Mondialisation et régionalisation des flux migratoires
« Dans un monde peuplé de 7 milliards d’habitants, 1 milliard sont en situation de mobilité, qu’il s’agisse de migrations internes (75 % des cas) ou internationales (25 %). Ces dernières n’ont cessé de croître au cours des quarante dernières années : elles concernaient 77 millions d’individus en 1975, 150 à la fin du siècle dernier, 190 au début du nouveau millénaire et 244 millions aujourd’hui. Elles présentent des configurations différentes et les migrants actuels se sont diversifiés. Aux traditionnelles migrations Sud-Nord (famille, travail, asile) s’ajoutent les migrations Sud-Sud (travail et asile), les migrations Nord-Nord (expatriés qualifiés) et les migrations Nord-Sud (seniors en quête de soleil et expatriés). Le Sud est devenu une région d’émigration mais aussi d’immigration et de transit.
En 2050, la population mondiale devrait atteindre 9 à 10 milliards d’habitants, dont la moitié d’Asiatiques et un quart d’Africains. En Europe, le vieillissement démographique va certainement se traduire par une demande accrue de main-d’œuvre qualifiée et non qualifiée, notamment dans le secteur des soins aux personnes âgées, tandis que le nombre de personnes venues poursuivre leurs études continuera d’augmenter, constituant une importante source de main-d’œuvre qualifiée. Autrement dit, les migrations ne sont pas près de s’arrêter : en 2015, les envois de fonds vers les pays en développement ont dépassé 500 milliards de dollars.
L’ouverture des frontières, appelée à devenir l’une des questions majeures du XXIe siècle, demeure pour certains une utopie, pour d’autres un objectif susceptible de mettre fin aux tragédies des milliers de clandestins qui meurent aux portes des frontières des pays riches, ainsi qu’à toutes les formes de sous-citoyenneté induites par la condition de sans-papiers. […] Des espaces de circulation régionale se dessinent aujourd’hui, correspondant aux systèmes migratoires régionalisés qui se sont spontanément mis en place.
Ainsi, dans le bassin méditerranéen, par exemple, la création d’un tel espace permettrait des complémentarités démographiques et de main-d’œuvre. […] Mais le Vieux Continent restera-t-il attractif face aux États-Unis ou au Canada ? Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), de leur côté, attirent et recherchent des projets pour lesquels l’immigration de créateurs, de chercheurs, d’innovateurs serait encouragée et donc légale. D’autres espaces de circulation régionaux ont été créés au Sud, mais ils fonctionnent mal ou ont cessé d’exister, du fait des crises politiques. »
Catherine WIHTOL DE WENDEN, Atlas des migrations, Paris, Autrement, 2016, p. 10-11