Remarques sur l’évolution de la situation des femmes en France depuis 1968 (Conseil économique et social)

« Lors du recensement de 1962, le nombre et la proportion des femmes dites « actives » engagées dans le monde du travail étaient les plus faibles qu’on ait connus en France, plus faibles encore que ceux des années 30, mais à partir de 1965, ces taux commencent à monter vite et fort. S’ouvre une période d’extension massive du salariat féminin, les intéressées investissant en particulier les emplois tertiaires. Et pourtant plus diplômées, plus actives, plus libres de leurs choix de vie, les femmes n’ont pas recueilli tous les avantages escomptés du développement de leur autonomie. Force est de constater que le principe « à travail égal, salaire égal », réaffirmé dans quatre lois votées depuis 1972, se heurte à la persistance de multiples discriminations, expression d’inégalités tenant aux modalités d’insertion des femmes sur le marché du travail et dans l’organisation des parcours professionnels. Et si les lois sur l’égalité professionnelle se sont multipliées, la résorption des disparités de carrières et des écarts de salaires évolue trop lentement.

Les années 1970 marquent parallèlement le début d’une évolution qui s’amplifiera par la suite des modes de vie des jeunes filles, tandis que les formes familiales se diversifient et que les relations de couple se fondent désormais sur des rapports égalitaires régis par la loi, tant en matière d’autorité parentale (loi du 4 juin 1970) que d’administration des biens de la famille (loi du 23 décembre 1985).

Emploi des femmes et organisation familiale ont certes évolué de concert, mais il n’en demeure pas moins que le travail domestique reste, de manière stable et quasi-imperturbable, un domaine encore largement dévolu aux femmes. Selon les enquêtes Emploi du temps de l’INSEE, depuis 20 ans, les hommes consacrent immuablement 2 heures par jour aux activités domestiques et parentales et les femmes plus du double (4 h 30 mn).

Les politiques publiques, les stratégies des entreprises prennent peu à peu en compte la conciliation vie professionnelle-vie familiale. Le partage du pouvoir, pour sa part, tant dans la sphère économique que politique, continue de se heurter à de très fortes résistances. L’accès des femmes aux lieux de décision ne progresse que très lentement et réclame une mobilisation et une vigilance constantes, et la timide extension de leur droit d’éligibilité ne repose que sur l’existence d’un dispositif législatif contraignant introduit par la loi du 6 juin 2000 dite de parité.

Pour autant, la société française est indéniablement féminisée, tout d’abord sur un plan quantitatif : il y a plus de femmes que d’hommes dans la population, cet écart s’accentuant avec l’âge. Au 1er janvier 2008, la population française (y compris Outre-mer) comptait 63,8 millions de personnes, dont 51,4 % de femmes (31,801 millions de femmes pour 30,075 millions d’hommes pour la seule métropole). Et, entre 1968 et 2008, la perception et la visibilité de cette féminisation se sont accentuées au niveau qualitatif, les femmes apparaissant de plus en plus présentes dans les différents domaines de la vie sociale et devenant des acteurs économiques à part entière. Les nouveaux droits qu’elles ont conquis ne suffisent toutefois pas à vaincre les difficultés, résistances et obstacles qui continuent de jalonner les différentes étapes de leur existence. »

 

« Évolution et prospective de la situation des femmes dans la société française, 1968-2008 ». Rapport du Conseil économique, social et environnemental, 2009 (La Documentation française)