Les mutations de la place des femmes dans le monde professionnel

« Depuis toujours les femmes travaillent, cela, il faut le dire et le redire. Elles étaient agricultrices dans l’économie rurale. Au XIXe siècle, elles ont également travaillé comme nourrices, domestiques et ouvrières, mais le salariat était encore très peu développé, y compris dans l’industrie. Car ce qui a en réalité varié, ce sont les formes de leur travail, leur statut et leur visibilité. Ainsi, l’explosion du salariat à partir des années 1960 a rendu leur travail beaucoup plus visible. Nous avons en effet connu une féminisation très forte du marché du travail : au début des années 1960, les femmes ne représentaient que le tiers de la population active ; elles en constituent désormais la moitié. […]

De même, alors que le taux d’activité des femmes de 25 à 49 ans était de 40 %, il est désormais de 85 %. Mutation profonde, les femmes ne s’arrêtent plus de travailler quand elles ont des enfants. Il ne s’agit pas là seulement d’économie, c’est également une transformation sociale majeure. On a rencontré ces transformations partout en Europe, mais le processus a été particulièrement rapide et accentué en France. A partir des années 1960, la féminisation du salariat s’est faite au pas de charge. Et de façon continue : entamée au temps des Trente Glorieuses, c’est une lame de fond qui se poursuit encore actuellement. En ce début de XXIe siècle, les taux d’activité des femmes continuent de croître. […]

Outre la formidable avancée du salariat féminin, […] il faut rappeler la progression continue de leur niveau d’instruction. De même, la féminisation du salariat s’est aussi traduite par une diversification des secteurs investis par les femmes, et la mixité est en particulier plus forte, comme le montrent les travaux de Monique MERON, dans les jeunes générations […]. Surtout, nombre de métiers se sont féminisés sans se dévaloriser, c’est important de le rappeler. C’est le cas des professions de médecin, d’avocat, de journaliste…, autant d’exemples qui nous prouvent que le destin des métiers qui se féminisent n’est pas de se dévaluer. »

 

Margaret MARUANI (sociologue), « Depuis toujours les femmes travaillent », Alternatives économiques, hors-série « Pratique » n°51, septembre 2011