Un exemple de tensions en mer de Chine du Sud

« La mer de Chine du Sud a été de nouveau le théâtre d’affrontements entre pêcheurs philippins et garde-côtes chinois. Ces derniers surveillent l’espace que Pékin revendique comme étant sa propriété et repoussent fermement toute embarcation qui s’aventure dans ces eaux. Un bateau de pêcheurs philippins vient d’en faire de nouveau l’expérience. Bien que se considérant dans les eaux philippines, il raconte avoir été prié de quitter, sur le champ, cette zone poissonneuse. Craignant le recours aux canons à eau, très puissants, l’embarcation philippine a préféré rebrousser chemin et éviter tout risque d’affrontement direct, voire de collision, le rapport de forces étant clairement en faveur du navire chinois.

Manille attend d’un jour à l’autre une décision de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye qui doit statuer sur la légitimité qu’ont, chacun de ces deux États, à revendiquer des droits dans cette zone. Manille demande à la CPA de dire que les revendications chinoises violent la Convention de l’ONU sur le droit à la mer, dont les deux pays sont signataires. Les Philippines vont d’ailleurs faire valoir que la Chine n’a aucun « droit historique » sur cette mer sur laquelle transite une grande partie du trafic maritime international. Au passage, Manille en profite pour dénoncer les ravages irréversibles causés à l’environnement par Pékin en rasant des récifs coraliens pour les transformer en îlots dotés de piste d’envol, de port en eau profonde et de station radar.

Quelle que soit la décision du tribunal, Pékin a déjà fait savoir qu’elle ne la respectera pas, jugeant cette cour non compétente. Et comme pour mieux défier les uns et les autres, les autorités chinoises ont décidé d’organiser, à partir de 2020, des croisières réservées à des citoyens chinois autour de l’archipel des Spratleys, l’un des points les plus disputés. Outre les Philippines, le Vietnam, la Malaisie, Taïwan et le sultanat de Brunei revendiquent aussi une partie de ce territoire. La situation est complexe, car la Chine pratique la politique du fait accompli. Les États-Unis, qui sont liés par des accords de sûreté avec la plupart des pays concernés, envoient des avertissements à Pékin et croisent à proximité des rochers disputés. Les Occidentaux observent une neutralité de bon aloi, estimant qu’une fois le droit de navigation préservé, peu importe finalement de savoir à qui appartient tel ou tel rocher.

Les opposants à l’expansionnisme chinois craignent que la Chine n’utilise ses îles artificielles à des fins militaires et n’obtienne, de facto, le contrôle de la mer et des airs d’une région qui, de plus, recèlerait d’importants gisements d’hydrocarbures. »

 

Michel DE GRANDI, « En mer de Chine du Sud, les tensions restent fortes », Les Echos, 23 juin 2016