Les trois voies pour sortir du « problème » algérien selon DE GAULLE (1959)

« Notre redressement se poursuit. […] L’unité nationale est ressoudée. La République dispose d’institutions solides et stables. […]

Pourtant devant la France un problème difficile et sanglant reste posé : celui de l’Algérie. Il nous faut le résoudre ! Nous ne le ferons certainement pas en nous jetant les uns aux autres à la face les slogans stériles et simplistes […]. Nous le ferons comme une grande nation et par la seule voie qui vaille, je veux dire par le libre choix que les Algériens  eux – mêmes voudront faire de leur avenir.

A vrai dire beaucoup a été fait déjà pour préparer cette issue. Par la pacification, d’abord. Car rien ne peut être réglé tant qu’on tire et qu’on égorge. A cet égard je ne dis pas que nous en soyons au terme. […] Notre armée accomplit sa mission courageusement et habilement, en combattant l’adversaire et en entretenant avec la population des contacts larges et profonds qui n’avaient jamais été pris. Que nos soldats, en particulier les 120 000 qui sont musulmans, aient fléchi devant leur devoir, ou bien que la masse Algérienne se soit tournée contre la France, alors c’était le désastre ! Mais comme il n’en a rien été le succès de l’ordre public […] se trouve désormais bien en vue.

La deuxième condition du règlement est que tous les Algériens aient le moyen de s’exprimer par le suffrage vraiment universel. Jusqu’à l’année dernière ils ne l’avaient jamais eu. Ils l’ont à présent grâce à l’égalité des droits, au collège unique, au fait que les communautés les plus nombreuses, celles des musulmans, sont assurées d’obtenir dans tous les scrutins la grande majorité des élus. […] Le 28 septembre dernier les Algériens  ont, par référendum, adopté la Constitution et marqué leur intention que leur avenir se fasse avec la France. Le 30 novembre, ils ont élu leurs députés ; le 19 avril, leurs conseils municipaux ; le 31 mai, leurs sénateurs. […] En tout cas la voie est ouverte. […]

Car résoudre la question Algérienne, […] c’est surtout, traiter un problème humain. […] 8 000 hectares de bonnes terres sont en voie d’attribution à des cultivateurs musulmans. […] Dans six semaines le pétrole d’Hassi-Messaoud arrivera sur la côte, à Bougie. Dans un an, celui d’Edjelé atteindra le golfe de Gabès. En 1960, le gaz d’Hassi-R’Mel commencera d’être distribué à Alger et à Oran, en attendant de l’être à Bône. Que la France veuille et qu’elle puisse poursuivre avec les Algériens  la tâche qu’elle a entreprise et dont elle seule est capable, l’Algérie sera dans quinze ans un pays prospère et productif.

Grâce au progrès de la pacification, au progrès démocratique, au progrès social, on peut maintenant envisager le jour où les hommes et les femmes qui habitent l’Algérie seront en mesure de décider de leur destin, une fois pour toutes, librement, en connaissance de cause. […]

Mais le destin politique, qu’Algériennes et Algériens auront à choisir dans la paix, quel peut-il être ? […] Les trois solutions concevables feront l’objet de la consultation. Ou bien : la sécession, où certains croient trouver l’indépendance. La France quitterait alors les Algériens qui exprimeraient la volonté de se séparer d’elle […]. Ou bien la francisation complète, telle qu’elle est impliquée dans l’égalité des droits ; les Algériens pouvant accéder à toutes les fonctions politiques, […] et devenant partie intégrante du peuple français, qui s’étendrait dès lors, effectivement, de Dunkerque à Tamanrasset. Ou bien : le gouvernement des Algériens par les Algériens, appuyé sur l’aide de la France et en union étroite avec elle, pour l’économie, l’enseignement, la défense, les relations extérieures […].

Le sort des Algériens appartient aux Algériens, non point comme le leur imposeraient le couteau et la mitraillette, mais suivant la volonté qu’ils exprimeront légitimement par le suffrage universel. »

 

Charles DE GAULLE (président de la République), allocution radio-télévisée prononcée au palais de l’Elysée le 16 septembre 1959