrant « l’euphémisation de la défaite ». L’esprit critique apparaît alors comme la « première résistance »((Je veux témoigner jusqu’au bout. Journal 1942-1945, Paris : Seuil, 2000)).

Mort à Dachau, l’opposant chrétien Friedrich RECK-MALLECZEWEN (1884-1945) débute en 1936 un journal intime « d’un désespéré » critiquant la manipulation et la barbarie nazie. Publié en 1947, il est réédité avec plus de succès en 1966.

Le cas de Kurt VON HAMMERSTEIN (1878-1943) a été repris par le romancier allemand Hans Magnus ENZENSBERGER pour montrer l’intransigeance de hauts-officiers envers le régime. Formé dans l’armée prussienne, ce général diffusait des informations de premier ordre à ses enfants communistes.

Y. CHAPOUTOT évoque enfin le rôle des femmes, en particulier dans les grèves de février 1943 de la Rosenstrasse de Berlin (pour réclamer la libération de leurs maris) et d’octobre 1943 dans la Ruhr (manifestation de la faim). Dans les deux cas, le pouvoir cède car, dans le contexte des défaites allemandes (Stalingrad), les nazis sont « en négociation constante » avec le peuple allemand.

La veste Mao, histoire d’un symbole politique et culturel

François HOURMANT, « La longue marche de la veste Mao. Révolution des apparences et apparences de la Révolution », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n°121, janvier-mars 2014, p. 113-131.

 

Portrait de Mao ZEDONG (1963) portant sa célèbre veste au col si particulier.

Étudier le vêtement iconique de Mao ZEDONG pour aborder les caractères et les mutations de la puissance chinoise, ainsi que son rapport au monde, pourrait paraître incongru. Or, François HOURMANT rappelle dès le début de son article la tendance historiographique qui pousse les historiens du politique à prendre au sérieu

x le vêtement comme objet d’étude (cf. Christine BARD, Une histoire politique du pantalon, Paris : Seuil, 2010). A la fin des années 1980, Daniel ROCHE considérait déjà la dimension politique des vêtements, « adjuvants incontournables de toutes les procédures de « mise en scène d’un pouvoir » (La Culture des apparences : une histoire du vêtement, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris : Seuil, 1989, p. 11), empruntant par là des conceptualisations des sciences sociales (de Roland BARTHES à Pierre BOURDIEU).

 

La veste Mao fait partie du « vestiaire du maoïsme », du « triptyque iconique de la Grande Révolution culturelle prolétarienne » (p. 115), au même titre que les portraits de Mao et que le Petit livre rouge (recueil de citations, pensées, slogans et autres formules idéologiques). La veste Mao – ou « col Mao » – est une traduction occidentale impropre qui annonce déjà le destin du vêtement en Europe. Le terme chinois, « costume Zhongshan », indique que cet uniforme a d’abord été popularisé par le nationaliste Sun YAT-SEN (connu sous le nom de Sun Zhongshan en Chine) après la révolution de 1911. Voulant rompre avec le régime précédent, celui-ci choisit cette tenue décontractée portée dans la province du Guangdong (sud-est de la Chine). Mao ZEDONG la reprend ensuite et la charge d’une dimension symbolique et politique : « les quatre poches de la veste figurent les quatre principes cardinaux : l’honnêteté, la justice, la propriété et l’humilité ; les cinq boutons sont les cinq branches (yuans) du gouvernement (les fonctions exécutive, législative et judiciaire ainsi que le pouvoir de contrôle et d’examen) dans la Constitution de la République populaire de Chine ; les trois boutons de manchette stylisent les trois principes du peuple formulés par Sun YAT-SEN : le nationalisme, la démocratie et le bien-être du peuple » (p. 116-117). L’uniforme ne peut donc pas se résumer à son simple col (un petit col droit fermé avec un bouton sur le devant) et mêle une tradition paysanne chinoise et des emprunts militaires occidentaux (sobriété, épure que l’on retrouve dans la Wehrmacht ou l’Armée rouge soviétique). La veste est déclinée en trois couleurs « qui renvoient à la segmentation de la société chinoise » (p. 117) : bleue pour les travailleurs et paysans, grise pour les cadres urbains, verte pour l’Armée populaire de libération et les gardes rouges.

Ce vêtement devient un outil de l’emprise totalitaire du régime communiste chinois, particulièrement pendant la Révolution culturelle à partir de 1966. Elle participe à la création d’un homme nouveau voulue par Mao. Même s’il n’est pas explicitement imposé à la population, il devient une norme qui doit conduire à une uniformisation de classe et de genre (c’est un vêtement unisexe) des Chinois. L’uniforme devient l’horizon pour une jeunesse placée aux avant-postes par le régime qui souhaite faire table rase du passé (Mao avançant : « sans destruction, pas de construction »), en témoigne le premier des seize points de la circulaire du 8 août 1966 énonçant : « Il faut détruire les vieilles idées, la vieille culture, les vieilles coutumes, les vieilles habitudes ». Les Gardes rouges se mirent alors en chasse aux « vieux habits », recherchant les individus à l’apparence « anormale » ou révolue : vêtements occidentaux (signe de l’ancienne oppression), maquillage, bijoux, et même « coiffures jugées peu orthodoxes ». Ainsi, le 21 décembre 1966, les Gardes rouges rassemblèrent ostensiblement leur butin à Pékin : deux millions de pièces de vêtements non conformes furent exposées au public.

La réalité de l’encadrement violent imposé durant la Révolution culturelle (qui fera, au moins, plusieurs centaines de milliers de morts) a un temps été niée par les voyageurs occidentaux, plus nombreux à entrer en Chine populaire dans les années 1970. La veste Mao, austère, brute et « bon marché », devient, aux yeux de nombre d’intellectuels européens, le symbole d’une « société remodelée par la pensée de Mao Zedong et par les trois qualités de l’homme nouveau chinois : humilité, austérité et égalité » (p. 121). Comme le béret du Che, la veste Mao « fait partie de la garde-robe/du dress-code de la contestation » (p. 123). Portée, entre autres, par certains étudiants européens révoltés (en mai 1968 par exemple), elle revêt une signification totalement différente, devenant une marque de provocation et de révolte, mais aussi, au même titre que Le Petit livre rouge, un signe de ralliement à la cause chinoise (dans un contexte intellectuel et estudiantin de sinophilie).

La veste et le col Mao ont été réappropriés par la mode occidentale depuis les années 1970.

La veste est ensuite réappropriée par les couturiers occidentaux et par plusieurs icônes de la mode et des arts (Brigitte BARDOT et Alain DELON entre autres). La revue Vogue consacre, dès septembre 1967, un article au phénomène. Fasciné par la Chine, Pierre CARDIN est le premier couturier français à intégrer le col Mao dans ses collections en 1968. Cette démarche n’est ici plus révolutionnaire, mais simplement esthétique. Le vêtement « se dépolitise » (p. 127) finalement dans le monde de la mode, chez Emanuel UNGARO (1975) ou encore Yves SAINT-LAURENT (1977). « La vareuse maoïste devient progressivement un classique de la haute couture » (p. 128), se démocratisant même en entrant dans les pages des catalogues de vente par correspondance (comme les 3 Suisses). François HOURMANT termine son article en soulignant l’« étrange chassé-croisé qui marque un processus […] de désinvestissement idéologique » (p. 129-130) : alors que la veste Mao a été progressivement mise au placard par les dirigeants chinois après la mort du « Grand timonier » (1976), elle reste une source d’inspiration pour les couturiers occidentaux.

En Angola, une appli pour se faire livrer des animaux vivants

« Angola’s go-to app for delivering live goats to your door », The Economist, 6 décembre 2018.

 

L’Afrique est un continent en plein développement qui connaît une urbanisation rapide, une croissance soutenue (même si elle est inégale) et un développement des classes moyennes. Comme dans les autres métropoles, les services de livraison se sont multipliés et enrichissent aussi bien les hommes d’affaires que les plus pauvres vivant de l’économie informelle.

Ainsi, en Angola, les applications de livraison de nourriture sont en plein boom et le géant Uber Eats est concurrencé par des start-ups africaines comme Mr D-Food (Afrique du Sud, numéro 1 en Afrique), Jumia Food (Nigéria, présente dans 14 pays du continent) ou encore Tupuca. Cette petite entreprise angolaise, active depuis 2016, compterait 140 chauffeurs pour 17 000 livraisons par mois (environ 40 dollars par commande).

Au-delà des repas traditionnellement livrés (les pizzas et burgers, témoins de la mondialisation), l’application propose désormais de commander des produits bruts tels que du charbon, de l’essence, des fruits et légumes et… des animaux vivants : 5 dollars le poulet, de 64 à 82 pour une chèvre, entre 103 et 124 pour un cochon… Pour Erickson MVEZI, le PDG de Tupuca, ce système permet de « supprimer les barrières entre les marchés informels et formels » : Tupuca collabore avec les coursiers d’une autre start-up, Roque Online, qui débusque les meilleurs produits, y compris commercialisés par des populations pauvres actives sur les marchés informels.

Netflix investit l’Afrique

« VoD – « Queen Sono » : cette série « made in Africa » que Netflix va produire », Le Point Afrique, 19 décembre 2018.

 

La plateforme de vidéos à la demande (VOD) américaine Netflix a été lancée en décembre 2015 an Afrique du Sud, avant de s’étendre à tous les autres pays du continent un mois plus tard. Le catalogue proposait alors la même gamme de programmes que dans les autres espaces du monde ; des productions venues de Nollywood (nom donné au cinéma nigérian, très prolifique) ont été progressivement ajoutées.

Annoncés depuis plusieurs mois, les investissements dans des contenus locaux originaux sont en passe d’être réalisés. Ainsi, Netflix va produire la série Queen Sono, portée par l’actrice sud-africaine Pearl THUSI. Cette histoire d’espionnage devrait être disponible en 2019.

Un sondage révèle qu’un Français sur 10 n’aurait jamais entendu parler de la Shoah (2018)

« Un Français sur dix dit n’avoir jamais entendu parler de la Shoah, selon un sondage », Francetvinfo.fr, 20 décembre 2018.

L’IFOP a publié fin décembre 2018 un sondage relatif aux connaissances des Français sur les génocides du XXe siècle. Réalisé les 12 et 13 décembre 2018 auprès d’un échantillon de 1 014 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, il a été commandé par la Fondation Jean Jaurès en partenariat avec la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), la Fondation européenne d’études progressistes (Feps) et l’AJC Paris, l’antenne française de l’American Jewish Committee.

L’enquête montre que 90 % des sondés ont « entendu parler » du génocide des Juifs mais seulement 79 % des personnes interrogées semblent capables de dater la période durant laquelle la Shoah a eu lieu (9 % citent l’entre-deux-guerres, 6 % la Première Guerre mondiale). Ce qui paraît inquiétant, c’est que chez les sondés âgés de moins de 35 ans, la part de Français ignorant ladite période atteint 30%.

Est-ce de la provocation ? Des oublis alors que le génocide des Juifs est au moins étudié trois fois durant la scolarité ? L’école apparaît pourtant comme le principal vecteur de connaissances sur la Shoah (pour 58 % des sondés), devant les fictions, livres et documentaires (41 %).

On notera enfin que si 77 % des individus interrogés considèrent ce génocide comme « un crime monstrueux » (soit 14 points de plus que lors d’un sondage similaire de septembre 2014), 18 % parlent d’un « drame parmi d’autres de cette guerre », 2 % d’une « exagération, il y a eu des morts mais beaucoup moins qu’on le dit » et 1 % estiment qu’il s’agit d’une « invention ».

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