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La proclamation du FLN du 1er novembre 1954

« Nous considérons avant tout qu’après des décades de lutte, le mouvement national a atteint sa phase de réalisation. En effet, le but d’un mouvement révolutionnaire étant de créer toutes les conditions d’une action libératrice, nous estimons que, sous ses aspects internes, le peuple est uni derrière le mot d’ordre d’indépendance et d’action et, sous les aspects extérieurs, le climat de détente est favorable pour le règlement des problèmes mineurs, dont le nôtre, avec surtout l’appui diplomatique de nos frères arabo-musulmans. […]

Pour préciser, nous retraçons ci-après, les grandes lignes de notre programme politique :

But : L’indépendance nationale par :
1) La restauration de l’État algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques.
2) Le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de race et de confession.
Objectifs intérieurs :
1) Assainissement politique par la remise du mouvement national révolutionnaire dans sa véritable voie et par l’anéantissement de tous les vestiges de corruption et de réformisme, cause de notre régression actuelle.
2) Rassemblement et organisation de toutes les énergies saines du peuple algérien pour la liquidation du système colonial.

 

Objectifs extérieurs :
РInternationalisation du probl̬me alg̩rien.
– Réalisation de l’Unité nord-africaine dans le cadre naturel arabo-musulman.
– Dans le cadre de la charte des Nations Unies, affirmation de notre sympathie à l’égard de toutes nations qui appuieraient notre action libératrice.

 

Moyens de lutte :
Conformément aux principes révolutionnaires et compte tenu des situations intérieure et extérieure, la continuation de la lutte par tous les moyens jusqu’à la réalisation de notre but. […]

 

En contrepartie :
1) Les intérêts français, culturels et économiques, honnêtement acquis, seront respectés ainsi que les personnes et les familles.
2) Tous les Français désirant rester en Algérie auront le choix entre leur nationalité et seront de ce fait considérés comme étrangers vis-à-vis des lois en vigueur ou (ils) opteront pour la nationalité algérienne et, dans ce cas, seront considérés comme tels en droits et en devoirs.
3) Les liens entre la France et l’Algérie seront définis et feront l’objet d’un accord entre les deux puissances sur la base de l’égalité et du respect de chacun.
Algérien ! nous t’invitons à méditer notre charte ci-dessus. Ton devoir est de t’y associer pour sauver notre pays et lui rendre sa liberté ; le Front de libération nationale est ton front, sa victoire est la tienne.
Quant à nous, résolus à poursuivre la lutte, sûrs de tes sentiments anti-impérialistes, nous donnons le meilleur de nous-mêmes à la patrie. »

 

Extraits de la proclamation du Front de libération nationale (FLN), 1er novembre 1954

Le Manifeste des Dix pour la parité (1996)

« Pourquoi des femmes venues d’horizons divers, aux engagements parfois opposés, ont-elles décidé d’unir leurs voix ?
Ayant en commun d’avoir eu ou d’exercer actuellement des responsabilités publiques, nous voulons, alors que se profile le prochain millénaire dans un monde incertain et une France inquiète, lancer cet appel pour l’égalité des chances et des droits entre hommes et femmes […]. Si les femmes sont en effet citoyennes à l’égal des hommes par leur nombre dans l’électorat et le niveau de leur participation aux scrutins, cette parité ne se retrouve pas, loin s’en faut, dans la proportion d’élus. Cinquante ans après l’instauration du droit de vote des femmes en France, seulement 5% d’entre elles sont sénateurs ou maires, 6% députés ou conseillers généraux. Le scrutin proportionnel améliore sensiblement la représentation féminine, avec 12% des conseillers régionaux et 30% des parlementaires européens. Parmi 20 grands pays développés d’Europe et d’Amérique du Nord, le nôtre est bon dernier pour la représentation des femmes au Parlement, loin derrière les Etats scandinaves, l’Allemagne, l’Espagne. Si bien que, dans l’Union européenne, la France est la lanterne rouge pour la proportion de femmes élues.
Ce n’est pas tout. Seuls 6% des postes « laissés à la discrétion du gouvernement » sont occupés par des femmes: 2,6% des préfets, 2% des ambassadeurs, 5,5% des directeurs d’administration centrale. Sans parler des directions d’entreprises ou d’établissements publics […].
Après les grandes avancées juridiques des années 70 et 80, il est évident que le mouvement vers l’égalité marque le pas, quand il n’y a pas régression. Et la crise aidant, les femmes sont apparemment plus silencieuses sur leurs revendications « spécifiques ». Pourtant, elles ne sont pas dupes. Elles savent ou pressentent qu’elles sont les premières touchées par les licenciements et le chômage, total ou partiel, et que les écarts de salaires persistent, sans parler de l’accès aux postes de décision […].
Voici les mesures que nous proposons:
1 – Une politique volontariste des partis, du gouvernement et des associations féminines conjugués. Les pays nordiques montrent l’efficacité de cette attitude. Quand il le faut, ils n’hésitent pas à utiliser les quotas […]. L’adoption d’un scrutin proportionnel, même partiel pour les législatives, renforcerait cette obligation de quotas […].
2 – Une limitation drastique du cumul des mandats et des fonctions, pour un meilleur partage et exercice du pouvoir. […].
3 – Un financement des partis politiques en fonction du respect de la parité de leurs instances dirigeantes et de leurs élus.
4 – Une nomination volontaire à des postes de responsabilité qui dépendent de l’État et du gouvernement, en se fondant sur un principe de parité.
5 – Une adoption d’une législation sur le sexisme comparable à celle sur le racisme, permettant aux associations de droits de l’homme et de la femme ainsi qu’aux individus d’ester [c’est à dire exercer une action] en justice civilement ou pénalement.
6 – Et s’il faut modifier la Constitution pour introduire des discriminations positives, nous y sommes favorables, comme l’est, nous en sommes persuadées, la majorité de nos concitoyens.
7 – Alors, sur ce sujet, pourquoi pas un référendum ? »

 

Tribune de Michèle BARZACH [ancienne ministre de la Santé et de la Famille], Frédérique BREDIN [ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports], Edith CRESSON [ancienne Première ministre], Hélène GISSEROT [procureure générale], Catherine LALUMIERE [ancienne secrétaire d’Etat], Véronique NEIERTZ [députée de la Seine-Saint-Denis], Monique PELLETIER [ancienne ministre déléguée à la Condition féminine], Yvette ROUDY [ancienne ministre des Droits de la femme], Catherine TASCA [ancienne ministre déléguée à la Communication], Simone VEIL [ancienne ministre de la Santé], publiée dans l’hebdomadaire L’Express du 6 juin 1996

Aurélien, un expatrié français à Sydney (Le Monde, 2012)

A 32 ans, Aurélien LABONNE a fui le chômage et la grisaille parisienne pour la « belle vie » à Sydney. Visa en poche, il a décroché un job bien payé dans une start-up. […]

 

« Avec plus de vingt années consécutives de croissance et un taux de chômage d’environ 5% […], l’Australie est à part. Au point que les immigrants s’y pressent pour goûter les fruits du boom économique : des Asiatiques venus de Corée du Sud ou de Chine, mais aussi beaucoup d’Européens, dont énormément d’Irlandais et de Britanniques. Quant aux Français, ils sont eux aussi de plus en plus nombreux à tenter leur chance . Au printemps, lors des élections présidentielles et législatives, il y avait ainsi huit bureaux de vote à travers le pays pour les Français expatriés, contre deux, dix ans auparavant. Après avoir décroché un master d’administration des entreprises en 2006 à Paris, (Aurélien LABONNE) s’engage dans un master en multimédia, au terme duquel il effectue un stage en entreprise. « Je savais qu’il n’y aurait pas d’offre d’emploi à la sortie de mon stage,c’est pourquoi j’ai décidé d’aller à l’étranger ». […]
Il n’a fallu qu’un mois et demi à Aurélien LABONNE pour se faire embaucher comme responsable du site Web d’une petite entreprise avec, à la clé, un visa sponsorisé, sésame pour pouvoir rester en Australie plus d’un an […]. Le jeune parisien a ensuite décidé de changer d’entreprise. Il travaille désormais dans une start-up, et ne regrette pas son choix : « je suis dans une jeune société, qui a démarré il y a tout juste huit mois. En France, je n’aurais pas osé, je me serais demandé si l’entreprise avait les reins solides » […]. Quant à son salaire, il a doublé entre Paris et Sydney. « Je gagnais 39 000 euros par an dans la banque où j’ai travaillé, alors qu’actuellement c’est 82 000 dollars [67 000 euros], ce qui reste un niveau de salaire moyen ».[…]
Avec son amie, une expatriée française qu’il a rencontrée à Sydney, Aurélien LABONNE a commencé à visiter des maisons à vendre pour investir dans l’immobilier. Le reste du temps, il profite de la vie à l’australienne, du soleil, de la plage, et d’un quotidien qu’il estime plus doux qu’en France. « Ici, c’est la belle vie. Le cadre est exceptionnel. Les gens sont gentils et beaucoup moins agressifs qu’à Paris, quant aux opportunités de travail, elles sont beaucoup plus nombreuses ». »

 

Marie-Morgane LE MOËL, « Les expatriés de la crise de l’euro », Le Monde, 26 juillet 2012

Londres, les métamorphoses d’une capitale (Le Monde, 2012)

« En 2012, Londres est à l’affiche partout, grâce au jubilé de diamant de la reine ELIZABETH II (du 3 au 5 juin) et à l’organisation des Jeux olympiques (du 27 juillet au 12 août). Dans ces circonstances, l’élection, le 3 mai, du maire de cette métropole de 7,8 millions d’habitants prend un relief particulier. […]
Quels sont les rapports de forces politiques dans la capitale ? Londres est traditionnellement une ville de gauche de par la forte présence d’une population de condition modeste qu’atteste un taux de chômage (9 %) supérieur à la moyenne nationale, surtout parmi les jeunes des quartiers déshérités. Ce bastion du Labour constitue une exception dans le sud-est prospère de l’Angleterre, contrôlé par les conservateurs. […] Aujourd’hui, la droite est favorisée par l’irrésistible poussée d’une nouvelle élite sociale qui envahit le West End (centre), rejetant les perdants aux confins, voire en dehors de la capitale à coups de spéculation immobilière. Le coût de la vie élevé, le manque de HLM et l’essor des services au détriment de la petite industrie renforcent cette tendance.
Quel rôle joue la City ? […] Fondée en 1067, elle constitue un contre-pouvoir de poids au maire. Avec un million d’emplois directs et indirects, la finance est l’un des plus gros employeurs de la capitale britannique. Ce secteur phare fait tourner toute une série d’industries (commerce de luxe, immobilier, bâtiment, etc.). Cette enclave d’un peu moins de 300 hectares, qui abrite la plus forte densité planétaire de banques, possède un vaste patrimoine, un large parc immobilier, plusieurs ponts sur la Tamise, le complexe culturel Barbican Centre, l’école de commerce Cass Business School et la colline boisée d’Hampstead. […] L’une des principales attributions du maire de Londres consiste à défendre la première place financière mondiale contre les projets de régulation du G20 et de Bruxelles ou contre la rivalité des centres concurrents, en particulier New York. […]
Quel est l’impact des Jeux olympiques sur la ville ? Il y a sept ans, à Singapour, Londres a obtenu les Jeux olympiques de 2012 grâce à son projet de rénovation de l’Est, en particulier autour de l’ancienne zone industrielle de Stratford. La majorité des 100 000 contrats d’embauche pour ces Jeux ont été attribués aux habitants des cinq boroughs concernés, parmi les plus pauvres du royaume.
L’organisation des JO a accentué le rééquilibrage du centre de gravité de la capitale de l’Ouest élégant vers l’Est crasseux. Cette image ancestrale est en train de changer. Dans les années 1980-1990, l’expansion de l’aéroport d’Heathrow et de l’autoroute du Sud-Ouest (M4), l’explosion des services financiers ainsi que l’excellence de la ligne de métro Central Line, qui relie les quartiers chics à la City, avaient favorisé l’Ouest. A la même époque, l’hémorragie de la classe moyenne de l’Est vers les faubourgs du Nord, l’installation d’immigrés du tiers-monde démunis et la disparition des industries traditionnelles avaient accentué le déclin d’un secteur associé aux ghettos, à la pauvreté, à la violence.

Cette division s’est atténuée. La rénovation des anciens docks, l’allongement de la ligne de métro Jubilee jusqu’à la nouvelle cité financière de Canary Wharf, la construction du futur réseau régional express (Crossrail) tout comme le nouveau terminal Eurostar de Saint Pancras illustrent l’essor nouveau de cette zone. L’éclosion des quartiers branchés de Shoreditch et de Dalston, ainsi que le succès du « Silicon Roundabout », consacré à la haute technologie et aux industries de demain, donnent le la de la diversité ethnique et de la mixité sociale.

Grâce aux JO, l’East End se construit, se rénove et se régénère. Et le projet de développement du corridor de la Tamise sur une cinquantaine de kilomètres, entre Londres et l’estuaire du fleuve, devrait créer une tête de pont vers l’Europe. »

 

Marc ROCHE, « Londres : les métamorphoses d’une capitale », Le Monde, 21 avril 2012

La démocratie indienne, un exemple de stabilité ?

« Le 15 août 1947 à minuit naissait une nation dans un sous-continent déchiré. L’Inde indépendante est née au milieu des flammes qui ravageaient le pays, alors que des trains chargés de cadavres passaient la frontière avec le Pakistan et que des réfugiés épuisés abandonnaient tout, dans l’espoir d’une vie nouvelle. On pourrait difficilement imaginer pire pour la naissance d’une nation. Pourtant, il y a 60 ans, l’Inde qui émergeait du naufrage de l’Empire britannique en Asie était la plus grande démocratie du monde. Après quelques années de croissance rapide, elle allait même devenir l’un des géants économiques du XXIe siècle. Un pays dont la survie même semblait incertaine à ses débuts s’est transformé, contre toute attente, en un exemple de construction démocratique. Aucun autre pays n’offre une telle mosaïque de groupes ethniques, une telle profusion de langues et de cultures différentes, ainsi que de paysages, de climats et de niveaux de développement économique […].

Au lieu d’écraser la diversité au nom de l’unité nationale, l’Inde a reconnu son pluralisme à travers ses institutions : toutes les religions, toutes les idéologies, tous les goûts et tous les groupes sont présents. Cela n’a pas toujours été facile. L’Inde était minée par les conflits de castes, les heurts entre groupes linguistiques différents au sujet de leurs droits, par les émeutes religieuses (essentiellement entre hindouistes et musulmans) et les menaces séparatistes. Malgré ces tensions, l’Inde est restée une véritable démocratie avec de nombreux partis politiques – sans doute corrompus et inefficaces – mais qui ont le mérite d’exister. Le fait que les pères fondateurs du pays, depuis Mahatma GANDHI, étaient des démocrates convaincus a servi. Le premier des ministres de l’Inde, celui qui a exercé ce poste le plus longtemps, Jawaharlal NEHRU, a passé sa carrière à instiller un mode de pensée démocratique : le refus de la dictature, le respect des procédures parlementaires et la foi dans le système constitutionnel. […]

La démocratie a permis à l’Inde de façonner un espace commun dans lequel chaque communauté a sa place. C’est ainsi qu’un pays que l’on croyait destiné à l’éclatement est resté uni. Son soixantième anniversaire mérite d’être célébré. »

 

Sashi THAROOR (ancien secrétaire général adjoint de l’ONU, député du parti du Congrès), « La démocratie indienne a 60 ans », Projet Syndicate, 16 août 2007

L’Ethiopie, nouvelle usine du monde ? (Le Monde, 2017)

« Peter WAN a le sourire jusqu’aux oreilles. Le quinquagénaire avance gaiement dans de grands hangars, où des dizaines d’ouvriers éthiopiens s’affairent près de machines à filer et à colorer du fil. « Nous en sommes au stade des essais de production », précise le consultant, en faisant visiter l’usine chinoise JP Textile, à l’entrée du parc industriel d’Hawassa, à 270 km au sud de la capitale éthiopienne, Addis-Abeba.

Bientôt, la main-d’œuvre transformera le fil « importé de Chine » en tissu, explique M. WAN. Puis le tissu prendra la forme de chemises made in Ethiopia, qui porteront les marques Calvin Klein ou Tommy Hilfiger, pour être exportées vers l’Europe et les États-Unis à l’attention d’une clientèle aisée. Mais s’il est officiellement opérationnel, ce parc, construit par les Chinois en neuf mois seulement, n’a pas encore commencé à exporter.

Ce projet de 220 millions d’euros est une nouvelle preuve de l’industrialisation accélérée de l’Éthiopie. La Chine, son premier partenaire commercial, est la locomotive de ce processus : construction, transports, télécommunications, Pékin investit tous azimuts dans ce grand pays de la Corne de l’Afrique, le deuxième le plus peuplé du continent, avec près de 100 millions d’habitants. La Chine a construit la nouvelle voie ferrée entre Addis-Abeba et Djibouti, qui entrera en service en octobre.

Privée d’accès à la mer depuis l’indépendance de son voisin érythréen, en 1993, l’Éthiopie a besoin de Djibouti, petit État où transitent 95 % de ses exportations. Pékin mise aussi sur ce débouché maritime incontournable, au carrefour entre l’Afrique de l’Est, l’Asie, l’Europe et la péninsule Arabique, dans le cadre de son projet des « nouvelles routes de la soie ». […]

Pays majoritairement agricole, l’Ethiopie a décidé de devenir le « hub » industriel de l’Afrique. […] Pour l’instant, le secteur manufacturier ne représente que 5 % du PIB. Il faut donc aller vite. […]

Le président de JP Textile sait de quoi il parle […] « L’Ethiopie a deux avantages », détaille-t-il. D’une part, une énergie abondante et à bas coût, issue des projets hydroélectriques du pays. D’autre part, la possibilité de jouir d’exempltions fiscales, notamment grâce à l’African Growth and Opportunity Act.

Non sans ironie, cette loi américaine permet à certains pays africains, dont l’Ethiopie, d’être dispensés de droits de douane sur un ensemble de marchandises exportées outre-Atlantique afin de favoriser leur développement économique. « Tout le monde sait que les Etats-Unis sont le plus gros importateur de textile à travers le monde », se réjouit M. WANG. […]

Autre atout de taille : une main d’oeuvre jeune, abondante et bon marché. « Le coût du travail est le plus bas au monde », s’enthousiasme M. WANG. Comme la Chine d’il y a trente ans. Mais aujourd’hui, chez le géant asiatique, le salaire moyen est désormais de plus de 700 euros, trop pour demeurer l’usine du monde. L’avenir de la Chine passe donc par l’Ethiopie, où n’existe pas de salaire minimum. Chez JP Textile, par exemple, la plupart des ouvriers sont rémunérés moins de 30 euros par mois. […]

Enfin, malgré des atouts alléchants, l’environnement des affaires est complexe en Éthiopie et les coûts de transport élevés. »

 

Emeline WUILBERCQ, « L’Ethiopie, nouvelle usine du monde », Le Monde, 11 août 2017

L’Afrique, destination de prédilection des investisseurs (tribune sino-éthiopienne, 2015)

« [L’Afrique] peut se targuer d’avoir attiré un montant record d’investissements directs étrangers (IDE), ces derniers représentant 60 milliards de dollars, soit cinq fois plus qu’en 2000. L’investissement direct étranger en provenance de Chine a par exemple augmenté de 3,5 milliards de dollars en 2013 et la plupart des pays africains en ont bénéficié. […]
« Pourquoi cet engouement ? La raison est simple : le monde entier a le regard tourné vers l’Afrique, son milliard d’habitants et sa classe moyenne émergente. Bonne nouvelle : les investisseurs s’intéressent à d’autres secteurs que celui des matières premières, les services financiers, la construction et l’industrie manufacturière représentant par exemple aujourd’hui 50% des IDE en provenance de la Chine. Et les industriels prennent conscience que l’Afrique a le potentiel de devenir « l’usine du monde ». […]
« En raison de la hausse des coûts de production en Asie, nombreux sont les fabricants à se tourner vers l’Éthiopie, le Kenya et le Rwanda. La Chine, la Turquie et l’Inde sont aujourd’hui les principaux employeurs du secteur manufacturier en Afrique. Mais le made in Ethiopia pourrait-il remplacer le made in China ? […] [Si] l’Afrique souhaite se positionner comme la nouvelle usine du monde, elle devra cependant s’en donner les moyens. […]
« L’Afrique a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée. Au cours des vingt prochaines années, les effectifs de la main-d’œuvre augmenteront plus en Afrique subsaharienne que dans l’ensemble du reste du monde. Comment peut-elle tirer parti de ce dividende démographique ? Cette nouvelle population en âge de travailler devra pouvoir accéder à des emplois bien rémunérés. Il faudra pour cela investir davantage dans l’éducation afin d’offrir aux jeunes une formation adaptée aux attentes du marché. […]
« L’Afrique a besoin d’infrastructures. Si l’Afrique est perçue comme la destination phare des investisseurs, elle devra cependant s’atteler à réduire son déficit en infrastructures : une tâche gigantesque ! […] L’Afrique subsaharienne pâtit de son manque d’intégration au commerce mondial, ses camions de marchandises n’avançant parfois pas plus vite qu’un attelage tiré par des chevaux, et ses grands ports étant constamment embouteillés. »

 

Tribune de Makhtar DIOP (vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique), YUAN Li (vice-président exécutif de la Banque chinoise de développement), LI Yong (directeur général, Organisation des Nations Unies pour le développement industriel) et

Ato Ahmed SHIDE (ministre des Finances et du Développement économique de la République fédérale d’Ethiopie) publiée dans le China Daily du 30 juin 2015 et reprise le même jour sur le site de la Banque mondiale

Maastricht, une « nouvelle étape » dans la construction européenne

« À Maastricht, aujourd’hui, s’accomplit une nouvelle étape pour l’Europe que nous bâtissons dans la solidarité. Le Traité qui va être signé constitue un pas décisif sur le chemin de l’union européenne, objectif ambitieux, d’un processus sans précédent dans l’Histoire de notre temps. D’aucuns diront que nous nous sommes arrêtés en-deçà de ce qui était souhaitable ; d’autres estimeront que nous sommes allés trop loin. Tout compte fait, je suis convaincu que le Traité qui recueille aujourd’hui notre adhésion correspond à un sage équilibre entre l’ambition et la prudence, l’idéalisme et le pragmatisme, la solidarité et la subsidiarité. C’est un résultat qui répond à la réalité d’aujourd’hui et se projette dans l’avenir. Ce n’est pas une étape finale ; c’est, bien plus, le début d’un nouveau cycle. […]
La chute des régimes communistes de l’Europe de l’Est, la désintégration de l’Union soviétique et la reconnaissance quasi-universelle de la primauté des valeurs démocratiques et de l’économie de marché ont profondément altéré les équilibres géostratégiques en fonction desquels le monde s’était organisé au cours de ces dernières décennies. Dans ce contexte, l’Europe communautaire est confrontée à des responsabilités croissantes qu’elle ne peut ni ne doit éluder. […]
La création d’une politique extérieure et de sécurité commune, dont les axes principaux devront déjà être définis au Sommet de juin à Lisbonne, et la formulation d’une politique de défense commune constituent des développements politiques de l’intégration européenne qui permettront à la Communauté d’assumer d’une façon cohérente et explicite la défense de ses intérêts fondamentaux et d’intervenir de manière croissante sur la scène internationale, d’une seule voix, et avec plus de force. Par ailleurs, les progrès de l’intégration économique et monétaire constituent le corollaire obligé des efforts de construction européenne en plus de trois décennies, et devraient apporter à la vie.de la Communauté un nouveau dynamisme.
L’élargissement des compétences communautaires constitue un facteur de mobilisation des Européens pour la construction de l’Union européenne. D’une part, c’est la dimension humaine de la construction européenne qui s’en trouve renforcée, par la création du concept de citoyenneté et par les actions et les initiatives engagées dans des domaines aussi divers que ceux de l’éducation, de la culture et de la santé. D’autre part, la capacité d’action commune, dans des secteurs fondamentaux de l’intégration économique tels que l’industrie et les réseaux transeuropéens, s’en trouve étendue.
L’édifice institutionnel a subi des adaptations importantes. La légitimité démocratique du processus de décision en est sortie consolidée, grâce à l’attention indispensable que l’on a vouée à l’efficacité du système. Le Parlement européen voit son pouvoir d’intervention dans le processus de décision renforcé, ce qui lui permettra une action politique plus visible, en tant qu’institution représentant les peuples d’Europe. La Cour des Comptes est élevée au rang d’institution. Il est créé un Comité des Régions. On constitue le rôle du Médiateur. L’architecture institutionnelle se consolide en harmonie avec les exigences croissantes du processus d’intégration.
Il est naturel que la vitalité grandissante du projet communautaire ait suscité dans d’autres pays d’Europe le désir de s’y associer. Les candidatures à de nouvelles adhésions sont, finalement, la preuve manifeste de la réussite sans équivoque de la Communauté européenne.
La création du grand Espace économique européen et les accords, déjà conclus ou en cours de négociation, avec les pays d’Europe centrale et orientale montrent déjà que la Communauté n’est pas une réalité fermée sur elle-même, mais qu’elle a au contraire pleinement conscience de partager avec les autres peuples européens une destinée commune. »

 

Discours d’Aníbal CAVACO SILVA (Premier ministre du Portugal et président en exercice du Conseil des ministres des Communautés européennes) à l’occasion de la signature du traité sur l’Union européenne, Maastricht, 7 février 1992 (discours en intégralité)

Les mutations de la Chine dans les années 1980 analysées par deux journalistes français

« Aujourd’hui la Chine, après être passée de l’alliance de droit avec l’URSS contre les États-Unis à une alliance de fait avec les États-Unis contre l’URSS, a détendu ses relations avec celle-ci, sans compromettre vraiment celles qu’elle entretient avec l’Amérique. […]
D’une manière générale, la Chine donne de toute évidence la priorité à son renforcement interne et ne se pose plus, comme pendant les années 60, en Mecque du véritable communisme et en inspiratrice de nombreux mouvements révolutionnaires du tiers monde. Cette attitude n’est pas incompatible, bien au contraire, avec une certaine ouverture, notamment commerciale, indispensable en
tout état de cause à la modernisation économique et sociale du pays. […]
Régnant sur l’État le plus peuplé du globe, et de beaucoup, les successeurs des Ming et de MAO se doivent certes, d’abord, d’assumer la cohésion interne de leur pays. L’ouverture ne peut être, dans ces conditions, que lente. Mais il suffirait qu’elle s’amorce pour de bon pour avoir une portée considérable.
C’est dans ce contexte que l’accélération des échanges, après la mort de MAO Zedong, en 1976, doit retenir l’attention. Même si la part de la Chine dans le commerce mondial demeure infime, le fait est qu’elle a progressé de 20% par an entre 1978 et 1981. »

 

André FONTAINE et Pierre LI, Sortir de l’hexagonie, Paris, 1984

Les transformations de la puissance américaine dans l’après-guerre froide (1991)

« Les Américains ont élu George BUSH pour qu’il ne change rien à rien. Ils voulaient un leader prudent, fidèle au statu quo qui empêche les États-Unis de continuer à perdre de leur influence dans le monde. Quand il a commencé son mandat, on ne parlait que du « déclin » de l’Amérique sous un président « mollasson » qui rechercherait le compromis dans le moindre conflit. L’histoire en a décidé autrement.
L’effondrement de l’Union soviétique a fait des États-Unis la seule superpuissance mondiale. Saddam HUSSEIN a commis l’erreur de choisir le moment où Washington était libéré du risque de confrontation nucléaire avec Moscou pour envahir et annexer le Koweït, puis pour défier George BUSH. A l’heure où j’écris, les soldats irakiens au Koweït paient cher ce mauvais calcul, BUSH, ce guerrier imprévu, cet habile diplomate, s’est fixé un objectif encore plus ambitieux que de mener une coalition de 28 nations vers la libération de l’émirat. Il a promis à ses compatriotes et à ses partenaires que la victoire serait le premier pas, fondamental, vers l’instauration d’un « nouvel ordre mondial ». […]
Le débat sur l’éventualité de la guerre dans le Golfe a révélé que la blessure du Vietnam, quinze ans après la chute de Saigon, était toujours très profonde. Les peurs, la culpabilité et l’antimilitarisme que le Vietnam a imprimés à la société américaine ont même amené certains à se demander avec sérieux – parfois avec angoisse – si la seule superpuissance du monde et ses principaux alliés, combattant ensemble avec le soutien de l’ONU, pouvaient l’emporter sur un pays arabe de… 8 millions d’habitants. Les batteries de missiles antimissiles Patriot, les bombes à guidage laser et les missiles de croisière lancés des navires ont rappelé au monde (et aux Américains) que la technologie des États-Unis était bel et bien encore là. Les Américains jubilaient devant la « précision chirurgicale » de leur missile de croisière […].
Si les Américains ont soutenu la guerre de BUSH contre Saddam, ce n’est pas parce qu’ils tenaient à fonder un nouvel ordre mondial dans lequel ils monteraient la garde partout, contre tous les dictateurs qui feraient subir des horreurs à de pauvres innocents. S’ils l’ont soutenue, c’est justement pour le contraire. Pour adresser un message à ceux qui seraient tentés d’imiter le raïs [titre donné à certains chefs politiques dans le monde arabe] de Bagdad et les dissuader d’envahir leurs voisins.
En comparant Saddam à HITLER, BUSH a voulu dire que le leader irakien représentait une forme de mal exceptionnellement virulente et agressive, qu’il fallait contenir à l’intérieur de ses frontières nationales ou détruire. La grande leçon de l’opération Tempête du désert – et c’est le sens du futur nouvel ordre mondial – c’est que les membres de la communauté internationale, dorénavant, agiront contre des dirigeants si violents plus vite qu’ils ne l’ont fait jusqu’ici, et de concert. Cela signifie également que l’on doit parvenir à des arrangements de sécurité collective à l’échelle du monde, et non plus à celle des blocs, et à une redéfinition du contrôle des armements qui limite strictement les transferts de technologies dangereuses au Tiers-monde. […] »

 

Article du journaliste américain Jim HOAGLAND du 28 février 1991 cité dans « Les Etats-Unis : la puissance et le doute », Les Cahiers de l’Express, juillet 1992.
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