Le Liban et ses ressources pétrolières
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« Pour la première fois, un navire marchand chinois est en route vers l’Europe par un raccourci polaire, grâce à la fonte des glaces dans l’Arctique. Ce navire, appartenant au géant chinois du fret maritime Cosco, a quitté jeudi 8 août son port de Dalian, dans le nord-est du pays, et devrait atteindre l’Europe en trente-trois jours en empruntant le passage du Nord-Est, qui longe les côtes septentrionales de la Sibérie. […] Ce cargo doit franchir le détroit de Béring le 25 août, avant de commencer sa traversée de l’océan Arctique, cette route maritime du Nord-Est n’étant praticable que l’été […].
La Chine, premier exportateur mondial, porte un grand intérêt à cette nouvelle route maritime, qui lui permet d’éviter les délais du canal de Suez et de réduire de plusieurs milliers de kilomètres ses trajets vers l’Europe, son premier partenaire commercial.
Environ 90 % des échanges commerciaux de la Chine passent par la mer. Pékin espère que le raccourci polaire sera également bénéfique au développement de ses ports du nord-est du pays.
La route maritime du Nord-Est, sur laquelle la Russie facilite la navigation en imposant la location de ses brise-glaces, devrait jouer un rôle croissant dans les échanges internationaux. […]
Conséquence du réchauffement climatique qui accélère la débâcle de la banquise, un passage du Nord-Ouest s’est également ouvert de l’autre côté du pôle Nord, côté canadien. Plus tortueux, il est très mal équipé en infrastructures.
Le trafic dans ces eaux arctiques reste toutefois encore embryonnaire au regard des routes traditionnelles via le canal de Panama (15 000 transits par an) ou de Suez (19 000). Mais le volume de marchandises transportées par la route du Nord-Est devrait se multiplier dans les années à venir : de 1,26 million de tonnes l’an dernier, le trafic passera à 50 millions de tonnes en 2020, selon la Fédération des armateurs norvégiens. »
« Pour la première fois, un cargo chinois en route vers l’Europe traverse l’Arctique », article publié sur le site du Monde à partir d’un dépêche AFP, 10 août 2013
« Durant ce demi-siècle de développement de la prospection et de la consommation pétrolière s’étendant des années 1920 aux années 1970, l’or noir fut très bon marché pour celui qui l’importait. C’était particulièrement vrai s’agissant du brut du Moyen-Orient qui cumulait trois précieux avantages, être léger et de bonne qualité (l’Arabian light, surtout en Arabie saoudite), être aisément accessible et extractible, enfin être facilement transportable via soit le détroit d’Ormuz, soit des pipe line traversant l’ouest de l’Arabie. […]
Il est universellement admis que la donne change en 1973 avec le premier choc pétrolier ; les pays arabes de l’OPEP […] quadruplent en quelques semaines le prix du baril pendant et après la guerre du Kippour d’octobre (officiellement pour punir l’Occident de son soutien présumé à lsraèl alors confronté à la coalition syro-égyptienne), plongeant celui-ci — énergétiquement gourmand mais largement dépourvu — dans une crise économique dont il ne sortira jamais tout à fait. En quelques années, ce premier choc pétrolier draine vers les pays exportateurs de pétrole — à commencer par l’Arabie saoudite et les petites pétromonarchies du Golfe, ainsi que l’Iran et l’Irak — plus de 1 000 milliards de dollars. Lors du second choc pétrolier de 1979-80, dû simultanément à la chute du Shah d’lran au profit d’une République islamique et au déclenchement subséquent de la guerre Iran-Irak, le cours du baril de brut s’envole à nouveau ; on passe alors de 14$ en novembre 1978 à 35$ en décembre 1980. […]
Or, comment sont gérés ces flux considérables ? A quoi servent-ils ? Quel usage en font les dirigeants présidant aux destinées d’Etats bénéficiant de cette avalanche sans précédent de devises ? L’Irak de Saddam HUSSEIN et l’Iran du Shah modernisent quelque peu leurs infrastructures (réseau de transports notamment), et achètent des armes. Mais Bagdad et Téhéran ne profitent que peu de cet âge d’or du premier choc pétrolier puisque dès 1980 et pour huit années, ils dilapident la manne dans une guerre extrêmement destructrice et budgétivore. Au sein des régimes bédouins du Golfe — tribaux, autoritaires et clientélistes — ni l’agronomie, ni l’industrie, ni la recherche, ni les réseaux de transport et moins encore le high tech ne bénéficient alors des formidables retombées pétrolières. Tout juste certains services — les banques essentiellement — se modernisent-ils. En réalité, nouveaux riches à la tête d’Etats minuscules (sauf l’Arabie, vaste quoique quasi totalement désertique) et très peu peuplés, les familles régnantes adoptent un train de vie excessivement coûteux et engagent des années durant des dépenses somptuaires : hôtels et villas de luxe, aras, casinos, bijoux, bateaux de croisière ou encore avions privés pour les particuliers, et armements lourds pour l’Etat. Dans l’absolu, ces dépenses ne sont pas plus stupides que d’autres, sauf qu’elles apparaissent improductives et consenties pour l’essentiel hors du territoire national. Ainsi, la plus grande part des sommes astronomiques engrangées par un pays comme l’Arabie saoudite (principal exportateur mondial de brut) depuis son premier choc pétrolier de 1973, ont été réinvesties ou purement dépensées… en Occident !
Mais le pire se trouve vraisemblablement ailleurs ; la grande facilité liée aux formidables revenus pétroliers décourage en profondeur le travail, les innovations, les études et la valorisation du savoir, la formation professionnelle, la recherche technologique. Parallèlement, on ne trouve plus de locaux acceptant de travailler aux tâches liées à l’exploitation du pétrole ainsi qu’aux labeurs pénibles de façon générale ; on procède donc au recrutement de centaines de milliers travailleurs asiatiques, masse de travail taillable et corvéable à merci. A ce problème économico-démographique — dans certains émirats la population étrangère sera plusieurs fois supérieure aux locaux — et des milliards de dollars de parts de salaires s’écouleront vers l’Inde, les Philippines et le sud-est asiatique — s’ajoute, plus crucial, celui de la déficience en matière de haute technologie. Car, d’abord, sans motivation ni marché intérieur assez développé, les jeunes cerveaux vont se former en Occident (pour souvent y rester, notamment aux Etats-Unis), ensuite, sans investissements nationaux suffisants, le booster économique, financier et stratégique représenté par le high tech dès les années 1990-2000 passera à côté de ces Etats demeurés mono-exportateurs. […]
En outre la concurrence fait rage. Le nombre de gisements a augmenté dans les années 2000, concurrençant le brut saoudien ou émirati. Par ailleurs, quid de la volonté de grands importateurs de se diversifier ? Les Etats-Unis, qui furent encore de loin en 2010 les premiers consommateurs de pétrole brut avec plus de 600 millions de barils importés, ont ainsi déjà commencé à diversifier leurs sources d’approvisionnement afin de moins dépendre de l’arc d’instabilité chronique moyen-oriental, et de leur fragile allié saoudien en particulier. […] Que se passerait-il si la Chine et peut-être plus tard l’Inde dans son sillage choisissaient également de s’approvisionner à d’autres sources ? »
Frédéric ENCEL, « Le pétrole du Moyen-Orient est-il géopolitiquement si précieux ? Réflexions autour d’une contestable centralité économique, stratégique et énergétique », Management & Avenir, 2011/2 (n° 42), p. 281-292
« La place financière de Londres […] devient la première place financière mondiale à la fin du XIXe siècle en lien systémique avec un Empire victorien « sur lequel le soleil ne se couche jamais ». […] Ses principaux atouts sont l’usage généralisé de l’anglais dans les métiers de la finance, sa localisation géographique qui permet d’articuler grâce au jeu des fuseaux horaires les marchés asiatiques et américains, des réglementations très souples et une fiscalité très avantageuse, la concentration du personnel hautement qualifié que s’arrachent les entreprises (hauts salaires et primes nombreuses, intéressement aux résultats…). […]
Entre 2008 et 2010, le système bancaire et financier a été très sévèrement touché notamment par la quasi-faillite, la vente ou la nationalisation de beaucoup des grandes banques britanniques. […] Dans l’espace central de la métropole londonienne, la City est hégémonique politiquement, économiquement, culturellement et socialement. Elle participe en particulier activement au remodelage des fonctions métropolitaines centrales avec les loyers les plus chers d’Europe Occidentale et un marché de l’immobilier d’entreprises étroitement dépendant du dynamisme du secteur financier et bancaire. Entre 1998 et 2011, la valeur ajoutée dégagée par la finance est multipliée par deux pour représenter aujourd’hui 20 % de l’économie londonienne. Avec plus de 500 institutions financières anglaises et surtout étrangères (banques d’affaires, banques d’investissement, assurances…), la City concentre l’essentiel de l’économie financière britannique tournée vers les marchés mondiaux. […]
Après avoir augmenté de 41 % entre 1987 et 2007 dans une City alors en plein essor, les emplois dans les services financiers directs (banques, assurances, fonds) reculent du fait de la crise pour représenter aujourd’hui 238 000 salariés, alors que les énormes bonus aux traders sont tombés de 11,4 à 1,6 milliards de livres entre 2007 et 2013. Mais la force de la place financière londonienne réside tout autant dans la force des emplois induits qui représentent 465 000 postes, soit 704 000 emplois directs au total. […]
Face à sa spécialisation dans les fonctions financières internationales, l’espace de la City compte moins de 10 000 habitants permanents et se vide très largement les nuits ou les week-ends de ses actifs, donnant ainsi d’ailleurs son nom au phénomène bien connu de « city » dans les quartiers d’affaires des grandes métropoles. Les salariés de la City habitent donc dans d’autres quartiers et utilisent massivement les réseaux de transport en commun, largement sous-calibrés et saturés aux heures de pointe, pour y accéder. Dans ces conditions, la City participe aux profondes ségrégations spatiales et fonctionnelles organisant la zone centrale de l’agglomération. »
Laurent CARROUE, La planète financière. Capital, pouvoirs, espace et territoires, Paris, Armand Colin, 2015, p. 183-191
« Grâce au progrès de la pacification, au progrès démocratique, au progrès social, on peut maintenant discerner le moment où les femmes et les hommes qui habitent l’Algérie seront en mesure de décider de leur destin une fois pour toutes, librement, en connaissance de cause. Compte tenu de toutes les données, algériennes, nationales, internationales du problème, je considère comme nécessaire que ce recours à l’autodétermination soit proclamé aujourd’hui. Je poserai la question aux Algériens, en tant qu’ils sont des individus. Car, depuis que le monde est le monde, il n’y a jamais eu d’unité, ni à plus forte raison de souveraineté algérienne : Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes de Syrie, Arabes de Cordoue, Turcs, Français ont tour à tour pénétré le pays sans qu’à aucun moment et d’aucune façon il y ait eu un Etat algérien. Quant à la date du vote, je la fixerai le moment venu, mais au plus tard 4 années après la paix revenue : j’entends par là une situation telle qu’embuscades et attentats ne coûteront pas la vie de plus de 200 personnes en un an. Ce critérium permettra de commencer la période où tout devrait être remis en place, où les libertés publiques et individuelles seront rétablies, où la vie normale reprendra, où les prisons et les camps seront vidés, où les exilés pourront rentrer et où la population sera en mesure de prendre conscience de l’enjeu. Je déclare d’avance que j’invite à cette consultation, à assister à cet aboutissement décisif, j’invite les informateurs du monde entier et je leur garantis qu’ils pourront faire leur office sans entrave. Mais, ce destin politique que les Algériennes et les Algériens auront à choisir dans la paix, quel peut-il être ? Comme il est de l’intérêt de tout le monde et comme il est de l’intérêt de la France que la question soit tranchée sans aucune ambiguïté, nous regardons les choses comme elles sont. En fait de destin politique, chacun sait qu’on peut en imaginer trois. Eh bien, les trois solutions concevables seront l’objet de la consultation. Ou bien la sécession où certains croient trouver l’indépendance. Alors la France quitterait les Algériens qui auraient manifesté la volonté de se séparer d’elle ; ils organiseraient sans elle le territoire où ils habitent, les ressources dont ils peuvent disposer, le gouvernement qu’ils souhaitent. Pour ma part, je considère qu’un tel aboutissement serait invraisemblable et désastreux. L’Algérie étant actuellement ce qu’elle est, et le monde ce que nous savons, la conséquence de la sécession serait une misère épouvantable, un affreux chaos politique, un égorgement généralisé et bientôt la dictature belliqueuse des communistes. Mais il faut que le démon soit exorcisé et qu’il le soit par les Algériens. Car, si par un extraordinaire malheur il devait arriver que telle fut leur volonté, la France cesserait à coup sûr de consacrer tant de valeurs et tant de milliards à une cause sans espérance. Dans cette triste hypothèse, il va de soi que ceux des Algériens de toute origine qui voudraient rester Français le resteraient ; que la France réaliserait, si c’était nécessaire, leur regroupement et leur établissement ; et que toute disposition serait prise pour que l’exploitation, l’acheminement, l’embarquement du pétrole saharien, qui sont l’oeuvre de la France et qui intéressent tout l’Occident, soient assurés, quoiqu’il arrive. Ou bien la francisation complète, telle qu’elle est d’ailleurs impliquée dans l’égalité des droits. Les Algériens pouvant accéder à toutes les fonctions politiques, administratives, judiciaires, entrer dans tous les services publics, bénéficiant en fait de traitement, de salaire, d’assurance sociale, d’instruction, de formation professionnelle, de toutes les dispositions prévues pour la Métropole ; résidant et travaillant où bon leur semble, sur toute l’étendue du territoire de la République ; bref, vivant en moyenne sur le même pied, au même niveau que les autres citoyens et faisant partie intégrante du peuple français qui dès lors s’étendrait effectivement depuis Dunkerque jusqu’à Tamanrasset. Ou bien, le gouvernement des Algériens par les Algériens, appuyé sur l’aide de la France et en union étroite avec elle pour l’économie, l’enseignement, la défense, les relations extérieures. Dans ce cas il faudrait que le régime intérieur de l’Algérie fut du type fédéral pour que les communautés diverses : Française, Arabe, Kabyle, Mozabite, etc., qui cohabitent dans le pays y trouvent des garanties de leur vie propre et un cadre pour leur coopération. »
Discours de DE GAULLE (alors président de la République) sur l’autodétermination du 16 septembre 1959
« Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, des attaques à main armée, des attentats à la bombe, des sabotages de lignes et de voies de communication, des incendies enfin ont eu lieu sur l’ensemble du territoire algérien, de Constantine à Alger et d’Alger à Oran.
Dans le département de Constantine, vous le savez, se produisirent les événements les plus graves. Là, cinq personnes furent tuées : un officier, deux soldats qui remplissaient leur devoir, un caïd et un instituteur […] De jeunes instituteurs sont venus accomplir – et c’était le premier jour-la tâche qu’ils avaient choisie. Et voilà qu’ils sont frappés. Sauront-ils pourquoi ? Sans doute non, les choses sont vite faites. Assassinés, ils ont quand même le temps d’apercevoir le frère musulman qui tente de les défendre et qui meurt le premier […]
Voilà donc qu’un peu partout, d’un seul coup, se répand le bruit que l’Algérie est à feu et à sang. De même que le Maroc et la Tunisie ont connu ce phénomène du terrorisme individuel dans les villes et dans les campagnes, faut-il que l’Algérie ferme la boucle de cette ceinture du monde en révolte depuis quinze ans contre les nations qui prétendaient les tenir en tutelle ?
Eh bien ! non, cela ne sera pas, parce qu’il se trouve que l’Algérie, c’est la France, parce qu’il se trouve que les départements de l’Algérie sont des départements de la République française. Des Flandres jusqu’au Congo, s’il y a quelque différence dans l’application de nos lois, partout la loi s’impose et cette loi est la loi française ; c’est celle que vous votez parce qu’il n’y a qu’un seul Parlement et qu’une seule nation dans les territoires d’outre-mer comme dans les départements d’Algérie comme dans la métropole. »
Discours à l’Assemblée nationale du ministre de l’Intérieur François MITTERRAND le 12 novembre 1954
« Au moment où éclate l’insurrection le 1er novembre 1954, « l’Algérie c’est la France », selon le mot de François MITTERRAND, alors ministre de l’Intérieur dans le cabinet de Pierre MENDES FRANCE. Elle représente trois départements français, beaucoup plus, donc qu’une colonie lointaine comme le Sénégal. […] Une organisation jusque-là inconnue, revendique toutes les opérations militaires : le Front de libération nationale (FLN).
À cette date, près d’un million d’Européens, ceux que l’on appellera plus tard les « pieds-noirs », travaillent [en Algérie] et y vivent depuis des générations. […] Il semble hors de question d’abandonner un territoire rattaché à la France depuis cent trente ans, avant même la Savoie (1860). La découverte du pétrole, le choix d’utiliser l’immensité saharienne pour le début d’expériences nucléaires ou spatiales vont venir s’ajouter à ces motifs dans le cours même de la guerre. […] Neuf millions d’Algériens musulmans sont de faux citoyens d’une République qui se veut assimilationniste : ils votent dans un collège séparé de celui des Européens depuis 1947. Le principe d’égalité, « un homme, une voix », n’y est pas respecté. L’idée d’indépendance, partagée par une proportion croissante d’Algériens, apparaît comme la seule façon de dénouer cette contradiction. […]
En janvier 1955, le gouvernement élabore un programme de réformes pour l’Algérie : création, à Alger, d’une École d’Administration afin de favoriser l’accès des Algériens musulmans aux postes de responsabilité dans la fonction publique […], réduction de l’écart entre salaires algériens et salaires européens (le revenu brut de l’Européen d’Algérie est vingt-huit fois supérieur à celui du musulman) ; mise en chantier de grands travaux d’équipement (des zones entières ne connaissent ni routes, ni bureaux de mairie, ni bureaux de postes) ; faire face à l’état de misère économique de nombreuses régions d’Algérie, aux difficultés entraînées par une très forte pression démographique (on compte 850 000 chômeurs partiels ou totaux pour une population active de 2 300 000 salariés). […] Trop tard : tout bascule le 20 août 1955.
Le 20 août 1955, des milliers de paysans algériens se soulèvent et se ruent à l’assaut des villes du Nord-Constantinois. […] De nombreux Français, mais aussi des musulmans sont assassinés à coups de hache, de serpe, de pioche ou de couteau. Le bilan des émeutes se solde par 123 morts, dont 71 dans la population européenne. La répression est terrible. […] La France « entre en guerre », rappelle 60 000 réservistes. Le temps des réformes est révolu. Le 30 septembre 1955, la « question algérienne » est inscrite à l’ordre du jour de l’ONU. […]
Le 26 avril 1958, plusieurs milliers de manifestants défilent à Alger pour réclamer un gouvernement de salut public. La veille, le général SALAN informe que l’armée n’acceptera rien d’autre que l’écrasement total des « rebelles ». Depuis un mois, le Parlement se révèle incapable de trouver un nouveau président du Conseil. Désemparé, le président René COTY fait appel, le 8 mai, au centriste Pierre PFLIMLIN (MRP) qui a publiquement annoncé son intention d’ouvrir des négociations avec le FLN. SALAN proteste officiellement, et de nombreux leaders des Européens d’Algérie dénoncent ce « Diên-Biên-Phu diplomatique ». Le même jour, le FLN annonce l’exécution de trois prisonniers du contingent. La situation échappe à Robert LACOSTE, qui est convoqué à Paris le 10 mai.
En Algérie, l’armée semble demeurer la seule autorité ; les « comités de défense de l’Algérie française », les anciens combattants et les pieds-noirs appellent à une manifestation monstre le 13 mai 1958 pour imposer outre-Méditerranée un changement de régime. Cette journée aura d’extraordinaires conséquences. […] Tandis qu’en métropole le gouvernement PFLIMLIN, investi dans la nuit du 13 au 14, affirme sa volonté de défendre la souveraineté française et réagit à l’émeute en déclarant le blocus de l’Algérie, le général SALAN couvre de son autorité la réunion improvisée d’un « Comité de salut public », présidé par le général MASSU. […] En fin politique [DE GAULLE] a refusé de se prononcer tant qu’il n’aurait pas le pouvoir. Ce qu’il souhaite d’abord, c’est « restaurer l’autorité de l’État », entrer dans un nouveau régime taillé à sa mesure, doté d’un pouvoir présidentiel fort. […]
L’armée et les pieds-noirs assistent avec joie à la cascade des événements : démission de PFLIMLIN, suivie, le 1er juin 1958, de l’investiture du général DE GAULLE par l’assemblée. […] C’est la fin de la IVe République et l’avènement de la Ve République. Une nouvelle Constitution est proposée qui donne de grands pouvoirs au président de la République. Le 28 septembre, Européens et musulmans votent massivement en faveur de la Constitution de la Ve République. Le 21 décembre, le général DE GAULLE est élu président de la République française. […]
À la fin de l’année 1961 […] les négociations avec le FLN butent sur la question saharienne et doivent être momentanément suspendues. En Algérie, l’OAS (Organisation armée secrète) dont les objectifs sont simples : rester fidèles à l’esprit du 13 mai 1958, résister à la politique du désengagement algérien menée par le pouvoir gaulliste, se lance aussi dans le terrorisme, les coups de main spectaculaires (hold-up sur des banques ou sur des entreprises pour se procurer des fonds), expéditions sanglantes contre des Algériens musulmans. […]
Le 19 mars 1962, à midi, le cessez-le-feu conclu la veille, lors de la signature des accords d’Évian, devenait effectif. […] Le conflit d’après les approximations les plus vraisemblables a fait 500 000 morts (toutes catégories confondues mais surtout Algériens). Dans les mois qui ont suivi l’indépendance algérienne, les massacres de dizaines de milliers de « harkis », les enlèvements d’Européens (surtout dans la région d’Oran), ont alourdi considérablement le bilan déjà très lourd de cette « guerre sans nom ». […] En France, si les victimes furent beaucoup moins nombreuses, le traumatisme n’en a pas été moins puissant. Faut-il rappeler que près de 2 000 000 de soldats ont traversé la Méditerranée entre 1955 et 1962, soit la plupart des jeunes nés entre 1932 et 1943 qui étaient susceptibles d’être appelés ? Toute une génération s’est donc trouvée embarquée pour une guerre dont elle ne comprenait pas les enjeux. »
Benjamin STORA, Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), Paris, La Découverte, 2004, p. 3, 4 et 10.