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La croissance des investissements chinois vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient (mai 2019)

Sébastien LE BELZIC, « L’investissement de la Chine en Afrique du Nord et au Moyen-Orient est devenu spectaculaire », Le Monde Afrique, 22 mai 2019.

Si entre 2017 et 2018 les investissements de la Chine hors de ses frontières ont baissé, ce n’est pas le cas pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient (la « MENA » pour Middle Est and North Africa) qui est devenue la deuxième zone dans laquelle investit Pékin, juste derrière l’Union européenne et devant l’ensemble de l’Afrique subsaharienne.

La région représente un enjeu géoéconomique pour Pékin et les pays majoritairement visés par les IDE le montrent. Les Chinois prennent part massivement à la construction de la nouvelle capitale égyptienne (quartier des affaires, réseau ferré…) de telle sorte qu’ils pourront, à travers la ZES créée autour du canal de Suez, s’implanter dans cette plaque tournante des échanges. D’autres autres pays forment le « club des 20 milliards » (c’est-à-dire les pays ayant reçu plus de 20 milliards de dollars d’investissements chinois ces quinze dernières années) : l’Algérie, l’Arabie Saoudite, l’Iran et les Émirats arabes unis, enjeux énergétiques pour Pékin : « La géopolitique du pétrole continue d’aiguiller les investissements chinois vers le continent africain comme dans le Golfe ».

Continuités et ruptures des portraits présidentiels

Source principale : Gabriel COUTAGNE, « Les portraits présidentiels, une histoire de (fausses) ruptures », Le Monde.fr, 30 juin 2017.

La juxtaposition des portraits officiels des présidents français depuis la Libération laisse entrapercevoir leur conception de la fonction ainsi que la continuité ou la rupture qu’ils souhaitent incarner.

Sous la IVe République, Vincent AURIOL (1946-1953), puis René COTY (1953-1958) sont photographiés dans le costume des présidents de la IIIe République, avec veston, écharpe et légion d’honneur. Comme ses prédécesseurs, René COTY pose un poing (à moitié ouvert) sur un livre.

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Charles DE GAULLE reprendra une posture similaire devant l’objectif de Jean-Marie MARCEL qui l’avait déjà photographié en 1944, lorsqu’il était à la tête du GPRF. Le Général fait le choix de la modernité – la photographie est en couleur – et porte des marques militaires (fourreaux d’épaule, collier de Grand Maître de l’Ordre de la Libération).

Comme DE GAULLE, Georges POMPIDOU est photographié dans la bibliothèque du palais de l’Elysée, la main sur un livre. Il porte cette fois le collier de Grand Maître de la Légion d’Honneur et regarde sur sa droite. C’est François PAGES, un photographe d’actualités (Paris-Match) qui réalise ce portrait.

En 1974, Valéry GISCARD D’ESTAING faitImage associée le choix de la rupture et de la modernité. Sa photographie officielle (signée Jacques-Henri LARTIGUE, l’un des plus célèbres photographes de l’époque) est au format « paysage », son corps n’est pas centré, l’arrière-plan (en fait la cour de l’Elysée) est entièrement couvert par un drapeau français et le président, souriant, fixe directement l’objectif.

Ce type de regard, qui marque la proximité avec les Français, sera repris par ses successeurs. François MITTERRAND revient au format « portrait » et à la bibliothèque de l’ElyRésultat de recherche d'images pour "portrait mitterrand"sée. Le choix de l’auteur relève du symbole et de l’ouverture du président socialiste : c’est Gisèle FREUND, une photographe de la prestigieuse agence « Magnum », qui a déjà de nombreux portraits à son actif (dont André MALRAUX ou Jean-Paul SARTRE) et qui en outre une rescapée du nazisme, qui réalise la photo (elle a alors 87 ans). Posant en costume de ville, François MITTERRAND opte pour la simplicité et le naturel, posture qui renvoie aux Essais de MONTAIGNE qu’il tient à la main.

Comme GISCARD D’ESTAING, Jacques CHIRAC choisit un portrait en extérieur, dans le jardin de l’Elysée, lui qui affirme être attaché à la nature, au monde rural. La photographie reste classique (costume de ville, mains derrière le dos) mais le choix de la photographe est osé. Il s’agit de Bettina RHEIMS qui a réalisé plusieurs séries de nus jugés « pornographiques ».

Critiqué dès son début de mandat par son côté « bling-blRésultat de recherche d'images pour "portrait sarkozy"ing », pour son hyperactivité et son manque de raffinement, Nicolas SARKOZY adopte une posture sereine et cherche à se rattacher à ses prédécesseurs (mais aussi à marquer sa rupture avec Jacques CHIRAC – les deux hommes s’entendaient mal) en posant dans la bibliothèque de l’Elysée. Il est le premier à poser avec le drapeau européen (deux ans après le « non » des Français au référendum sur le projet constitutionnel européen), lequel paraît trop imposant par rapport à lui… Comme POMPIDOU, c’est un photographe de presse (mais également photographe de l’émission de télé-réalité « Star Academy »), Philippe WARRIN (il a couvert sa campagne présidentielle pour Paris-Match) qui réalise le portrait.

Image associéeA la manière de Jacques CHIRAC, François HOLLANDE est photographié en extérieur (dans le jardin de l’Elysée – on aperçoit sur la façade le drapeau européen), dans un format peu conventionnel (un carré), par Raymond DEPARDON, un artiste attaché au quotidien, aux classes populaires et rurales, qui vise ici à transmettre l’idée d’un président « normal ».

Influencé par Pete SOUZA et son portrait de Barack OBAMA, la photographe attitrée d’Emmanuel MACRON, Soazig DE LA MOISSONNIERE (35 ans en 2017 – elle avait servi François BAYROU durant la campagne de 2012), le représente (avec plusieurs retouches) au centre, devant une fenêtre ouverte sur le jardin de l’Élysée, entre le drapeau européen et le drapeau français, le regard et la posture déterminés. Appuyé sur son bureau, il transmet l’image d’un président aux affaires, maître du temps (voir l’horloge du conseil des ministres à sa gauche) et dirigeant d’une « start-up nation » (on trouve deux iPhones en bas à gauche dans lesquels se reflètent un coq doré). Trois livres apparaissent : les Mémoires de guerre du général DE GAULLE (initiateur de la Ve République, il se considérait aussi comme au-dessus des partis), Le Rouge et le Noir de STENDHAL et les Nourritures terrestres d’André GIDE (souvent présenté comme une œuvre célébrant la vie et le désir).

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2009-2019 : la crise de la confiance politique

Madani CHEURFA, Flora CHANVRIL, 2009-2019 : la crise de la confiance politique, rapport du CEVIPOF (Sciences Po), janvier 2019.

 

Le Centre d’étude de la vie politique (CEVIPOF) mesure depuis 2009 la « confiance politique » des Français et la dernière enquête (réalisée par Opinionway du 13 au 24 décembre) a révélé, dans le contexte des mouvements « Gilets jaunes » que « nous n’avions jamais vu un tel sentiment de dégoût, de morosité mais aussi de colère », selon le coordinateur du baromètre, Bruno CAUTRES.

S’essayant à une synthèse de dix années d’enquêtes, le CEVIPOF a publié un rapport ce mois-ci soulignant que « la période 2009-2019 a été une décennie noire pour la confiance politique en France », confiance par ailleurs considérée par les rédactrices comme « la valeur cardinale de la démocratie ». Ce bilan négatif peut néanmoins, à certains égards, être nuancé. Voici quelques informations et chiffres à retenir :

  • sur le plan personnel, les Français expriment leur sentiment de lassitude (état d’esprit de 26 % des sondés en 2009, 32 % aujourd’hui) ;
  • face aux sentiments de morosité, de méfiance et de lassitude, la pensée individualiste tend à s’imposer puisque la confiance en soi a progressé (76 % des interrogés estiment que les gens peuvent changer la société par leurs choix et leurs actions) ;
  • le pessimisme dans l’avenir est fortement marqué dès 2009 : 67 % des sondés considéraient que les générations futures auraient moins de chances de réussir que leurs parents en 2009, 58 % en 2018 (soit 66 % en moyenne pour la décennie). Seuls 37 % se disent optimistes pour leur avenir et 49 % estiment même, en moyenne, que les jeunes ont intérêt à quitter la France pour s’assurer un avenir professionnel ;
  • depuis 10 ans, 79 % des Français expriment des sentiments négatifs vis-à-vis de la politique (dont 39 % de la méfiance et 28 % du dégoût) même s’ils sont 57 % à s’y intéresser ;
  • En dix ans, 85% des personnes interrogées ont considéré que les responsables politiques ne se préoccupent pas d’elles. Ces mêmes personnes ont pensé, à 74%, que ce personnel politique est plutôt corrompu. Pour gouverner le pays, 61% des interrogés n’ont eu confiance ni en la gauche , ni en la droite ;
  • Si 89 % des sondés sur les dix années sont attachés à la démocratie, 63 % considèrent qu’elle ne fonctionne pas bien et 59 % estime qu’il faudrait qu’il faudrait que ce soient les citoyens et non un gouvernement qui décident de ce qui semble meilleur pour le pays ;
  • En 2018, les Français étaient seulement 23% à faire confiance au président de la République actuel, la moyenne pour les dix années étant de 28 %. En fait, la confiance envers les acteurs élus progresse en fonction de la proximité de ceux-ci : 60 % des sondés affirment faire confiance au maire, 41 % au député, 33 % au Premier ministre et 29 % au député européen ;
  • Enfin, la confiance envers les autres acteurs politiques et sociaux suit aussi cette logique de proximité. Sur les dix années, la confiance envers la Sécurité sociale, l’école, la police, les associations, les hôpitaux dépasse les 60 %. Les syndicats (30 %), les banques (28 %), les médias (25 %) et les partis politiques (12 %) sont en bas de classement.

Le contrôle des réseaux de communication, un enjeu pour les dirigeants africains

Joan TILOUINE, « Couper Internet, la nouvelle tentation des régimes africains », Le Monde Afrique, 2 janvier 2019.
 

Le 31 décembre 2018, lendemain d’un scrutin présidentiel (organisé avec deux ans de retard…), le président sortant de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph KABILA, a décidé de suspendre Internet et les SMS dans ce pays de 90 millions d’habitants où l’accès à Internet ne concerne que 4 % de la population. Une telle manœuvre avait déjà été réalisée dans un contexte similaire il y a deux ans, et elle concerne de nombreux États africains, comme au Congo-Brazzaville. Les motifs invoqués sont alors souvent les mêmes : assurer la sûreté nationale, éviter les débordements, empêcher la circulation des résultats ou de fake news.

Le contrôle des télécommunications par les pouvoirs dépasse souvent le cadre électoral. Bloquer les réseaux sociaux permet d’étouffer la contestation et de briser l’organisation des militants. Mi-décembre, c’est le Soudan d’Omar AL-BACHIR, surpris par des manifestations d’ampleur, qui a privé son peuple d’Internet. D’autres États pratiquent aussi la « coupure » comme le Maroc. D’ailleurs, elle peut favoriser le développement d’activités souterraines, comme la revente de cartes SIM des pays voisins…

Les télécommunications font aussi l’objet d’une surveillance. L’article note que « ces dernières années, certains régimes se sont d’ailleurs tournés vers leur partenaire privilégié, la Chine, pour s’équiper en outils de surveillance et d’espionnage de l’activité numérique de leurs citoyens, quitte à voir leurs administrations espionnées en retour par Pékin. […] L’industrie du cyberespionnage, chinoise, israélienne, européenne et russe notamment, fournit de plus en plus de services aux régimes friands de ces solutions sophistiquées permettant de surveiller leurs opposants. Parmi les meilleurs clients connus figurent l’Éthiopie, le Soudan, le Cameroun, le Maroc, le Congo-Brazzaville, la Tanzanie, le Zimbabwe, le Rwanda… »

XI Jinping considère la réunification entre la Chine et Taïwan comme « inévitable » (2 janvier 2019)

Laura ANDRIEU, « Pour Xi Jinping, la réunification entre la Chine et Taïwan est « inévitable », Le Figaro.fr, 2 janvier 2019.

 

Ce mercredi, le leader chinois XI Jinping a commémoré de façon offensive le quarantième anniversaire de l’ouverture entre la Chine et Taïwan – en 1979, DENG Xiaoping réduit les menaces sur Taïwan et tend la main au gouvernement insulaire. Dans son discours, Mr XI a affirmé que « la Chine doit être réunifiée et elle le sera« , n’excluant pas le recours à la force sans avancer plus de précisions.

Il ne s’agit pas d’une rupture historique, dans la mesure où XI Jinping accentue depuis plusieurs années la pression sur Taipei. En cause, la politique de la présidente taïwanaise TSAI Ing-wen (membre du parti démocrate progressiste, le DPP), peu conciliante vis-à-vis des desiderata de Pékin. Par exemple, le DPP rejette le Consensus de 1992, accord stipulant que la Chine continentale et Taïwan appartiennent à une « Chine unique ». XI Jinping suspecte TSAI Ing-wen de vouloir proclamer officiellement l’indépendance taïwanaise (brandissant la menace de la « punition de l’histoire » le 20 mars 2018, voir vidéo ci-dessous), a déjà pris des mesures de rétorsions, tente de favoriser la victoire du Guomindang (nationalistes) aux élections de 2020 et s’emploie depuis quelques années à arracher des alliés diplomatiques de Taïwan qui reconnaissait l’île comme la seule Chine légitime (Sao Tomé en 2016, Panama en 2017, République dominicaine, Burkina Faso et Salvador en 2018).

En Angola, une appli pour se faire livrer des animaux vivants

« Angola’s go-to app for delivering live goats to your door », The Economist, 6 décembre 2018.

 

L’Afrique est un continent en plein développement qui connaît une urbanisation rapide, une croissance soutenue (même si elle est inégale) et un développement des classes moyennes. Comme dans les autres métropoles, les services de livraison se sont multipliés et enrichissent aussi bien les hommes d’affaires que les plus pauvres vivant de l’économie informelle.

Ainsi, en Angola, les applications de livraison de nourriture sont en plein boom et le géant Uber Eats est concurrencé par des start-ups africaines comme Mr D-Food (Afrique du Sud, numéro 1 en Afrique), Jumia Food (Nigéria, présente dans 14 pays du continent) ou encore Tupuca. Cette petite entreprise angolaise, active depuis 2016, compterait 140 chauffeurs pour 17 000 livraisons par mois (environ 40 dollars par commande).

Au-delà des repas traditionnellement livrés (les pizzas et burgers, témoins de la mondialisation), l’application propose désormais de commander des produits bruts tels que du charbon, de l’essence, des fruits et légumes et… des animaux vivants : 5 dollars le poulet, de 64 à 82 pour une chèvre, entre 103 et 124 pour un cochon… Pour Erickson MVEZI, le PDG de Tupuca, ce système permet de « supprimer les barrières entre les marchés informels et formels » : Tupuca collabore avec les coursiers d’une autre start-up, Roque Online, qui débusque les meilleurs produits, y compris commercialisés par des populations pauvres actives sur les marchés informels.

Netflix investit l’Afrique

« VoD – « Queen Sono » : cette série « made in Africa » que Netflix va produire », Le Point Afrique, 19 décembre 2018.

 

La plateforme de vidéos à la demande (VOD) américaine Netflix a été lancée en décembre 2015 an Afrique du Sud, avant de s’étendre à tous les autres pays du continent un mois plus tard. Le catalogue proposait alors la même gamme de programmes que dans les autres espaces du monde ; des productions venues de Nollywood (nom donné au cinéma nigérian, très prolifique) ont été progressivement ajoutées.

Annoncés depuis plusieurs mois, les investissements dans des contenus locaux originaux sont en passe d’être réalisés. Ainsi, Netflix va produire la série Queen Sono, portée par l’actrice sud-africaine Pearl THUSI. Cette histoire d’espionnage devrait être disponible en 2019.

Un sondage révèle qu’un Français sur 10 n’aurait jamais entendu parler de la Shoah (2018)

« Un Français sur dix dit n’avoir jamais entendu parler de la Shoah, selon un sondage », Francetvinfo.fr, 20 décembre 2018.

L’IFOP a publié fin décembre 2018 un sondage relatif aux connaissances des Français sur les génocides du XXe siècle. Réalisé les 12 et 13 décembre 2018 auprès d’un échantillon de 1 014 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, il a été commandé par la Fondation Jean Jaurès en partenariat avec la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), la Fondation européenne d’études progressistes (Feps) et l’AJC Paris, l’antenne française de l’American Jewish Committee.

L’enquête montre que 90 % des sondés ont « entendu parler » du génocide des Juifs mais seulement 79 % des personnes interrogées semblent capables de dater la période durant laquelle la Shoah a eu lieu (9 % citent l’entre-deux-guerres, 6 % la Première Guerre mondiale). Ce qui paraît inquiétant, c’est que chez les sondés âgés de moins de 35 ans, la part de Français ignorant ladite période atteint 30%.

Est-ce de la provocation ? Des oublis alors que le génocide des Juifs est au moins étudié trois fois durant la scolarité ? L’école apparaît pourtant comme le principal vecteur de connaissances sur la Shoah (pour 58 % des sondés), devant les fictions, livres et documentaires (41 %).

On notera enfin que si 77 % des individus interrogés considèrent ce génocide comme « un crime monstrueux » (soit 14 points de plus que lors d’un sondage similaire de septembre 2014), 18 % parlent d’un « drame parmi d’autres de cette guerre », 2 % d’une « exagération, il y a eu des morts mais beaucoup moins qu’on le dit » et 1 % estiment qu’il s’agit d’une « invention ».

Emmanuel MACRON : l’histoire au service de la communication

Antoine FLANDRIN, « L’histoire de France selon Macron », Le Monde, 16 septembre 2017.

Dans un article au titre évocateur – mais en même temps très vague, « L’histoire de France selon MACRON », le journaliste Antoine FLANDRIN, interrogeant l’historien Patrick GARCIA (IHTP), tente de cerner le rapport à l’histoire du président ou, plutôt, son utilisation du passé au service de ses actions et de sa communication politiques.

Au cours de la campagne présidentielle, le candidat MACRON avait mobilisé à plusieurs reprises le souvenir de la Première Guerre mondiale, répétant ses origines picardes, terre « où les cimetières [militaires] sont légion ». Pourtant, aucune référence à ses arrière-grands-pères, tous combattants de la Grande guerre (l’un d’eux, boucher originaire de Bristol en Grande-Bretagne, engagé volontaire dans la British Expeditionary Force, fut un héros de la bataille de la Somme et demeura dans la région d’Amiens après 1918).

Néanmoins, comme le souligne le journaliste, « depuis son élection à la présidence, Emmanuel MACRON a surtout investi la Seconde Guerre mondiale » :

                -dans son « livre de campagne », Révolution, il affirme son admiration pour DE GAULLE et les résistants ;

                -le 10 juin, il présidait la 73e cérémonie commémorant le massacre d’Oradour-sur-Glane ;

                -le 18 juin, il célébrait au Mont-Valérien l’appel du général DE GAULLE ;

                -rendu public fin juin, son portrait officiel fait figurer les Mémoires de guerre du général sur le bureau présidentiel ;

                -le 16 juillet, il commémorait, avec le premier ministre israélien Benyamin NETANYAHOU, le 75e anniversaire de la rafle du Vél’ d’Hiv.

Selon Patrick GARCIA, « Emmanuel MACRON aborde le passé en jeune homme avec l’idée que l’histoire est tragique. Il y a chez lui un désir de vérité comme condition de la sortie du ressassement, d’où l’envie de faire bouger les lignes ». Ainsi, le discours au Vél’ d’Hiv a replacé le racisme et l’antisémitisme dans une perspective plus large que les déclarations précédentes, de CHIRAC (1995) à HOLLANDE (2012), affirmant publiquement pour la première fois que ces pensées extrémistes étaient prégnantes bien avant le régime de Vichy en France, notamment au moment de l’Affaire Dreyfus.

« Plus qu’à l’Occupation ou à la Résistance, MACRON se réfère à la Libération, vue comme un acte fondateur avec le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) et les réformes du général DE GAULLE, qu’il considère comme des étapes capitales dans l’histoire de France. C’est un moyen pour lui d’affirmer la légitimité de l’intervention de l’État. Dans la mesure où il est taxé de libéral et où on le soupçonne de vouloir démanteler les grandes conquêtes de la Libération, cette référence lui permet d’affirmer qu’il ne bradera pas l’héritage » affirme pour sa part Olivier WIEVIORKA.

L’histoire au service de la communication politique et de la vision macronnienne de la France, en somme. Comme ses prédécesseurs, Emmanuel MACRON use d’un panel de références historiques très large, bien plus vaste que la Seconde Guerre mondiale, mêlant CLOVIS, HENRI IV, NAPOLÉON, DANTON, GAMBETTA, les soldats de l’An II, les tirailleurs sénégalais. « Déployer l’arc historique est [ainsi] une façon de sortir de l’hyperfocalisation du discours d’État sur les deux guerres mondiales, ajoute Patrick GARCIA. C’est aussi une manière de ne pas mettre seulement à l’agenda les pages noires – esclavage, collaboration, antisémitisme d’État de Vichy – et de produire les raisons d’une fierté française ». En outre, le but est aussi de récupérer l’ensemble de l’histoire nationale pour ne pas en laisser des pans à l’extrême-droite.

Pour Olivier LOUBES, la mobilisation de nombreux symboles historiques (on peut penser ici au discours de victoire devant le Louvre, symbole de l’Ancien Régime, ou encore de la rencontre avec Vladimir POUTINE à Versailles à l’occasion du 300e anniversaire du séjour de PIERRE LE GRAND en France) vient de la volonté du nouveau président de gouverner au centre : « C’est l’idée que la Révolution est terminée, qu’on n’a plus besoin d’être dans une guerre de cultures politiques entre gauche et droite. MACRON [qui fut l’assistant temporaire de Paul RICOEUR pour son ouvrage La mémoire, l’histoire, l’oubli publié en 2000] veut apaiser la France. D’où son projet de réconcilier les mémoires ». Jean-Noël JEANNENEY (qui publiera en octobre 2017 Le Moment MACRON. Un président et l’histoire) considère, au contraire, que « son idée de réconcilier les mémoires paraît un peu démiurgique. Il y aura toujours des mémoires de droite et de gauche, héritées de communautés, de familles et de régions. »

Le FN instrumentalise (encore) l’historien et résistant Marc BLOCH

Réf. : Jean-Marie POTTIER, « L’incessante récupération de Marc BLOCH par le Front national », Slate.fr, 2 décembre 2015.

 

Chef de file de l’école des « Annales » (du nom de la revue lancée avec Lucien FEBVRE en 1929), Marc BLOCH (1886-1944) est considéré comme l’un des plus grands historiens français du XXe siècle. Sa démarche (recours aux sciences « auxiliaires » : anthropologie, sociologie, démographie, etc.) et son approche de l’histoire (importance donnée au temps long et aux mutations sociales et économiques) le démarquent de l’école historique précédente, celle des LAVISSE et SEIGNOBOS, attaché à l’événement et au roman national (de préférence patriotique).

Slate rappelle ici, par le biais de son journaliste Jean-Marie POTTIER, que la reprise (totalement décontextualisée) d’un passage de L’étrange défaite (publié après la mort de BLOCH, fusillé pour actes de résistance par les Allemands en 1944) par Marion MARECHAL-LE PEN (Front national), est la marque d’une « tradition familiale bien enracinée ». Candidate aux élections régionales en Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA), la nièce de Marine LE PEN a ainsi repris ce mardi 1er décembre 2015, à Toulon, une citation célèbre du célèbre historien : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France: ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. »

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