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Puissance et difficultés de la City (L. CARROUE, 2015)

« La place financière de Londres […] devient la première place financière mondiale à la fin du XIXe siècle  en  lien  systémique  avec  un  Empire  victorien « sur  lequel  le  soleil  ne  se  couche  jamais ». […] Ses principaux atouts sont l’usage généralisé de l’anglais dans les métiers de la finance, sa localisation  géographique  qui  permet  d’articuler  grâce  au  jeu  des  fuseaux  horaires  les  marchés asiatiques  et  américains,  des  réglementations très  souples  et  une  fiscalité  très  avantageuse,  la concentration  du  personnel  hautement  qualifié  que  s’arrachent  les  entreprises  (hauts  salaires  et primes nombreuses, intéressement aux résultats…). […]

Entre  2008  et 2010,  le  système bancaire et financier a  été  très  sévèrement  touché notamment par la quasi-faillite, la vente ou la nationalisation de beaucoup des grandes banques britanniques. […]  Dans  l’espace  central  de  la  métropole  londonienne, la  City  est  hégémonique  politiquement, économiquement,  culturellement  et  socialement.  Elle  participe  en  particulier  activement  au remodelage  des  fonctions  métropolitaines  centrales avec  les  loyers  les  plus  chers  d’Europe Occidentale  et  un marché de  l’immobilier  d’entreprises  étroitement dépendant  du dynamisme  du secteur  financier  et  bancaire.  Entre  1998  et  2011, la  valeur  ajoutée  dégagée  par  la  finance  est multipliée  par  deux  pour  représenter  aujourd’hui  20 %  de  l’économie  londonienne. Avec  plus  de 500   institutions   financières   anglaises   et   surtout   étrangères   (banques   d’affaires,   banques d’investissement, assurances…), la City concentre l’essentiel de l’économie financière britannique tournée vers les marchés mondiaux. […]

Après  avoir  augmenté  de  41  %  entre  1987  et  2007  dans  une  City  alors  en plein  essor,  les emplois  dans  les  services  financiers  directs  (banques,  assurances,  fonds)  reculent  du  fait  de  la crise pour représenter aujourd’hui 238 000 salariés, alors que les énormes bonus aux traders sont tombés de 11,4 à 1,6 milliards de livres entre 2007 et 2013. Mais la force de la place financière londonienne réside tout autant dans la force des emplois induits qui représentent 465 000 postes, soit 704 000 emplois directs au total. […]

Face  à  sa  spécialisation  dans  les  fonctions  financières  internationales,  l’espace  de  la  City compte moins  de  10  000  habitants  permanents  et  se  vide  très  largement  les  nuits  ou  les  week-ends de ses actifs, donnant ainsi d’ailleurs son nom au phénomène bien connu de « city » dans les  quartiers  d’affaires  des  grandes  métropoles.  Les  salariés  de  la  City  habitent  donc  dans d’autres quartiers et utilisent massivement les réseaux de transport en commun, largement sous-calibrés  et  saturés  aux  heures  de  pointe,  pour  y  accéder.  Dans  ces  conditions,  la  City  participe aux   profondes   ségrégations   spatiales   et   fonctionnelles   organisant   la   zone   centrale   de l’agglomération. »

 

Laurent CARROUE, La  planète  financière.  Capital,  pouvoirs,  espace  et territoires,  Paris, Armand Colin, 2015, p. 183-191

La politique du skyline à Londres (2011)

« Depuis  l’approbation  du permis de  construire  de  la  Heron  Tower  en 2001, plus d’une dizaine de tours ont été construites et près d’une cinquantaine sont en

La Tour Shard (photographie 2015)

passe de transformer  radicalement  le skyline de  la  ville,  modifiant  sa  ligne  d’horizon  chargée d’histoire et de symboles. Ces nouvelles tours sont de puissants leviers de spéculation et de  communication  pour  les  promoteurs,  les  investisseurs  et  les  architectes.  Soutenues plus  ou  moins  explicitement  par  les  équipes  municipales  qui  se  sont  succédées  depuis 2000,  elles  sont  aussi  des  marqueurs  du  projet  politique  régional  qui  entend  assumer  la stature de Londres, ville globale et moteur de l’économie britannique.

Ces  nouvelles  tours  suscitent  cependant  débats  et  controverses,  qui  se  cristallisent particulièrement  autour  de  la  question  du  respect  du  patrimoine  bâti.  Dans  le  chaos  du skyline du centre de Londres, Shard (310 m), la tour des superlatifs, des sobriquets, mais aussi des polémiques les plus médiatiques, dévoile enfin sa forme pyramidale à un public curieux   et   interrogatif.   Au-delà  des  fonctions  qu’elle  héberge  ou  de  ses  qualités environnementales  supposées,  Shard  suscite  la  controverse :  « tesson  de  verre  dans  le cœur de Londres » pour les uns, « chef d’œuvre » pour les autres, Shard est un élément du débat sur la régulation du skyline de Londres. […]

Du  haut  de  ses  310 m,  Shard  est  la plus haute tour de l’Union Européenne et la première  tour  mixte  de  Londres,  une  ville  verticale  mêlant  commerces,  bureaux,  hôtel  5 étoiles, logements et plate-forme d’observation selon son architecte, Renzo Piano. La tour, achevée  en  2012,  se situe  à London  Bridge,  sur  la  rive  Sud  de  la  Tamise,  en face  de  la City  de  Londres.  Le  gratte-ciel  se  dresse  déjà  dans  le  ciel  de  l’arrondissement  de Southwark,  quartier  spatialement  polarisé  par  des  activités  de  bureaux  à  proximité  de  la gare de London Bridge au nord, et par des cités en difficultés sur les deux-tiers sud de son territoire.  La  mairie  d’arrondissement  de  Southwark  accorde  à  Sellar  Property,  le promoteur du projet, le permis de construire en 2002, louant les qualités architecturales du projet et son rôle de marqueur de revitalisation urbaine pour les quartiers défavorisés plus au  sud.  Le  permis  est  ensuite  confirmé  avec  enthousiasme  par  la  mairie  de  Londres (Greater London Authority) dirigée par Ken Livingstone. Le maire affirme alors que Shard, construite partiellement sur la gare de London Bridge, maximise l’usage des transports collectifs  et,  par  ses  caractéristiques  techniques,  réduit  de  30%  sa  consommation d’énergie par rapport à un immeuble conventionnel. […]

Shard est donc exceptionnelle par sa taille, son architecture et sa localisation. C’est un  modèle  de  tour  pour  la  revitalisation  urbaine,  repris  depuis  dans  de  nombreuses opérations  d’urbanisme  particulièrement  à  l’Est  de  Londres.  […]  Elle  marque  enfin  la volonté d’instrumentaliser l’architecture  audacieuse  de  certaines  tours  pour  la  promotion des intérêts des acteurs économiques, mais aussi politiques. […]

Depuis  Shard,  les  rives  sud  de  la  Tamise,  jusque-là  épargnées,  sont  la  cible  des promoteurs qui cherchent à maximiser les vues exceptionnelles offertes par les différents sites. Une étude confidentielle récente – menée par un cabinet d’expertise immobilière sur les projets résidentiels de Southwark – a montré que la vue sur la ville pouvait accroître le prix  de vente  des  logements  de 20% en moyenne,  voire  beaucoup  plus  pour  les  étages les plus élevés. Depuis la rive sud de la Tamise, il est en effet possible d’embrasser la totalité du panorama du centre de Londres, de Westminster à l’ouest, à la City à l’est.  […] Le skyline des villes, dimension du paysage urbain, est aussi […] un enjeu de pouvoir et de construction identitaire. »

Manuel APPERT, « Politique du skyline. Shard et le débat sur les tours à Londres », Metropolitiques.eu, 12 septembre 2011

Londres, un monde à part ?

« En 1987, 31 personnes ont trouvé la mort dans l’incendie de King’s Cross, une station de métro délabrée. Des escalators en bois, dont la course grinçante se déroulait sur un tapis de graisse inflammable et de détritus, avaient permis au feu de se propager à une vitesse terrible. Aujourd’hui, faire comprendre à un jeune Londonien que ce quartier de la ville était à l’époque mondialement connu pour son côté insalubre relève presque de l’impossible. La gare de Saint Pancras est rutilante, son terminal international grouille de passagers de l’Eurostar à destination de Paris. Google, The Guardian et Central Saint Martins College ont remplacé les taudis. King’s Cross est désormais un symbole de la transformation de Londres, devenu la ville mondiale, et pas seulement une ville mondiale.
Mais c’est aussi un symbole du fait que Londres s’est coupé du reste de la Grande-Bretagne. A King’s Cross ou Saint Pancras, on peut prendre un train pour des coins déshérités du nord de l’Angleterre ou des Midlands qui n’ont pas réussi à se relever de la désindustrialisation – et ce n’est pas faute d’avoir essayé. En revanche, Londres a le don exaspérant de faire de ses quartiers, même les plus misérables, des lieux où l’on a envie de vivre et de travailler. Entre 2010 et 2013, il y avait plus de grues à l’œuvre dans la capitale que dans tout le reste de la Grande-Bretagne.
Il n’y a pas que l’architecture qui évoque un royaume désuni, les données économiques aussi. En 2012, la valeur ajoutée brute par habitants atteignait à Londres 175 % de la moyenne britannique. Même la crise financière, la pire depuis la Seconde Guerre mondiale, n’a pas stoppé la croissance de Londres. Elle était de 12,5 % entre 2007 et 2011, soit plus de deux fois la croissance moyenne du Royaume-Uni. […]
Sur le plan culturel aussi, cela fait longtemps que Londres s’est détaché du pays qui l’accueille. Ce n’est pas seulement, et de loin, la ville la plus métissée de Grande-Bretagne : c’est peut-être aussi la plus métissée du monde, voire la plus métissée de toute l’histoire. Plus d’un tiers de sa population est née à l’étranger contre 13 % en moyenne au Royaume-Uni. Dans la capitale, où l’on parle plus de 300 langues, les Britanniques blancs représentent une minorité. […]
Londres s’éloigne de la Grande-Bretagne, et certaines parties de la ville s’éloignent les unes des autres. L’espérance de vie est de 79 ans à King’s Cross, elle grimpe à 91 ans à Knightsbridge, et n’est que de 75 ans à Lewisham, dans le sud est de la ville. 97 % des habitants de Camden ont accès à Internet. Ils ne sont que 82 % à Barking et Dagenham, un arrondissement de l’est du Grand Londres. La capitale compte certains des quartiers les plus pauvres du Royaume-Uni, comme Hackney et Tower Hamlets. Vingt ans de croissance spectaculaire ont rendu la ville plus riche, mais pas plus égalitaire. Et même au sein de ces quartiers il existe des inégalités criantes. […]
Et la croissance a apporté les infrastructures. Le réseau de transports de Londres compte parmi les plus vastes au monde, et ne cesse d’explorer de nouvelles possibilités, par exemple Crossrail, la ligne de métro à grande vitesse, le plus grand projet de construction en Europe. Londres est une ville d’ultrarichesse et d’extrême pauvreté, mais on y trouve aussi des musées gratuits et des parcs publics uniques au monde.
Et pourtant on ne peut ignorer la double hostilité qu’elle suscite – de la part d’un pays dépassé et des romantiques intra-muros. Son statut de centre de la mondialisation ne saurait être menacé, mais une accumulation de mauvaises décisions stratégiques (ou de non-décisions) pourrait néanmoins l’éroder au fil du temps. Un travailleur étranger refoulé à Londres risque d’aller vendre ses talents à New York ou à Singapour. Si l’aéroport de Heathrow n’est pas autorisé à s’étendre, ceux d’Amsterdam et de Francfort sont bien placés pour devenir le centre du transport aérien en Europe. »

 

Janan GANESH (Financial Times) « Londres ou la mondialisation incarnée », Courrier International, 6 mai 2015

Londres, un pôle touristique dynamique (2014)

« En 2013, encore plus de visiteurs se sont bousculés dans les allées du British Museum, première attraction de Londres, de la Tate Modern ou de la National Gallery. Ils se sont envolés dans les cabines de la grande roue London Eye ou dans les sombres couloirs de la Tour de Londres. Une affluence record permet aux dirigeants de la ville d’espérer pouvoir annoncer, ce jeudi, qu’en franchissant la barre des 16 millions de touristes étrangers, la capitale britannique aurait détrôné Bangkok et Paris en tête des villes les plus visitées sur la planète. Si les critères peuvent diverger, Paris avait accueilli 15,9 millions d’étrangers en 2012. New York se classe en quatrième position.

La mairie de Londres lie directement ce regain d’intérêt à un « effet Jeux olympiques ». Un cercle vertueux, qui parvient à éviter la tendance des villes olympiques à constater une désaffection l’année suivante. Au contraire, Londres affichait une hausse de fréquentation de 8 % au premier semestre. Dans l’ensemble du pays, les arrivées d’étrangers ont bondi de 11 % sur les neuf premiers mois de l’année, à près de 25 millions de personnes.

« L’image de Londres a changé grâce aux JO, estime Kit MALTHOUSE, maire adjoint de la ville. Les gens ont vu une ville belle, ouverte, vibrante, au-delà des clichés habituels sur la reine et le gin Beefeater. » Les touristes londoniens proviennent en grande majorité d’Europe, devant l’Amérique du Nord et le reste du monde. Ceux venant de Chine, d’Inde ou du Moyen-Orient représentent une large part de la croissance constatée. Mais la politique de visas restrictive du gouvernement CAMERON freine le développement de cette clientèle, au détriment de Paris. C’est pourquoi, sur pression des milieux d’affaires et du lobby touristique, le ministère de l’Intérieur a accepté d’assouplir sa pratique pour les Chinois.

Ces visiteurs dépensent beaucoup : 5 milliards de livres (6 milliards d’euros) sur les six premiers mois de 2013, en hausse de 12 %. Le West End, quartier du shopping, des restaurants et des théâtres, pèse économiquement plus que la City, et davantage que tout le secteur agricole britannique.

Chez London & Partners, l’agence de promotion de la capitale, on se félicite d’un « feel good factor » post-olympique et post-jubilé royal, prolongé par l’engouement autour de la naissance du prince GEORGE, la victoire d’Andy MURRAY à Wimbledon et des expositions événements comme « Pompéi » au British Museum ou « David Bowie » au Victoria & Albert. Facteur exceptionnel contribuant à l’attrait de la capitale britannique : les touristes ont en plus pu profiter d’un été magnifique. »

 

Florentin COLLOMP, « Tourisme : Londres détrône Paris », Le Figaro, 16 janvier 2014

Londres, cœur économique du Royaume-Uni

« Malgré la crise, le Square Mile* reste le cœur économique du Royaume-Uni et l’une des premières places boursières du monde. Si la City compte 11 500 habitants en 2009, elle emploie environ 350 000 personnes, dont 63% dans la finance et l’assurance. La City s’incarne avant tout dans le London Stock Exchange (LES), la Bourse de Londres. Elle figure au premier rang mondial devant Tokyo pour les activités bancaires, et devant New York pour les transactions et le marché de devises. Elle domine également le secteur de l’assurance symbolisée par la Lloyd’s. La City accueille la Banque d’Angleterre, plus de 240 banques étrangères en provenance des cinq continents, les sièges sociaux de grandes firmes nationales ou à forte participation nationale, comme Shell et BP.
La réussite de la City est en partie liée à son autonomie historique qui remonte au Moyen Age. […] La City a conservé en partie cet héritage. Ainsi elle a toujours son propre maire, qui n’est pas celui de Londres. […] Mais sa réussite actuelle tient également à sa forte capacité d’adaptation aux évolutions du marché […]. La City bénéficie également d’une fiscalité britannique avantageuse. Le statut de l’anglais, principale langue du commerce, lui confère un atout supplémentaire, d’autant plus que la ville, située sur le fuseau horaire de Greenwich, peut dialoguer en temps réel avec l’Asie le matin, New York et Toronto l’après-midi. Si la mondialisation et le développement d’internet promettaient une déterritorialisation de l’économie, la bonne marche des grandes transactions internationales nécessite encore et toujours la rencontre en un même lieu d’un grand nombre de professionnels hautement qualifiés (directeurs de firmes, banquiers, experts-comptables, investisseurs, juristes…), professionnels que peu de villes du monde peuvent concentrer.
La crise financière en 2008-2009 et la crise de la dette en 2011 ont pourtant entamé son dynamisme. La place financière de Londres est […] de plus en plus menacée en particulier par des villes comme Hong-Kong et Singapour. Entre 2011 et 2012, le Centre pour la recherche sur l’économie et les entreprises estime que la City perdra 27 000 postes. Le nombre de salariés en 2011 est retombé au niveau de 1998 avec 288 000 salariés, loin du record de 2007, où l’on en comptait 354 000. […]
Cœur de la finance mondiale, Londres est aussi un hub pour une large palette de service aux entreprises. La présence de grandes firmes multinationales dans le Grand Londres génère une demande importante en services qui dépasse largement la seule sphère financière. Parmi les activités de support aux entreprises, les activités juridiques, de comptabilité et de gestion […]. Autour de ces firmes très profitables s’est aussi déployée toute une gamme de services de l’économie postindustrielle : communication, publicité, marketing, immobilier ou encore ressources humaines dépendent des commandes des grands groupes. D’autres activités, relevant des arts et des médias télévisuels sont encore plus concentrées à Londres. L’économie de la connaissance est devenue un atout pour la ville, notamment face aux métropoles émergentes. Sont concernés : publicité, télévision et cinéma, musique, arts mais aussi architecture. Les entreprises de ces secteurs, qu’elles soient britanniques ou étrangères, sont souvent des leaders mondiaux dans leur domaine. […] Le tourisme occupe enfin une place de plus en plus importante dans l’économie londonienne, notamment à l’approche des JO de 2012. »

 

*La City fait environ un mile carré, d’où ce nom.

 

Manuel APPERT, Mark BAILONI et Delphine PAPIN, Atlas de Londres : une métropole en perpétuelle mutation, Paris, Autrement, 2012

Quelques données sur Londres, une métropole globale

« Capitale du Royaume-Uni et ancienne capitale impériale, Londres figure aux premiers rangs des îles à vocation de commandement mondial, rôle qu’elle esquissait dès le 18e siècle […]. Depuis les années 1980, la métropole s’est inscrite [dans] et a donné une impulsion à un réseau planétaire de villes qui transcende aujourd’hui les frontières nationales […].

Les savoir-faire dans les domaines du commerce, du négoce et de l’assurance assurent à Londres un rôle de marché mondial outre son rôle de commandement économique (sièges sociaux), d’innovation culturelle, scientifique et d’administration nationale. Londres est une ville-capitale de rang global avec pour hinterland* le monde et non plus le seul Royaume-Uni.

Londres est devenue la première place bancaire par la concentration de près de 550 banques étrangères. La capitalisation boursière du marché des actions de la métropole est équivalente à celle des principales bourses européennes combinées. Qui plus est, le London Stock Exchange est la bourse la plus internationalisée au monde bénéficiant des accumulations historiques et des liens que le Royaume-Uni a tissés au cours des deux derniers siècles […].

La métropole est par ailleurs, de très loin, le premier marché des changes, avec un chiffre d’affaires équivalent à 460 milliards d’euros échangés quotidiennement, plus que New York et Tokyo réunies. Premier marché pour les métaux (Metal Exchange) et l’affrètement maritime, la métropole est enfin le marché de l’assurance et de la réassurance le plus important au monde en termes de revenus. Même si le Royaume-Uni n’est plus une grande puissance, l’accumulation capitaliste lui a permis de conserver de grands groupes à l’échelle mondiale […]. Ils sont loin d’être isolés, puisque près du tiers des plus grandes compagnies européennes a élu domicile à Londres […].

Enfin, les entreprises londoniennes sont les plus connectées avec leurs homologues étrangères, ce qui révèle le degré d’internationalisation de Londres à l’échelle mondiale. »

 

*Hinterland : arrière-pays.

 

Manuel APPERT, « Londres : métropole globale », in Geocarrefour Vol. 8, 3/2, 2008

Londres, les métamorphoses d’une capitale (Le Monde, 2012)

« En 2012, Londres est à l’affiche partout, grâce au jubilé de diamant de la reine ELIZABETH II (du 3 au 5 juin) et à l’organisation des Jeux olympiques (du 27 juillet au 12 août). Dans ces circonstances, l’élection, le 3 mai, du maire de cette métropole de 7,8 millions d’habitants prend un relief particulier. […]
Quels sont les rapports de forces politiques dans la capitale ? Londres est traditionnellement une ville de gauche de par la forte présence d’une population de condition modeste qu’atteste un taux de chômage (9 %) supérieur à la moyenne nationale, surtout parmi les jeunes des quartiers déshérités. Ce bastion du Labour constitue une exception dans le sud-est prospère de l’Angleterre, contrôlé par les conservateurs. […] Aujourd’hui, la droite est favorisée par l’irrésistible poussée d’une nouvelle élite sociale qui envahit le West End (centre), rejetant les perdants aux confins, voire en dehors de la capitale à coups de spéculation immobilière. Le coût de la vie élevé, le manque de HLM et l’essor des services au détriment de la petite industrie renforcent cette tendance.
Quel rôle joue la City ? […] Fondée en 1067, elle constitue un contre-pouvoir de poids au maire. Avec un million d’emplois directs et indirects, la finance est l’un des plus gros employeurs de la capitale britannique. Ce secteur phare fait tourner toute une série d’industries (commerce de luxe, immobilier, bâtiment, etc.). Cette enclave d’un peu moins de 300 hectares, qui abrite la plus forte densité planétaire de banques, possède un vaste patrimoine, un large parc immobilier, plusieurs ponts sur la Tamise, le complexe culturel Barbican Centre, l’école de commerce Cass Business School et la colline boisée d’Hampstead. […] L’une des principales attributions du maire de Londres consiste à défendre la première place financière mondiale contre les projets de régulation du G20 et de Bruxelles ou contre la rivalité des centres concurrents, en particulier New York. […]
Quel est l’impact des Jeux olympiques sur la ville ? Il y a sept ans, à Singapour, Londres a obtenu les Jeux olympiques de 2012 grâce à son projet de rénovation de l’Est, en particulier autour de l’ancienne zone industrielle de Stratford. La majorité des 100 000 contrats d’embauche pour ces Jeux ont été attribués aux habitants des cinq boroughs concernés, parmi les plus pauvres du royaume.
L’organisation des JO a accentué le rééquilibrage du centre de gravité de la capitale de l’Ouest élégant vers l’Est crasseux. Cette image ancestrale est en train de changer. Dans les années 1980-1990, l’expansion de l’aéroport d’Heathrow et de l’autoroute du Sud-Ouest (M4), l’explosion des services financiers ainsi que l’excellence de la ligne de métro Central Line, qui relie les quartiers chics à la City, avaient favorisé l’Ouest. A la même époque, l’hémorragie de la classe moyenne de l’Est vers les faubourgs du Nord, l’installation d’immigrés du tiers-monde démunis et la disparition des industries traditionnelles avaient accentué le déclin d’un secteur associé aux ghettos, à la pauvreté, à la violence.

Cette division s’est atténuée. La rénovation des anciens docks, l’allongement de la ligne de métro Jubilee jusqu’à la nouvelle cité financière de Canary Wharf, la construction du futur réseau régional express (Crossrail) tout comme le nouveau terminal Eurostar de Saint Pancras illustrent l’essor nouveau de cette zone. L’éclosion des quartiers branchés de Shoreditch et de Dalston, ainsi que le succès du « Silicon Roundabout », consacré à la haute technologie et aux industries de demain, donnent le la de la diversité ethnique et de la mixité sociale.

Grâce aux JO, l’East End se construit, se rénove et se régénère. Et le projet de développement du corridor de la Tamise sur une cinquantaine de kilomètres, entre Londres et l’estuaire du fleuve, devrait créer une tête de pont vers l’Europe. »

 

Marc ROCHE, « Londres : les métamorphoses d’une capitale », Le Monde, 21 avril 2012