Les femmes en politique : le « retard français » (2014)

« A l’avant-garde des pays européens pour établir le suffrage universel masculin en 1848, la France fut un des derniers pays à reconnaître leurs droits politiques aux femmes, en avril 1944. A cette date, les Finlandaises bénéficiaient depuis trente-huit ans du droit de voter et d’être élues, les Allemandes depuis vingt-cinq ans, les femmes britanniques depuis seize ans […].
S’il a suffi d’une ordonnance pour donner le droit de vote aux femmes, l’exercice de leur droit d’être élues s’est révélé plus difficile. Durant les vingt premières années de la Ve République, de 1958 à 1978, les femmes sont moins de 4% à siéger à l’Assemblée nationale. Et moins de 6% jusqu’au milieu des années 1990. Aujourd’hui, seuls 27% des députés sont des femmes, ce qui place la France au 48e rang du palmarès mondial, derrière le Turkménistan.
Pour assurer l’égalité réelle de candidature, l’idée radicale de parité a fini par s’imposer en France, inscrite depuis 1999 dans la loi constitutionnelle : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. » […]
Quatorze ans après la réforme, la parité numérique est en passe d’être réalisée dans les assemblées élues au scrutin de liste, par exemple les conseils municipaux des villes de plus de 1 000 habitants (48 % d’élues en 2014). Mais la parité reste un objectif lointain dans les assemblées élues en totalité ou en partie au scrutin majoritaire (22 % d’élues au Sénat).
La réforme paritaire a aussi échoué sur l’obstacle de la hiérarchie des fonctions, qui reste très sexuée : en 2008, 86 % des maires étaient de sexe masculin. Les élections municipales de 2014 ont un peu changé les choses. La part de conseillères municipales est passée de 35 % à 40 % sur l’ensemble de la France – et à 48% pour les villes de 1 000 habitants et plus. En revanche, à peine plus de 17% de femmes ont été désignées têtes de liste (contre 16,5 % en 2008). Il revient toujours aux hommes d’occuper le sommet de la « pyramide » des pouvoirs. »

 

Frédéric JOIGNOT, « Citoyennes, le retard français », Le Monde, 19 avril 2014