Continuités et ruptures des portraits présidentiels

Source principale : Gabriel COUTAGNE, « Les portraits présidentiels, une histoire de (fausses) ruptures », Le Monde.fr, 30 juin 2017.

La juxtaposition des portraits officiels des présidents français depuis la Libération laisse entrapercevoir leur conception de la fonction ainsi que la continuité ou la rupture qu’ils souhaitent incarner.

Sous la IVe République, Vincent AURIOL (1946-1953), puis René COTY (1953-1958) sont photographiés dans le costume des présidents de la IIIe République, avec veston, écharpe et légion d’honneur. Comme ses prédécesseurs, René COTY pose un poing (à moitié ouvert) sur un livre.

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Charles DE GAULLE reprendra une posture similaire devant l’objectif de Jean-Marie MARCEL qui l’avait déjà photographié en 1944, lorsqu’il était à la tête du GPRF. Le Général fait le choix de la modernité – la photographie est en couleur – et porte des marques militaires (fourreaux d’épaule, collier de Grand Maître de l’Ordre de la Libération).

Comme DE GAULLE, Georges POMPIDOU est photographié dans la bibliothèque du palais de l’Elysée, la main sur un livre. Il porte cette fois le collier de Grand Maître de la Légion d’Honneur et regarde sur sa droite. C’est François PAGES, un photographe d’actualités (Paris-Match) qui réalise ce portrait.

En 1974, Valéry GISCARD D’ESTAING faitImage associée le choix de la rupture et de la modernité. Sa photographie officielle (signée Jacques-Henri LARTIGUE, l’un des plus célèbres photographes de l’époque) est au format « paysage », son corps n’est pas centré, l’arrière-plan (en fait la cour de l’Elysée) est entièrement couvert par un drapeau français et le président, souriant, fixe directement l’objectif.

Ce type de regard, qui marque la proximité avec les Français, sera repris par ses successeurs. François MITTERRAND revient au format « portrait » et à la bibliothèque de l’ElyRésultat de recherche d'images pour "portrait mitterrand"sée. Le choix de l’auteur relève du symbole et de l’ouverture du président socialiste : c’est Gisèle FREUND, une photographe de la prestigieuse agence « Magnum », qui a déjà de nombreux portraits à son actif (dont André MALRAUX ou Jean-Paul SARTRE) et qui en outre une rescapée du nazisme, qui réalise la photo (elle a alors 87 ans). Posant en costume de ville, François MITTERRAND opte pour la simplicité et le naturel, posture qui renvoie aux Essais de MONTAIGNE qu’il tient à la main.

Comme GISCARD D’ESTAING, Jacques CHIRAC choisit un portrait en extérieur, dans le jardin de l’Elysée, lui qui affirme être attaché à la nature, au monde rural. La photographie reste classique (costume de ville, mains derrière le dos) mais le choix de la photographe est osé. Il s’agit de Bettina RHEIMS qui a réalisé plusieurs séries de nus jugés « pornographiques ».

Critiqué dès son début de mandat par son côté « bling-blRésultat de recherche d'images pour "portrait sarkozy"ing », pour son hyperactivité et son manque de raffinement, Nicolas SARKOZY adopte une posture sereine et cherche à se rattacher à ses prédécesseurs (mais aussi à marquer sa rupture avec Jacques CHIRAC – les deux hommes s’entendaient mal) en posant dans la bibliothèque de l’Elysée. Il est le premier à poser avec le drapeau européen (deux ans après le « non » des Français au référendum sur le projet constitutionnel européen), lequel paraît trop imposant par rapport à lui… Comme POMPIDOU, c’est un photographe de presse (mais également photographe de l’émission de télé-réalité « Star Academy »), Philippe WARRIN (il a couvert sa campagne présidentielle pour Paris-Match) qui réalise le portrait.

Image associéeA la manière de Jacques CHIRAC, François HOLLANDE est photographié en extérieur (dans le jardin de l’Elysée – on aperçoit sur la façade le drapeau européen), dans un format peu conventionnel (un carré), par Raymond DEPARDON, un artiste attaché au quotidien, aux classes populaires et rurales, qui vise ici à transmettre l’idée d’un président « normal ».

Influencé par Pete SOUZA et son portrait de Barack OBAMA, la photographe attitrée d’Emmanuel MACRON, Soazig DE LA MOISSONNIERE (35 ans en 2017 – elle avait servi François BAYROU durant la campagne de 2012), le représente (avec plusieurs retouches) au centre, devant une fenêtre ouverte sur le jardin de l’Élysée, entre le drapeau européen et le drapeau français, le regard et la posture déterminés. Appuyé sur son bureau, il transmet l’image d’un président aux affaires, maître du temps (voir l’horloge du conseil des ministres à sa gauche) et dirigeant d’une « start-up nation » (on trouve deux iPhones en bas à gauche dans lesquels se reflètent un coq doré). Trois livres apparaissent : les Mémoires de guerre du général DE GAULLE (initiateur de la Ve République, il se considérait aussi comme au-dessus des partis), Le Rouge et le Noir de STENDHAL et les Nourritures terrestres d’André GIDE (souvent présenté comme une œuvre célébrant la vie et le désir).

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