TERMINALE HGGSP » 2.3. Le Moyen-Orient »

Les années 1970 : une décennie décisive dans l’avenir du pétrole du Moyen-Orient (F. ENCEL, 2011)

« Durant ce demi-siècle de développement de la prospection et de la consommation pétrolière s’étendant des années 1920 aux années 1970, l’or noir fut très bon marché pour celui qui l’importait. C’était particulièrement vrai s’agissant du brut du Moyen-Orient qui cumulait trois précieux avantages, être léger et de bonne qualité (l’Arabian light, surtout en Arabie saoudite), être aisément accessible et extractible, enfin être facilement transportable via soit le détroit d’Ormuz, soit des pipe line traversant l’ouest de l’Arabie. […]

Il est universellement admis que la donne change en 1973 avec le premier choc pétrolier ; les pays arabes de l’OPEP […] quadruplent en quelques semaines le prix du baril pendant et après la guerre du Kippour d’octobre (officiellement pour punir l’Occident de son soutien présumé à lsraèl alors confronté à la coalition syro-égyptienne), plongeant celui-ci — énergétiquement gourmand mais largement dépourvu — dans une crise économique dont il ne sortira jamais tout à fait. En quelques années, ce premier choc pétrolier draine vers les pays exportateurs de pétrole — à commencer par l’Arabie saoudite et les petites pétromonarchies du Golfe, ainsi que l’Iran et l’Irak — plus de 1 000 milliards de dollars. Lors du second choc pétrolier de 1979-80, dû simultanément à la chute du Shah d’lran au profit d’une République islamique et au déclenchement subséquent de la guerre Iran-Irak, le cours du baril de brut s’envole à nouveau ; on passe alors de 14$ en novembre 1978 à 35$ en décembre 1980. […]

Or, comment sont gérés ces flux considérables ? A quoi servent-ils ? Quel usage en font les dirigeants présidant aux destinées d’Etats bénéficiant de cette avalanche sans précédent de devises ? L’Irak de Saddam HUSSEIN et l’Iran du Shah modernisent quelque peu leurs infrastructures (réseau de transports notamment), et achètent des armes. Mais Bagdad et Téhéran ne profitent que peu de cet âge d’or du premier choc pétrolier puisque dès 1980 et pour huit années, ils dilapident la manne dans une guerre extrêmement destructrice et budgétivore. Au sein des régimes bédouins du Golfe — tribaux, autoritaires et clientélistes — ni l’agronomie, ni l’industrie, ni la recherche, ni les réseaux de transport et moins encore le high tech ne bénéficient alors des formidables retombées pétrolières. Tout juste certains services — les banques essentiellement — se modernisent-ils. En réalité, nouveaux riches à la tête d’Etats minuscules (sauf l’Arabie, vaste quoique quasi totalement désertique) et très peu peuplés, les familles régnantes adoptent un train de vie excessivement coûteux et engagent des années durant des dépenses somptuaires : hôtels et villas de luxe, aras, casinos, bijoux, bateaux de croisière ou encore avions privés pour les particuliers, et armements lourds pour l’Etat. Dans l’absolu, ces dépenses ne sont pas plus stupides que d’autres, sauf qu’elles apparaissent improductives et consenties pour l’essentiel hors du territoire national. Ainsi, la plus grande part des sommes astronomiques engrangées par un pays comme l’Arabie saoudite (principal exportateur mondial de brut) depuis son premier choc pétrolier de 1973, ont été réinvesties ou purement dépensées… en Occident !

Mais le pire se trouve vraisemblablement ailleurs ; la grande facilité liée aux formidables revenus pétroliers décourage en profondeur le travail, les innovations, les études et la valorisation du savoir, la formation professionnelle, la recherche technologique. Parallèlement, on ne trouve plus de locaux acceptant de travailler aux tâches liées à l’exploitation du pétrole ainsi qu’aux labeurs pénibles de façon générale ; on procède donc au recrutement de centaines de milliers travailleurs asiatiques, masse de travail taillable et corvéable à merci. A ce problème économico-démographique — dans certains émirats la population étrangère sera plusieurs fois supérieure aux locaux — et des milliards de dollars de parts de salaires s’écouleront vers l’Inde, les Philippines et le sud-est asiatique — s’ajoute, plus crucial, celui de la déficience en matière de haute technologie. Car, d’abord, sans motivation ni marché intérieur assez développé, les jeunes cerveaux vont se former en Occident (pour souvent y rester, notamment aux Etats-Unis), ensuite, sans investissements nationaux suffisants, le booster économique, financier et stratégique représenté par le high tech dès les années 1990-2000 passera à côté de ces Etats demeurés mono-exportateurs. […]

En outre la concurrence fait rage. Le nombre de gisements a augmenté dans les années 2000, concurrençant le brut saoudien ou émirati. Par ailleurs, quid de la volonté de grands importateurs de se diversifier ? Les Etats-Unis, qui furent encore de loin en 2010 les premiers consommateurs de pétrole brut avec plus de 600 millions de barils importés, ont ainsi déjà commencé à diversifier leurs sources d’approvisionnement afin de moins dépendre de l’arc d’instabilité chronique moyen-oriental, et de leur fragile allié saoudien en particulier. […] Que se passerait-il si la Chine et peut-être plus tard l’Inde dans son sillage choisissaient également de s’approvisionner à d’autres sources ? »

 

Frédéric ENCEL, « Le pétrole du Moyen-Orient est-il géopolitiquement si précieux ? Réflexions autour d’une contestable centralité économique, stratégique et énergétique », Management & Avenir, 2011/2 (n° 42), p. 281-292

 

Le pétrole, enjeu et arme au Moyen-Orient depuis le début du XXe siècle

« C’est en 1908 que l’on a commencé à soupçonner la présence de pétrole dans la région avec la découverte de gisements en Perse (Iran). L’exploitation débute en Irak en 1937. Dans les années 1930, c’est au tour de la péninsule arabique. […]

Ces   concessions   sont   détenues   par   sept   grandes   « majors »   pétrolières :   cinq   sociétés américaines,  British  Petroleum  (Grande-Bretagne)  et  Shell  (Grande-Bretagne  et  Pays-Bas).  […] C’est durant la Seconde Guerre mondiale que les États-Unis, premier consommateur au monde, découvrent la valeur de l’immense potentiel saoudien. […] Les stratèges du plan Marshall font du pétrole  du  Moyen-Orient  l’un  des  éléments  essentiels  de  la  reconstruction  économique  de l’Europe d’après-guerre. […]

La rente pétrolière augmente ainsi très rapidement. Au Koweït, on passe de 800 000 dollars en 1946 à 217 millions en 1954 ! Cette croissance est liée à la hausse de la production mais aussi à une meilleure répartition des revenus de la rente. Le Moyen-Orient combine à la fois les coûts de production  les  plus  bas  et  les  réserves  de  pétrole les  plus  importantes  du  monde.  En  1956,  la crise  de  Suez  entraîne  un  relèvement  des  prix.  Le  retour  à  la  normale  et  la  hausse  de  la production  mondiale  provoquent  un  mouvement  en  sens inverse  dès  1959-1960.  Les  pays exportateurs  tentent  de  s’y  opposer  en  constituant,  en  1960,  à  Bagdad,  l’organisation  des  pays exportateurs de pétrole (OPEP) : au total 13 pays qui contrôleront au début des années 1970 plus de 85 % des exportations mondiales de pétrole.

La  guerre  israélo-arabe  de  juin  1967  bouleverse  la  situation.  Le  canal  de  Suez  est  à  nouveau fermé, ce qui rallonge les circuits d’acheminement du pétrole du Golfe. […] Les pays producteurs ne se  contentent  pas  d’augmenter  les  prix  affichés.

Ils  remettent  en  cause  le  système  des concessions.  À  partir  de  1971,  les  pays  socialistes  arabes  comme  l’Algérie,  la  Libye  et  l’Irak nationalisent  les  compagnies  présentes  sur  leur  territoire ;  les  pays  conservateurs,  eux,  passent par un système de prise de participation croissante. […]

Lors de la guerre du Kippour en 1973, la réduction de la production conduit à un quadruplement du prix affiché en quelques semaines. Ce premier choc pétrolier entraîne une hausse vertigineuse de  la  rente  pétrolière.  […] La  révolution  iranienne  de  1979  et  la  guerre  Irak-Iran  en  1980 provoquent  un  second  choc  pétrolier.  Le  prix  du  baril  atteint  32  dollars  en  1980.  […]  Le  pétrole devient une matière première ordinaire soumise à une intense spéculation.

La fin des prix affichés, la diminution de la demande mondiale et surtout le développement de la production en dehors des pays de l’OPEP (mer du Nord, Alaska, Union soviétique) entraînent un contre-choc  pétrolier :  les  pays  du  Golfe  reviennent  à  des  revenus  réels  proches  d’avant  le premier choc pétrolier. L’Arabie saoudite réplique en augmentant brutalement sa production. […]

L’OPEP tente d’enrayer la chute en s’imposant des quotas de production. Mais plusieurs pays du Golfe ne les respectent pas. L’invasion du Koweït en 1990 est en partie liée à l’impossibilité pour l’Irak  de restaurer  sa  position  de  producteur  majeur  au lendemain  de  la  guerre  avec  l’Iran  en raison  du  non-respect  des  quotas.  L’Arabie  saoudite,  qui  contrôle  le  marché  mondial,  interdit l’existence  d’un  troisième  choc  pétrolier.  La  guerre  du  Golfe  a  fait  perdre  à  l’Irak,  sous  embargo dès l’invasion du Koweït, sa place de producteur essentiel.

Après les « médiocres » années 1990, les années 2000, grâce à la hausse de la consommation mondiale et surtout aux importations de grands pays émergents (Chine, Inde), voient une montée continue du prix du pétrole. La région connaît un boom économique. […] L’euphorie dure jusqu’en 2008. Puis c’est l’effondrement avec la crise financière mondiale. »

 

Henry LAURENS,  « Le  pétrole :  une  malédiction ? », Les  Collections  de  l’Histoire,  n°69, octobre 2015, p. 60-63

États-Unis et Arabie Saoudite : les « liens du pétrole » depuis 1945

Le 14 février 1945, le président des États-Unis Franklin Delano ROOSEVELT […] propose au régime saoudien le soutien américain et la garantie de la sécurité de son territoire contre l’exploitation de ses richesses pétrolières. Le roi accepte d’attribuer des concessions pétrolières à la société ARAMCO (Arabian American Oil Company), contrôlée principalement par des compagnies américaines, sur 1 500 000 km² pour une période de soixante ans. […] Les États-Unis peuvent quant à eux contrôler les ressources saoudiennes et s’appuyer sur un allié de poids dans la région. En effet, le pétrole prend une importance considérable pour la croissance économique américaine et le Moyen-Orient devient progressivement le centre de l’industrie pétrolière. Les intérêts entre les deux pays convergent donc dans les années 1940. Le rapprochement entre les deux pays se renforce tout au long de la Guerre Froide, période durant laquelle l’Arabie Saoudite devient un allié important contre la propagation du communisme dans la région […]
Le gouvernement saoudien comprend que l’or noir constitue un atout essentiel pour l’avenir de son pays qui détient 42 % des réserves mondiales. Ses champs pétroliers lui assurent encore un siècle d’exploitation. L’Arabie Saoudite devient le premier producteur et le premier exportateur mondial de pétrole brut […]. A partir de 1972, le gouvernement [saoudien] étend son emprise sur l’ARAMCO […] Le pays prend alors en charge l’ensemble de l’exploitation du pétrole, de la prospection à son acheminement, et assure à l’Occident un approvisionnement en pétrole à bas prix. Il est le seul pays producteur à pouvoir influer directement sur le cours du pétrole : en effet, grâce à ses réserves pétrolières, il peut augmenter très rapidement sa production et avoir un impact sur les prix du pétrole. L’Arabie Saoudite peut ainsi équilibrer les cours du baril en cas de besoin. Elle joue donc un rôle majeur dans le cadre de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) créée en 1960 […]
Dans les années 1990, la dynastie saoudienne est de plus en plus critiquée par certains milieux d’affaires et d’intellectuels, par des jeunes universitaires et surtout par des milieux d’extrémistes religieux pour son alliance avec les États-Unis. […] En novembre 1995, cinq Américains sont victimes d’un attentat à Ryad. Le 25 juin de l’année suivante, la base aérienne de Khobar est également la cible d’une attaque entrainant la mort de 19 Américains. Les attentats du 11 septembre 2001 contre les Twin Towers à New York et contre le Pentagone jettent un froid dans les relations américano-saoudiennes. 15 des 19 terroristes identifiés sont de nationalité saoudienne. L’Arabie est alors perçue par l’opinion publique américaine comme une terre d’extrémisme religieux, un foyer du terrorisme international et la méfiance s’installe.
Mais en tant que premier consommateur de pétrole au monde, les Etats-Unis ne peuvent se détacher réellement de l’Arabie Saoudite qui représente un allié économique et stratégique de taille dans la région. Le pétrole reste donc un enjeu essentiel pour les deux pays […] Malgré l’instabilité de la région, le Moyen-Orient détient 65,4 % des réserves mondiales et fournit 41,4 % des exportations. Les Etats-Unis ont alors un réel intérêt à « pacifier » la région et à maintenir de bonnes relations avec son allié traditionnel saoudien.

 

Lisa ROMEO, « Etats-Unis et Arabie Saoudite : les liens du pétrole de 1945 à nos jours », Les clés du Moyen-Orient, 17 septembre 2010

Le Moyen-Orient et le pétrole depuis les années 1970

« Au début des années 70, la demande de pétrole s’accroît, notamment en provenance des Etats-Unis où l’extraction est de plus en plus coûteuse. Ceux-ci préfèrent s’approvisionner à bas prix au Moyen Orient. Le dollar se dévalue : les pays exportateurs s’estiment exploités. […] Parallèlement, les membres de l’OPEP affirment leur souveraineté sur leurs ressources pétrolières, tenant un discours radical (Algérie, Libye, Irak), ou souhaitant une prise de participation progressive. Les relations se durcissent au moment de la guerre du Kippour (octobre 1973). Par solidarité avec les Palestiniens, les pays arabes décident d’utiliser l’arme du pétrole et prennent les mesures suivantes : réduction du volume des exportations ; embargo total contre plusieurs pays occidentaux, dont les Etats-Unis ; quadruplement du prix du pétrole brut à 11,65 dollars […].
Les principales victimes de cette hausse sont en fait les pays en développement, qui s’endettent auprès de la communauté internationale. […] Dans ce contexte de déséquilibres persistants, et malgré des signes de reprise économique, la chute du Shah d’Iran en 1979 entraîne le retrait du pétrole iranien, provoque le deuxième choc pétrolier et relance la hausse des prix. En réalité, il s’agit de la deuxième étape d’un double choc qui, en une petite décennie, transforme de fond en comble l’économie de la planète et favorise la mondialisation du pétrole. […] Dans cette optique, le Moyen Orient, parce qu’il dispose de réserves importantes exploitables à des coûts très inférieurs à ceux des autres régions pétrolières, occupe une place privilégiée. C’est pourquoi, la communauté internationale, se souciant de plus en plus du libre accès de tous aux ressources pétrolières de la planète, ne peut s’en désintéresser. Cet intérêt justifie la guerre du Golfe en 1991. […] Parce que le Moyen Orient peut toujours être le lieu de conflits armés, la consolidation des autres régions pétrolières reste néanmoins un objectif partagé par la communauté internationale. Les recherches y contribuent dans le Golfe de Guinée, dans le Golfe du Mexique, en mer Caspienne, au Brésil, en Australie. […]
Avec plus de 60% des réserves mondiales prouvées, le Moyen Orient est, sans contestation possible, le cœur pétrolier du monde. En son sein, l’Arabie Saoudite arrive largement en tête avec quelques 264 milliards de barils de réserves prouvées sur un total mondial de 1 200 milliards […]. Elle est suivie par quatre autres États riverains du Golfe persique : l’Iran (137 milliards de barils), l’Irak (115), le Koweït (101) et les Émirats arabes unis (98). Côté production, là encore, les États du Moyen Orient occupent le premier rang. Si l’on met en rapport production et réserves disponibles, cette région bénéficie d’un potentiel de plus de quatre-vingt années de production, soit dix fois plus que l’Europe et quatre fois plus que l’Amérique. Cette place prédominante des pays du Moyen Orient explique largement la sensibilité des grandes puissances industrielles aux soubresauts politiques qui agitent cette région. […] Qu’une tension survienne et elle se répercute instantanément sur les prix internationaux car, immédiatement, la pénurie effraie et le libre approvisionnement est menacé. »

 

Dossier « Le pétrole, un enjeu international », La Documentation française, 2011

Les grandes sources de tension au Moyen-Orient selon B. OBAMA (2009)

« Dans un passé relativement récent, les tensions ont été nourries par le colonialisme qui a privé beaucoup de musulmans de droits et de chances de réussir, ainsi que par une guerre froide qui s’est trop souvent déroulée par acteurs interposés, dans des pays à majorité musulmane et au mépris de leurs propres aspirations. En outre, les mutations de grande envergure qui sont nées de la modernité et de la mondialisation ont poussé beaucoup de musulmans à voir dans l’Occident un élément hostile aux traditions de l’islam. […]
Permettez-moi de m’exprimer aussi clairement et aussi simplement que possible sur certaines questions précises auxquelles nous devons maintenant faire face ensemble.
La première est celle de l’extrémisme violent sous toutes ses formes. À Ankara, j’ai fait clairement savoir que l’Amérique n’est pas – et ne sera jamais – en guerre contre l’islam. (Applaudissements) […] Voilà maintenant plus de sept ans, forts d’un large appui de la communauté internationale, les Etats-Unis ont donné la chasse à Al Qaïda et aux talibans. Nous avons agi de la sorte non par choix, mais par nécessité. […]
Je voudrais aussi aborder le dossier de l’Irak. Contrairement à la guerre en Afghanistan, la guerre en Irak est le résultat d’un choix, lequel a provoqué des désaccords marqués dans mon pays et à travers le monde. Tout en étant convaincu que le peuple irakien a gagné au bout du compte à être libéré de la tyrannie de Saddam Hussein, je crois aussi que les événements en Irak ont rappelé à l’Amérique la nécessité de recourir à la diplomatie et de construire un consensus international pour résoudre ses problèmes à chaque fois que c’est possible. […]
La deuxième grande source de tension que nous devons aborder concerne la situation entre les Israéliens, les Palestiniens et le monde arabe. […] Depuis des dizaines d’années, une impasse persiste : deux peuples aux aspirations légitimes, chacun marqué par un passé douloureux qui rend un compromis insaisissable. Il est aisé de pointer un doigt accusateur : les Palestiniens peuvent attirer l’attention sur la dislocation consécutive à la fondation d’Israël, et les Israéliens peuvent dénoncer l’hostilité et les attaques dont le pays a de tout temps fait l’objet à l’intérieur même de ses frontières et par-delà. Mais si nous examinons ce conflit à travers le prisme de l’une ou l’autre partie, nos œillères nous cacheront la vérité : la seule solution consiste à répondre aux aspirations des uns et des autres en créant deux Etats, où Israéliens et Palestiniens vivront chacun dans la paix et la sécurité. […]
La troisième source de tension est nos intérêts en commun à l’égard des droits et des responsabilités des Etats concernant les armes nucléaires. Cette question a constitué une source de tension entre les Etats-Unis et la République islamique d’Iran. Pendant de nombreuses années, l’Iran s’est défini en partie par son opposition à mon pays et il existe en effet un passé tumultueux entre nos deux pays. […] Chaque pays, y compris l’Iran, devrait avoir le droit d’avoir accès à l’énergie nucléaire pacifique s’il respecte ses engagements dans le cadre du Traité de non-prolifération nucléaire. »

 

Discours du président américain Barack OBAMA au Caire (Egypte) le 4 juin 2009 (discours en intégralité)

Les 4 objectifs des États-Unis au Moyen-Orient d’après G. BUSH après la guerre du Koweït et le « nouvel ordre mondial »

« La guerre est finie. C’est une victoire pour tous les pays de la coalition, pour les Nations Unies […]. C’est une victoire de la loi et du droit […]. Saddam HUSSEIN était l’agresseur, le Koweït la victime. Sont venues à l’aide de ce petit pays des nations de l’Amérique du Nord et de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique du Sud, de l’Afrique et du monde arabe, tous unis face à cette agression. Notre coalition hors du commun doit travailler maintenant dans un même but : forger un avenir qui ne soit plus jamais l’otage du côté le plus sombre de la nature humaine […]. Ce soir, laissez-moi définir quatre objectifs clés.
Premièrement, nous devons travailler ensemble à mettre sur pied des accords de sécurité mutuelle dans la région. Nos amis et alliés du Proche-Orient auront la responsabilité première de la sécurité régionale. Mais qu’ils sachent que, tout comme elle les a soutenus pour repousser l’agression de l’Irak, l’Amérique est prête à travailler avec eux pour assurer la paix. […] Que nos amis et nos alliés sachent […] que l’Amérique se tient prête à assurer la paix à leurs côtés. Cela ne signifie pas le stationnement de forces américaines terrestres dans la péninsule arabique, mais la participation à des exercices conjoints, terrestres et aériens, et la présence d’une force navale conséquente dans la région, comme ce fut le cas depuis quarante ans. Que ce soit clair : nos intérêts nationaux dépendent d’un Golfe stable et sûr.
Deuxièmement, nous devons agir pour contrôler la prolifération des armes de destruction massive et les missiles utilisés pour les envoyer. Il serait tragique que les nations du Moyen-Orient et du Golfe […] s’engagent dans une nouvelle course aux armements. L’Irak
requiert une vigilance particulière. Il ne doit pas avoir accès aux instruments de guerre.
Troisièmement, nous devons travailler à créer de nouvelles occasions pour assurer la paix et la stabilité au Moyen-Orient […]. Israël et plusieurs pays arabes ont pour la première fois affronté ensemble le même agresseur. Désormais, il devrait être clair pour tous que faire la paix au Moyen-Orient demande des compromis, mais que cette paix est aussi porteuse d’avantages pour tous. […]
Quatrièmement, nous devons favoriser le développement économique pour le bien de la paix et du progrès. Le golfe Persique et le Moyen-Orient forment une région riche en ressources naturelles avec un potentiel humain riche mais inexploité. […]
En atteignant ces quatre objectifs nous pouvons bâtir un cadre pour la paix. […] A tous les défis offerts par cette région du monde, il n’y a pas de solution unique, pas de réponse de la seule Amérique. Mais nous pouvons changer les choses. L’Amérique y travaillera sans relâche […]. Maintenant, nous voyons apparaître un ordre nouveau, un monde où un nouvel ordre mondial peut être construit […]. Un monde où les Nations unies, libérées de l’impasse de la guerre froide, sont en mesure de réaliser la vision historique de leurs fondateurs. Un monde dans lequel la liberté et les Droits de l’homme sont respectés par toutes les nations. »

 

Extrait du discours de George BUSH devant le Congrès, le 6 mars 1991, à la fin de la guerre du Golfe.

NASSER se félicite de l’alliance entre l’Egypte et l’URSS (1964)

Après la crise de Suez (1956), l’Égypte s’est rapprochée de l’URSS. Avec l’Inde, elle est le pays le plus aidé par Moscou.

 

« Le début de notre inébranlable amitié fut le refus ferme et obstiné des peuples arabes de permettre sur leur sol l’existence de bases menaçant l’Union soviétique et son gouvernement. Dans ce sens, le peuple égyptien eut une attitude intransigeante, affirmant le principe du refus d’accepter la domination étrangère, avec la proclamation du non-engagement et la croyance que l’humanité pouvait disposer de ses efforts et de ses potentialités pour des actions plus utiles que la menace de destruction nucléaire et le maintien perpétuel du monde au bord de l’abîme. […] Nous avons à rappeler les moments décisifs, dont nos peuples garderont toujours le souvenir, ainsi que le rôle inoubliable qu’y a joué l’Union soviétique avec :

Premièrement, sa position aux côtés du peuple égyptien pour briser le monopole de l’armement. Les forces impérialistes avaient établi au milieu de la terre arabe une base hostile menaçant sa sécurité. Cette base hostile se changea en Israël, citadelle regorgeant d’armes. En ces temps, les peuples de la nation arabe ne trouvaient pas de moyens pour se défendre.

Deuxièmement, sa position aux côtés du peuple égyptien dans sa confrontation aux agressions des impérialistes qui voulaient envahir son ciel et ses côtes, lui arrachant son canal construit au prix de tant de sang égyptien, et le dépouiller de son droit. […]

Troisièmement, sa position aux côtés du peuple égyptien dans sa résistance au blocus économique et à la guerre psychologique qui atteignit son maximum dans la région avec l’intensification des pressions du pacte de Bagdad sur la Syrie, en 1957.

Quatrièmement, sa position aux côtés du peuple égyptien dans son effort héroïque d’édification économique de sa patrie, et son aide dans l’établissement de son industrie, dans la construction du haut barrage [d’Assouan], symbole de cette édification et symbole de la liberté. […]

Nos efforts se sont rencontrés à la fois dans la lutte contre l’impérialisme sous toutes ses formes, dans le soutien aux luttes de libération en Asie et en Amérique latine, pour le désarmement, l’élimination des bases étrangères, […] la lutte contre la discrimination raciale, la possibilité de la coexistence pacifique entre les peuples. […]

Les peuples indépendants découvrent quotidiennement le néo-colonialisme. L’indépendance politique ne peut se faire sans indépendance économique et sans efforts consacrés au développement. »

Discours de Gamal Abdel NASSER prononcé à Alexandrie en présence de Nikita KHROUCHTCHEV, 9 mai 1964, cité par Henry LAURENS, « L’URSS et l’Egypte de NASSER à SADATE » in Dominique CHEVALLIER (dir.), Renouvellement du monde arabe, Paris, 1987, p. 52-53.

Le Livre blanc de la Palestine sous tutelle britannique (mai 1939)

A la suite d’une conférence anglo-judéo-arabe qui se tient à Londres en février 1939, un Livre blanc est publié en mai 1939 dans le but d’apaiser les tensions entre Arabes et Juifs, et de détourner les pays arabes des puissances de l’Axe dans un contexte de marche à la guerre. Le Royaume-Uni, puissance mandataire de la Palestine, revient sur les promesses faites au mouvement sioniste pendant la Grande Guerre. Connu sous le nom de « Livre blanc de CHURCHILL » (alors secrétaire aux Colonies), ce document modère les points énoncés dans la déclaration Balfour, restreignant par exemple le territoire dédié au foyer national juif et relevant les conditions financières d’immigration des juifs.

I. Constitution

[…] Il a été avancé que l’expression foyer national pour le peuple juif offrait la perspective d’une Palestine devenue progressivement un État ou un Commonwealth juif. Le gouvernement de Sa Majesté n’entend pas mettre en cause le point de vue – exprimé par la Commission royale – des chefs sionistes lors de la déclaration Balfour, selon lequel ils estimaient que les termes de la déclaration n’excluaient pas un État juif ultimement. Mais, en accord avec la Commission royale, le gouvernement de Sa Majesté est convaincu qu’intégrée au cadre du mandat comme elle l’a été, la déclaration Balfour ne pouvait en aucune façon signifier que la Palestine serait transformée en un État juif, contre la volonté de la population arabe du pays.

[…] Le gouvernement de Sa Majesté déclare aujourd’hui sans équivoque qu’il n’est nullement dans ses intentions de transformer la Palestine en un État juif. Il considérerait comme une chose contraire à ses obligations envers les Arabes placés sous son mandat, et contraire aux assurances fournies précédemment aux Arabes, que la population arabe de Palestine doive devenir, contre sa volonté, les sujets d’un État juif. […] Depuis la déclaration de 1922, plus de 300 000 juifs ont immigré en Palestine, et la population du foyer national (juif) s’est élevée à quelque 450 000 âmes, soit environ un tiers de la population entière du pays. Et la communauté juive n’a pas manqué de tirer le plus grand parti des facilités qui lui furent offertes. L’accroissement du foyer national juif et ses réalisations en plusieurs domaines sont un effort remarquable de construction dont le monde doit être fier et qui, en particulier, font honneur au peuple juif.

[…] Il serait contraire à tout l’esprit du système des mandats que la population de Palestine demeure indéfiniment sous tutelle mandataire, aussi convient-il que les habitants du pays jouissent dès que possible du droit de se gouverner eux-mêmes, droit qu’exercent déjà les habitants des pays voisins. Le gouvernement de Sa Majesté ne peut présentement prévoir la forme constitutionnelle exacte que prendra le gouvernement en Palestine, mais son objectif est le self-government, et son désir est de voir s’établir finalement un État de Palestine indépendant. Ce devra être un État dans lequel les Arabes et les Juifs partageront l’autorité dans le gouvernement de telle manière que les intérêts essentiels de chacun soient sauvegardés.

[…] Au bout de cinq années, un corps représentatif des habitants de Palestine et du gouvernement britannique devra être établi aux fins de réviser les dispositions constitutionnelles de la période transitoire et de déposer des recommandations concernant la Constitution de l’État de Palestine indépendant. Si, au terme de dix années, il est avéré que l’indépendance doive être ajournée, le gouvernement britannique consultera les habitants de Palestine, le Conseil de la SDN. et les États arabes voisins, et établira en coopération avec eux des plans pour l’avenir.

 

II. Immigration

[…] La crainte qu’ont les Arabes que ce flot se poursuive indéfiniment jusqu’à ce que la population juive soit à même de les dominer a provoqué des conséquences extrêmement graves pour les Juifs et les Arabes et pour la paix et la prospérité de la Palestine. Les troubles regrettables des trois années écoulées ne sont que la plus récente et la plus persistante manifestation de cette grave appréhension arabe. Les méthodes utilisées par les terroristes arabes contre des frères arabes et contre des Juifs méritent la plus sévère condamnation. Mais on ne peut nier que la peur d’une immigration juive indéfinie est largement répandue dans les rangs de la population arabe et que cette peur a rendu possibles ces troubles […].

En conséquence, l’immigration sera maintenue au cours des cinq prochaines années pour autant que la capacité économique d’absorption du pays le permettra, à un taux qui portera la population juive à environ le tiers de la population totale. […] Au terme de la période de cinq ans, aucune immigration juive ne sera plus autorisée, à moins que les Arabes de Palestine ne soient disposés à y consentir […].

 

III. La terre

[…] Les rapports de plusieurs commissions d’experts ont indiqué que, compte tenu de la croissance naturelle de la population arabe et de l’importance des ventes de terres arabes aux Juifs, en certains endroits il ne reste plus assez de place pour de nouveaux transferts de terres arabes, tandis qu’en d’autres endroits ces transferts doivent être limités pour que les cultivateurs arabes puissent garder leur niveau de vie actuel et que ne soit pas créée prochainement une importante population arabe sans terre. Dans ces circonstances, le haut-commissaire recevra tous les pouvoirs pour prohiber et réglementer les transferts de terres […].

Extraits du Livre blanc de la Palestine sous tutelle britannique, 1939. Source : Olivier CARRE, Le mouvement national palestinien, Gallimard/Julliard, 1977, p. 76-79.

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