États-Unis et Arabie Saoudite : les « liens du pétrole » depuis 1945

Le 14 février 1945, le président des États-Unis Franklin Delano ROOSEVELT […] propose au régime saoudien le soutien américain et la garantie de la sécurité de son territoire contre l’exploitation de ses richesses pétrolières. Le roi accepte d’attribuer des concessions pétrolières à la société ARAMCO (Arabian American Oil Company), contrôlée principalement par des compagnies américaines, sur 1 500 000 km² pour une période de soixante ans. […] Les États-Unis peuvent quant à eux contrôler les ressources saoudiennes et s’appuyer sur un allié de poids dans la région. En effet, le pétrole prend une importance considérable pour la croissance économique américaine et le Moyen-Orient devient progressivement le centre de l’industrie pétrolière. Les intérêts entre les deux pays convergent donc dans les années 1940. Le rapprochement entre les deux pays se renforce tout au long de la Guerre Froide, période durant laquelle l’Arabie Saoudite devient un allié important contre la propagation du communisme dans la région […]
Le gouvernement saoudien comprend que l’or noir constitue un atout essentiel pour l’avenir de son pays qui détient 42 % des réserves mondiales. Ses champs pétroliers lui assurent encore un siècle d’exploitation. L’Arabie Saoudite devient le premier producteur et le premier exportateur mondial de pétrole brut […]. A partir de 1972, le gouvernement [saoudien] étend son emprise sur l’ARAMCO […] Le pays prend alors en charge l’ensemble de l’exploitation du pétrole, de la prospection à son acheminement, et assure à l’Occident un approvisionnement en pétrole à bas prix. Il est le seul pays producteur à pouvoir influer directement sur le cours du pétrole : en effet, grâce à ses réserves pétrolières, il peut augmenter très rapidement sa production et avoir un impact sur les prix du pétrole. L’Arabie Saoudite peut ainsi équilibrer les cours du baril en cas de besoin. Elle joue donc un rôle majeur dans le cadre de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) créée en 1960 […]
Dans les années 1990, la dynastie saoudienne est de plus en plus critiquée par certains milieux d’affaires et d’intellectuels, par des jeunes universitaires et surtout par des milieux d’extrémistes religieux pour son alliance avec les États-Unis. […] En novembre 1995, cinq Américains sont victimes d’un attentat à Ryad. Le 25 juin de l’année suivante, la base aérienne de Khobar est également la cible d’une attaque entrainant la mort de 19 Américains. Les attentats du 11 septembre 2001 contre les Twin Towers à New York et contre le Pentagone jettent un froid dans les relations américano-saoudiennes. 15 des 19 terroristes identifiés sont de nationalité saoudienne. L’Arabie est alors perçue par l’opinion publique américaine comme une terre d’extrémisme religieux, un foyer du terrorisme international et la méfiance s’installe.
Mais en tant que premier consommateur de pétrole au monde, les Etats-Unis ne peuvent se détacher réellement de l’Arabie Saoudite qui représente un allié économique et stratégique de taille dans la région. Le pétrole reste donc un enjeu essentiel pour les deux pays […] Malgré l’instabilité de la région, le Moyen-Orient détient 65,4 % des réserves mondiales et fournit 41,4 % des exportations. Les Etats-Unis ont alors un réel intérêt à « pacifier » la région et à maintenir de bonnes relations avec son allié traditionnel saoudien.

 

Lisa ROMEO, « Etats-Unis et Arabie Saoudite : les liens du pétrole de 1945 à nos jours », Les clés du Moyen-Orient, 17 septembre 2010