Le Liban et ses ressources pétrolières

« En l’état actuel des choses, il semble bien qu’un potentiel non négligeable d’hydrocarbures pourrait être découvert dans la Zone économique exclusive (ZEE) [du Liban] de 22 730 km², dont la majeure partie a été couverte par des relevés sismiques en 2D et 3D réalisés en 2010-2012 par les sociétés PGS et Spectrum, et plus récemment sur le littoral par [la société] NOOS. L’interprétation des données acquises offshore permet de penser qu’il y a de fortes probabilités d’existence d’importantes réserves de pétrole. […] Les estimations sont de l’ordre de 800 millions de barils. […]
Mais après avoir suscité un immense intérêt, les perspectives de découverte de pétrole et de gaz naturel se sont éloignées et les moyens pour y parvenir font du surplace depuis près de trois ans. Les raisons de ce retard sont d’ordre externe et interne. Les raisons externes résident dans un différend territorial avec Israël sur la délimitation des frontières maritimes, ainsi que dans la chute brutale des prix du pétrole et du gaz depuis le milieu de 2014, chute qui a considérablement réduit, pour l’immédiat, l’intérêt des sociétés internationales. Quant aux facteurs internes, ils portent sur les rivalités et les tractations politiques, aggravées par les critiques qui ont abouti à la non-approbation de deux projets d’application indispensables à l’amorce de négociations et à la conclusion d’accords exploration/production avec les sociétés internationales capables d’investir et d’extraire des hydrocarbures sous des profondeurs d’eau allant jusqu’à 1 500-2 000 mètres. […]
L’inexistence jusqu’ici au Liban d’une société pétrolière nationale et la nécessité évoquée épisodiquement de création d’une telle société sont très révélateurs de l’absence d’une politique énergétique nationale tant soit peu claire, ainsi que de la faiblesse du pouvoir politique face à certains intérêts privés. […] Au Liban, les arguments généralement évoqués contre l’établissement rapide d’une telle société sont les craintes de mauvaise gouvernance et de corruption, les rivalités claniques et intercommunautaires, l’insuffisance de cadres nationaux ou de ressources financières. […]
Quels qu’en soient les prétextes, ceux qui invoquent ce genre d’arguments semblent oublier que les sociétés Saudi Aramco, ADNOC, NIOC, Sonatrach, ENI, Total, Statoil, OMV et autres NOCs* dans le monde ne sont pas de simples distributeurs de produits pétroliers. Leur champ d’action ne se limite évidemment pas à l’exploration/production, mais s’étend de l’amont à l’aval, en passant par le transport, le raffinage, la distribution, la pétrochimie et bien d’autres industries, activités et services qui y sont associés. Elles sont même devenues, surtout dans les pays en développement, comme le Liban, la véritable colonne vertébrale de l’économie nationale. […] Ainsi, et aussi étrange que cela puisse paraître, le Liban est aujourd’hui le seul pays arabe, et l’un des rarissimes au monde, à ne pas disposer d’une société pétrolière nationale. Chose qu’il aurait dû faire dès les premières années de l’indépendance. »

 

*Sociétés pétrolières originaires d’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis, d’Iran, d’Algérie, d’Italie, de France, de Norvège, d’Autriche et de Libye.

 

Extrait d’une conférence de l’économiste Nicolas SARKIS, « Le Liban et ses
ressources pétrolières », 27 juin 2016