Les trois défis de la CEE à l’heure des premières élections européennes (1979)
« Le Parlement européen, tel qu’il a […] travaillé depuis la création de la première Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, a joué dès l’origine un rôle important, mais aussi un rôle croissant dans la construction de l’Europe. […] La novation historique que représente l’élection du Parlement européen au suffrage universel […] se produit précisément à un moment crucial pour les peuples de la Communauté. Tous les États de celle-ci sont en effet, aujourd’hui, confrontés à trois défis majeurs, celui de la paix, celui de la liberté, celui du bien-être, et il semble bien que la dimension européenne soit seule en mesure de leur permettre de relever ces défis.
Le défi de la paix, tout d’abord. Dans un monde où l’équilibre des forces a permis, jusqu’à présent, d’éviter le cataclysme suicidaire de conflits armés entre les superpuissances, on a vu se multiplier en revanche les affrontements locaux. […] Comme celles qui l’ont précédée, notre Assemblée est dépositaire de la responsabilité fondamentale de maintenir, quelles que soient nos divergences, cette paix qui est probablement, pour tous les Européens, le bien le plus précieux. […]
Le second défi fondamental, c’est celui de la liberté. Sur la carte du monde, les frontières du totalitarisme se sont étendues si largement que les îlots de la liberté sont cernés par ces régimes où règne la force. Notre Europe est l’un de ces îlots, et il faut se réjouir qu’au groupe des pays de liberté qui la composent soient venus se joindre la Grèce, l’Espagne et le Portugal, aux vocations aussi anciennes que les nôtres. La Communauté sera heureuse de les accueillir. […]
Enfin, l’Europe est soumise au grand défi du bien-être, je veux dire à la menace que constitue, pour le niveau de vie de nos populations, le bouleversement fondamental dont la crise pétrolière a été, depuis quelques cinq ans, à la fois le détonateur et le révélateur. Après avoir connu, pendant une génération, une progression des niveaux de vie dont le rythme élevé et soutenu n’avait existé à aucune période de l’Histoire, tous les pays d’Europe sont aujourd’hui confrontés à une sorte de guerre économique qui a débouché sur le retour d’un fléau oublié, le chômage, comme sur la mise en cause de la progression des niveaux de vie. […]
Pour relever les défis auxquels l’Europe est confrontée, c’est dans trois directions qu’il nous faudra l’orienter : l’Europe de la solidarité [entre les peuples, entre les régions, entre les personnes], l’Europe de l’indépendance [dans le domaine de la monnaie et de l’énergie], l’Europe de la coopération [avec les pays en voie de développement] […].
Issu de l’élection directe, le Parlement européen sera en mesure de jouer pleinement sa fonction de contrôle démocratique. […] L’élan nouveau que représente pour la Communauté la légitimité nouvelle de cette Assemblée doit être un facteur efficace d’impulsion. […] »
Simone VEIL (qui vient d’être élue présidente du premier Parlement européen élu au suffrage universel direct), discours devant le Parlement européen, Strasbourg, 17 juillet 1979