TEXTES » XXIe siècle »

Les défis de l’UE selon le président du Conseil européen (2009)

Certains passages de ce discours ont été prononcés en français [FR], d’autres en anglais [EN], d’autres encore en néerlandais.

 

« [FR] Nous vivons une période exceptionnellement difficile : la crise financière et les effets dramatiques sur l’emploi et les budgets, la crise climatique qui menace notre survie. Une période d’angoisse et d’incertitude et de manque de confiance. Et pourtant les problèmes sont surmontables avec un effort conjoint dans nos pays et entre les pays. […]

[FR] Si je veillerai à ce que toutes nos délibérations se concluent sans vaincus, il faut pour cela que les institutions fonctionnent de façon optimale. Après le trajet douloureux du Traité de Lisbonne, je pense que nous disposerons, dès le 1er décembre, d’un nouveau cadre institutionnel et de nouvelles règles pour longtemps et même pour très longtemps. Le débat institutionnel est clos pour une longue période. Je souhaite faire fonctionner ce cadre et ces règles librement choisies par tous nos gouvernements. Je le ferai en concertation permanente avec le Président de la Commission et du Parlement européen dans un souci constant d’équilibre entre les institutions. […]

[EN] Le Traité a chargé le Président permanent du Conseil Européen d’une responsabilité particulière. En matière de politique étrangère, il représentera l’Union à son niveau et en sa qualité. Je serai donc présent aux réunions des Sommets avec nos partenaires dans le monde, et je présenterai les positions que le Conseil aura approuvées. Ainsi notre position dans le monde, notre sécurité et notre prospérité pourront bénéficier d’une présence institutionnelle plus forte. Je compte aussi sur le Président de la Commission pour assumer un rôle analogue dans les domaines autres que la Politique étrangère et de sécurité commune.

[EN] L’Union Européenne est un acteur économique de poids, représente un demi milliard d’hommes et de femmes et est porteur d’un projet de société où solidarité et créativité sont essentielles. L’Europe est une Union de valeurs. C’est pourquoi nous avons la responsabilité de jouer un rôle important dans le monde. Ce monde n’a d’avenir sans un grand nombre de nos valeurs. D’ailleurs, j’espère que notre Union s’élargira encore les prochains 2 ans et demi à des pays qui bien sûr remplissent les conditions.

 

Discours d’Herman VAN ROMPUY (alors Premier ministre de Belgique) prononcé le 19 novembre 2009 suite à l’annonce de sa nomination en tant que premier président à temps plein du Conseil européen (pour une période de deux ans et demi) (texte complet)

La Chine sur la voie de la puissance économique et de la démocratie selon HU Jintao (2004)

Il y a 25 ans, sous la conduite de Monsieur DENG Xiaoping, la Chine a lancé une nouvelle politique de réforme et d’ouverture sur l’extérieur pour explorer une nouvelle voie du développement socialiste, en axant toutes ses activités sur sa modernisation. Après 25 ans d’efforts inlassables, de 1979 à 2003, les forces productives de la société chinoise et la puissance globale de la Chine n’ont cessé de se développer pour atteindre de nouveaux paliers : le système d’économie de marché socialiste a été institué pour l’essentiel ; une économie ouverte sur l’extérieur a été mise en place ; tous les secteurs d’activité ont connu un développement général et la population chinoise, dans son ensemble, a accès à une vie d’aisance moyenne. En 25 ans, le PIB est passé de 147,3 milliards de dollars [américains] à plus de 1 400 milliards de dollars ; […] les investissements étrangers qui étaient nuls, ont atteint 679,6 milliards ; […] et la Chine occupe aujourd’hui la première place pour la production de charbon brut, d’acier, de ciment, de téléviseurs-couleurs et de téléphones portables. […]
La réforme du système économique s’accompagne de celle sur le plan politique. La démocratie socialiste constitue un objectif que nous poursuivons constamment. Nous avons dit clairement que sans la démocratie, il n’y aurait pas de socialisme, ni de modernisation socialiste. Nous avons donc déployé de grands efforts pour promouvoir la réforme des structures politiques. […] Le peuple chinois a vu ses droits civils et politiques ainsi que ses libertés fondamentales sauvegardées et protégées en vertu de la loi. […]
La réforme et l’ouverture sur l’extérieur ont enregistré des succès indéniables. Mais avec ses 1,3 milliards d’habitants et une base économique faible, la Chine demeure un pays aux forces productives sous-développées, confrontée aux inégalités de développement entre régions. Classée 6e pour son PIB, la Chine n’est pas dans les cent premiers pays pour son PIB par habitant qui dépasse à peine 1 000 USD. Elle a encore un long chemin à parcourir avant de réaliser sa modernisation et d’assurer à tous les Chinois une vie aisée. »

 

Discours du Président de la République Populaire de Chine HU Jintao devant l’Assemblée nationale française à Paris, 27 janvier 2004

Nicolas SARKOZY critique la repentance (2007)

« Je déteste cette mode de la repentance qui exprime la détestation de la France et de son histoire. Je déteste la repentance qui veut nous interdire d’être fiers de notre pays. Je déteste la repentance qui est la porte ouverte à la concurrence des mémoires. Je déteste la repentance qui dresse les Français les uns contre les autres en fonction de leurs origines. Je déteste la repentance qui est un obstacle à l’intégration parce que l’on a rarement envie de s’intégrer à ce que l’on a appris à détester, alors que l’on devrait le respecter et l’aimer. Voilà ma vérité.

Je suis de ceux qui pensent que la France n’a pas à rougir de son histoire. Je voudrais rappeler à tous ses détracteurs que la France n’a pas commis de génocide. Elle n’a pas inventé la solution finale. La France a inventé les droits de l’homme et est le pays au monde qui s’est le plus battu pour la liberté du monde. Voilà ce qu’est l’histoire de la France ! […] Durant la guerre tous les Français n’ont pas été pétainistes, il y a eu les héros de la France libre et de la Résistance. Si certains Français ont dénoncé des juifs à la Gestapo, d’autres, plus nombreux, les ont aidés au péril de leur vie, des mères ont caché des enfants juifs parmi leurs propres enfants. »

 

Nicolas SARKOZY, discours prononcé à Lyon dans le cadre de la campagne présidentielle de 2007, 5 avril 2007.

Discours de B. OBAMA justifiant le rapprochement avec Cuba (mars 2016)

« Comme tant de gens dans nos deux pays, au cours de ma vie, je n’ai connu que cette période d’isolement entre nous. La Révolution cubaine a eu lieu l’année où mon père est venu aux États-Unis en provenance du Kenya. L’invasion de la « baie des Cochons » a eu lieu l’année où je suis né. Et l’année suivante, en regardant nos deux pays, le monde entier retenait son souffle : l’humanité s’est approchée plus près que jamais de l’horreur de la guerre nucléaire. Au fil des décennies suivantes, nos gouvernements se sont installés dans une confrontation sans fin, à travers des conflits par tiers interposés. Dans un monde qui se transformait à maintes reprises, une chose demeurait constante, le conflit entre les États-Unis et Cuba. Je suis venu ici pour enterrer le dernier vestige de la Guerre froide dans les Amériques. Je suis venu ici pour tendre la main de l’amitié au peuple cubain.

Je veux être clair. Les différences entre nos gouvernements au cours de ces nombreuses années sont réelles et sont importantes. […] Cuba a un système de parti unique ; les Etats-Unis sont une démocratie multipartite. Cuba a un modèle économique socialiste ; les Etats-Unis pratiquent l’économie de marché. Cuba a mis l’accent sur le rôle et les pouvoirs de l’État ; les Etats-Unis sont fondés sur les droits de l’individu.

Malgré ces différences, le 17 Décembre 2014, le président CASTRO et moi avons annoncé que les Etats-Unis et Cuba devraient entamer un processus de normalisation des relations entre nos pays. […] Pourquoi maintenant ? La réponse est simple : ce que faisaient les États-Unis ne fonctionnait pas. Nous devons avoir le courage de reconnaître la vérité. Une politique d’isolement conçu à l’époque de la Guerre froide n’a guère de sens au XXIe siècle. L’embargo n’a fait du tort qu’au peuple cubain au lieu de l’aider. […] En tant que président des États-Unis, j’ai demandé à notre Congrès de lever l’embargo. C’est un fardeau obsolète pour le peuple cubain. C’est un fardeau pour les Américains qui veulent travailler et faire des affaires ou investir ici à Cuba. Il est temps de lever l’embargo. […]
L’histoire des États-Unis et de Cuba a connu la révolution et le conflit ; la lutte et le sacrifice ; la rétribution et, maintenant, la réconciliation. Il est temps, maintenant, pour nous de laisser derrière le passé. »

 

Discours du président des Etats-Unis Barack OBAMA à La Havane (Cuba) le 22 mars 2016 (discours en intégralité)

La démocratie indienne, un exemple de stabilité ?

« Le 15 août 1947 à minuit naissait une nation dans un sous-continent déchiré. L’Inde indépendante est née au milieu des flammes qui ravageaient le pays, alors que des trains chargés de cadavres passaient la frontière avec le Pakistan et que des réfugiés épuisés abandonnaient tout, dans l’espoir d’une vie nouvelle. On pourrait difficilement imaginer pire pour la naissance d’une nation. Pourtant, il y a 60 ans, l’Inde qui émergeait du naufrage de l’Empire britannique en Asie était la plus grande démocratie du monde. Après quelques années de croissance rapide, elle allait même devenir l’un des géants économiques du XXIe siècle. Un pays dont la survie même semblait incertaine à ses débuts s’est transformé, contre toute attente, en un exemple de construction démocratique. Aucun autre pays n’offre une telle mosaïque de groupes ethniques, une telle profusion de langues et de cultures différentes, ainsi que de paysages, de climats et de niveaux de développement économique […].

Au lieu d’écraser la diversité au nom de l’unité nationale, l’Inde a reconnu son pluralisme à travers ses institutions : toutes les religions, toutes les idéologies, tous les goûts et tous les groupes sont présents. Cela n’a pas toujours été facile. L’Inde était minée par les conflits de castes, les heurts entre groupes linguistiques différents au sujet de leurs droits, par les émeutes religieuses (essentiellement entre hindouistes et musulmans) et les menaces séparatistes. Malgré ces tensions, l’Inde est restée une véritable démocratie avec de nombreux partis politiques – sans doute corrompus et inefficaces – mais qui ont le mérite d’exister. Le fait que les pères fondateurs du pays, depuis Mahatma GANDHI, étaient des démocrates convaincus a servi. Le premier des ministres de l’Inde, celui qui a exercé ce poste le plus longtemps, Jawaharlal NEHRU, a passé sa carrière à instiller un mode de pensée démocratique : le refus de la dictature, le respect des procédures parlementaires et la foi dans le système constitutionnel. […]

La démocratie a permis à l’Inde de façonner un espace commun dans lequel chaque communauté a sa place. C’est ainsi qu’un pays que l’on croyait destiné à l’éclatement est resté uni. Son soixantième anniversaire mérite d’être célébré. »

 

Sashi THAROOR (ancien secrétaire général adjoint de l’ONU, député du parti du Congrès), « La démocratie indienne a 60 ans », Projet Syndicate, 16 août 2007

Les grandes sources de tension au Moyen-Orient selon B. OBAMA (2009)

« Dans un passé relativement récent, les tensions ont été nourries par le colonialisme qui a privé beaucoup de musulmans de droits et de chances de réussir, ainsi que par une guerre froide qui s’est trop souvent déroulée par acteurs interposés, dans des pays à majorité musulmane et au mépris de leurs propres aspirations. En outre, les mutations de grande envergure qui sont nées de la modernité et de la mondialisation ont poussé beaucoup de musulmans à voir dans l’Occident un élément hostile aux traditions de l’islam. […]
Permettez-moi de m’exprimer aussi clairement et aussi simplement que possible sur certaines questions précises auxquelles nous devons maintenant faire face ensemble.
La première est celle de l’extrémisme violent sous toutes ses formes. À Ankara, j’ai fait clairement savoir que l’Amérique n’est pas – et ne sera jamais – en guerre contre l’islam. (Applaudissements) […] Voilà maintenant plus de sept ans, forts d’un large appui de la communauté internationale, les Etats-Unis ont donné la chasse à Al Qaïda et aux talibans. Nous avons agi de la sorte non par choix, mais par nécessité. […]
Je voudrais aussi aborder le dossier de l’Irak. Contrairement à la guerre en Afghanistan, la guerre en Irak est le résultat d’un choix, lequel a provoqué des désaccords marqués dans mon pays et à travers le monde. Tout en étant convaincu que le peuple irakien a gagné au bout du compte à être libéré de la tyrannie de Saddam Hussein, je crois aussi que les événements en Irak ont rappelé à l’Amérique la nécessité de recourir à la diplomatie et de construire un consensus international pour résoudre ses problèmes à chaque fois que c’est possible. […]
La deuxième grande source de tension que nous devons aborder concerne la situation entre les Israéliens, les Palestiniens et le monde arabe. […] Depuis des dizaines d’années, une impasse persiste : deux peuples aux aspirations légitimes, chacun marqué par un passé douloureux qui rend un compromis insaisissable. Il est aisé de pointer un doigt accusateur : les Palestiniens peuvent attirer l’attention sur la dislocation consécutive à la fondation d’Israël, et les Israéliens peuvent dénoncer l’hostilité et les attaques dont le pays a de tout temps fait l’objet à l’intérieur même de ses frontières et par-delà. Mais si nous examinons ce conflit à travers le prisme de l’une ou l’autre partie, nos œillères nous cacheront la vérité : la seule solution consiste à répondre aux aspirations des uns et des autres en créant deux Etats, où Israéliens et Palestiniens vivront chacun dans la paix et la sécurité. […]
La troisième source de tension est nos intérêts en commun à l’égard des droits et des responsabilités des Etats concernant les armes nucléaires. Cette question a constitué une source de tension entre les Etats-Unis et la République islamique d’Iran. Pendant de nombreuses années, l’Iran s’est défini en partie par son opposition à mon pays et il existe en effet un passé tumultueux entre nos deux pays. […] Chaque pays, y compris l’Iran, devrait avoir le droit d’avoir accès à l’énergie nucléaire pacifique s’il respecte ses engagements dans le cadre du Traité de non-prolifération nucléaire. »

 

Discours du président américain Barack OBAMA au Caire (Egypte) le 4 juin 2009 (discours en intégralité)

François HOLLANDE donne une image partiale de la Chine (2014)

Aujourd’hui, c’est la Chine et la France qui se retrouvent une fois encore. Les liens qui unissent nos deux pays s’inscrivent loin dans notre histoire. […] Et dans ce long récit, un acte plus important que tout autre a été posé le 27 janvier 1964. […] Là, le général DE GAULLE avait raccourci pour mieux forcer sa pensée et il avait ainsi écrit : « Le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République populaire de Chine ont décidé, d’un commun accord, d’établir des relations diplomatiques ». […]

50  ans  plus  tard,  nous  pouvons  aussi  mesurer  le  chemin  parcouru.  La  Chine,  sous l’impulsion de DENG Xiaoping, a pris la voie de la réforme et de l’ouverture. Elle est devenue  en  30 ans  la  deuxième  puissance  économique  du  monde,  un  grand  pays scientifique avec plus d’un tiers des ingénieurs formés chaque année dans le monde. […] La Chine, c’est également la troisième nation à avoir conquis la Lune. La Chine, elle est portée par la dynamique d’abord de son émergence, ensuite de son influence. Et elle poursuit un développement à un rythme très rapide. […]

Alors, la France, elle veut encore renforcer sa relation avec la Chine. […] Aujourd’hui, 1 500 000 Chinois visitent la France chaque année […]. Nous avons aussi une chance qui est de partager une communauté chinoise ici, en France, et je la salue. Plus de 600 000 personnes qui sont particulièrement dynamiques et qui vous ont réservé un très bon accueil. Et puis il y a ces Français qui se sont installés en Chine soit pour y faire leurs études – de plus en plus nombreux –, soit pour y créer une activité, y investir, y commercer et qui sont nos meilleurs vecteurs pour prolonger, promouvoir nos relations et notre amitié.

Alors,  50  ans  après  cette  décision  historique,  qu’est-ce  que  nous  avons  à  faire ensemble ? Quels défis nous pouvons relever ? Le premier, c’est la paix. C’était d’ailleurs ce que voulait le général  DE GAULLE,  ce  que voulait aussi le président MAO Zedong à ce moment-là où la Guerre froide avait saisi le monde  […].  Nous  sommes  attachées,  la  Chine  et  la  France,  à  l’indépendance,  à  la souveraineté.   Nous   avons   aussi,   vis-à-vis   des   organisations   internationales,   à commencer  par  l’ONU,  le  plus  grand  respect  parce  que  nous  sommes  membres permanents  du  Conseil  de  sécurité  et  que  nous  ne  nous  opposons  pas  aux  résolutions quand  elles  permettent  de  trouver  une  issue  à  des  conflits  qui,  depuis  trop  longtemps, bouleversent les équilibres du monde […]. La  Chine  et  la  France  regardent  au-delà de leurs propres continents et c’est pourquoi nous sommes solidaires de l’Afrique. La Chine y investit depuis longtemps, y travaille, y construit […]. Le second défi, c’est la croissance. J’allais dire, le vôtre, c’est de la maîtriser parce que vous êtes sur des rythmes considérables de progression de l’activité : 7 %  par  an,  ce sont les mauvaises années ; 10 % par an, ce sont les moyennes. […] Je  rappelle  ici  que  d’ici  2020,  plus  de  200  villes  chinoises  dépasseront  le  million d’habitants. Et là, il y a des besoins considérables que nos entreprises ici présentes peuvent satisfaire. […] Il  y  a  17  ans,  la  Chine  représentait  3 % de l’économie mondiale, aujourd’hui elle en représente 12 %. Il y a 17 ans, l’euro n’existait pas, aujourd’hui c’est la monnaie unique de 18 pays européens et la première devise en circulation dans le monde. »

 

Extraits  du  discours prononcé  par  le  président  de  la  République François HOLLANDE à l’occasion de la visite d’État  du  président  chinois  XI Jinping, le 27 mars 2014

« Nous pâtissons d’un déficit de gouvernance mondiale » (Pascal LAMY, 2013)

« La mondialisation est indéniablement la grande transformation à l’œuvre dans le monde actuel. Paul VALERY l’avait pressenti quand il écrivait, au début du XXe siècle : « Le temps du monde fini commence ». […] Nous n’avons jamais, au cours des dernières décennies, assisté à des changements si radicaux et, peut-être plus important, si rapides. Il en résulte un niveau d’interconnexion et d’interdépendance dont nombre d’implications nous sont encore inconnues. […]
Cependant, la mondialisation, comme Janus, a deux faces : une souriante et une grimaçante, celle de RICARDO et celle de SCHUMPETER. RICARDO a expliqué pourquoi les échanges internationaux, source d’efficacité donc de croissance, faisaient « monter le niveau » et reculer la pauvreté. SCHUMPETER démontrait, lui, pourquoi les chocs de concurrence et les vagues d’innovation malmenaient les systèmes économiques et sociaux et amplifiaient les inégalités entre ceux qui en tiraient parti et les autres. […]
Il n’en demeure pas moins que les faits et les chiffres indiquent que la mondialisation s’est traduite à la fois par un recul immense de la pauvreté et un creusement marqué des inégalités. La volatilité est plus forte, la contagion plus fréquente et la nature est endommagée. Or, ces questions ne sont plus locales mais mondiales, comme l’a montré la crise financière, puis économique et sociale apparue ici, aux États-Unis, en 2007 avant de se propager à de nombreuses régions du monde. La réduction des émissions de carbone et la lutte contre l’épuisement des ressources halieutiques, la volatilité des monnaies, le protectionnisme, la cybercriminalité, l’évasion fiscale ou les migrations contraintes ne sont pas d’abord des affaires locales. Elles ne peuvent pas être conduites dans le seul cadre national ; une forme de gouvernance mondiale s’impose. […]
Disposons-nous d’un système de gouvernance mondial adéquat pour résoudre ces problèmes ? À mon sens, non. Un coup d’œil aux récentes publications sur le sujet, dont Gridlock de David HELD, Divided Nations de Ian GOLDIN, The Great Convergence de Kishore MAHBUBANI ou Le grand basculement de Jean-Michel SEVERINO, conduit à une conclusion préoccupante : nous souffrons d’un déficit de gouvernance globale.
Ce n’est pas faute d’avoir un système international. Nous en avons bien un mais son édification, très difficile, a sérieusement ralenti depuis une dizaine d’années. En raison d’obstacles structurels intrinsèques, la construction d’un système international de gouvernance n’est pas et n’a jamais été facile, surtout par rapport à d’autres systèmes de gouvernance, qu’il s’agisse de gouvernance politique dans le cas des pays, de gouvernance d’entreprise ou de gouvernance associative dans la société civile. Ces systèmes sont en mesure de produire ce que nous attendons d’eux : autorité, légitimité, efficacité et cohérence. […]
Le système actuel reste plus international que mondial, ce qui implique qu’il appartient toujours aux États de décider de prendre ou non des engagements contraignants. C’est un phénomène surprenant à l’heure où certaines organisations, entreprises multinationales ou ONG mondiales, sont plus puissantes et influentes que nombre des deux cents États-nations du monde. Elles ont surfé sur la vague de la mondialisation pour devenir des acteurs mondiaux et se faire reconnaître comme tels. […]
Le déficit actuel de gouvernance mondiale est donc à la fois permanent et provisoire. Permanent car, en-deçà d’un niveau critique de citoyenneté mondiale, l’imitation ou la transposition d’une gouvernance nationale au niveau planétaire n’est qu’un rêve lointain. Provisoire, ou transitoire, car le processus de rééquilibrage géopolitique, conséquence du rééquilibrage géoéconomique né de la mondialisation, est encore en cours, et ce pour un certain temps. »

 

Extraits de l’intervention de Pascal LAMY, ancien président de l’OMC, lors de la dixième conférence Raymond ARON organisée par le Center on the United States and Europe à la Brookings Institution de Washington, le 28 octobre 2013 (intervention en intégralité)

Une gouvernance globale sans gouvernement global (STIGLITZ, 2006)

« C’est […] un lieu commun d’observer que la mondialisation se développe et qu’il en résulte une intégration plus grande des pays du monde qui, du coup, se rapprochent les uns des autres. Ce rapprochement [est] rendu possible par l’abaissement des coûts de transport [et] de communication. […]
Le problème est que cette action collective exige des mécanismes de prise de décision, que nous pouvons nommer « gouvernance », pour exister. Mais le système international qui s’est développé depuis des décennies […] est un système de gouvernance globale sans gouvernement global. […] Il existe cependant un réseau complexe d’arrangements internationaux, qui, pris ensemble, forment la gouvernance mondiale. Ce réseau comprend de nombreux traités internationaux (par exemple ceux de Montréal et de Kyoto) et un ensemble de lois internationales […]. Qui plus est, de nombreuses décisions touchant à l’économie mondiale sont prises dans le cadre des institutions internationales des Nations Unies, notamment le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le problème vient de ce que, faute d’un véritable gouvernement mondial, ces institutions sont gravement défaillantes. Pour commencer, les institutions internationales sont non-démocratiques. […] Au FMI, dont les décisions affectent des millions de personnes de par le monde, un seul pays possède le droit de veto : les Etats-Unis. Les droits de vote sont déterminés par l’étendue du pouvoir économique, telle que fixée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à quelques ajustements près faits depuis. Ceci explique pourquoi les pays qui font aujourd’hui, et plus encore demain, la croissance mondiale, y sont sous-représentés. »

 

Joseph STIGLITZ (économiste américain, proche des idées de KEYNES, prix Nobel d’économie en 2001 ; économiste en chef de la Banque mondiale jusqu’en 2000, il se montre critique vis-à-vis du FMI et de la Banque mondiale), « Biens publics et finance globale : la gouvernance mondiale est-elle au service de l’intérêt général ? » in Promouvoir les biens publics, Paris, 2006.

La construction européenne et l’élargissement résumés par un commissaire européen (2011)

« Après être passée de six membres dans les années 1950 à 27 membres depuis 2007, l’Union européenne (UE) compte maintenant plus de 500 millions d’habitants. S’étendant de l’Atlantique à la mer Noire, elle réunit désormais les régions occidentales et orientales de l’Europe.
La Communauté économique européenne avait été créée pour favoriser la paix et la stabilité du continent, et l’objectif de l’UE conserve aujourd’hui toute la pertinence qu’il avait alors. De nouveaux membres se sont joints à l’aventure et l’UE est devenue plus prospère, plus forte et plus influente.
La politique d’élargissement de l’UE fait de l’Europe un espace plus sûr, l’accent étant mis sur la consolidation de l’État de droit, tout en favorisant la démocratie et les libertés fondamentales dans tous les pays candidats, qui sont nos voisins immédiats. L’élargissement nous permet de promouvoir nos valeurs, de défendre nos intérêts et de jouer notre rôle d’acteur mondial.
Nous défendons les valeurs qui unissent l’Europe au-delà de nos frontières, sur une scène internationale marquée par les changements et les incertitudes. Une Union qui développe la coopération entre d’anciens rivaux tout en faisant respecter les normes les plus strictes en matière de droits de l’homme maintient l’influence nécessaire pour façonner le monde qui l’entoure. »

 

Stefan FÜLE, commissaire européen chargé de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage (2010-2014), extrait de la préface de la brochure éditée par la Commission européenne, Comprendre l’élargissement. La politique d’élargissement de l’Union européenne, 2011.
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