Jacques CHIRAC et l’inauguration du Musée Charles-de-Gaulle (2000)

« En consacrant une aile du musée des Invalides à la Seconde Guerre mondiale, le chef de l’État poursuit son « devoir de mémoire ».

Le président de la République avait promis ce musée dès la fin 1995 aux quelque quatre mille survivants de la France libre. Il voulait y voir figurer les images d’une France héroïque et courageuse au cœur du chaos de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi celles de la collaboration. Dimanche 18 juin, après la traditionnelle cérémonie de recueillement au mont Valérien, Jacques CHIRAC devrait donc, enfin, inaugurer le Musée Charles-de-Gaulle, « Seconde Guerre mondiale, France libre, France combattante », qui occupera désormais une aile du Musée militaire des Invalides, quatrième musée français pour sa fréquentation.

C’est la première fois que seront montrées, dans un musée militaire, les images glorieuses de la Résistance mêlées à celles, plus sombres, de la débâcle puis de Vichy. M. CHIRAC a fait de ce « devoir de mémoire » un des aspects marquants de sa présidence. Dès son arrivée à l’Élysée, le président a en effet montré que, s’il continuait de revendiquer le parrainage gaulliste, il entendait aussi rompre avec l’histoire magnifiée d’une France ayant héroïquement gagné sa place aux côtés des vainqueurs. Le chef de l’État, cédant au symbole, a ainsi fait revenir dans son bureau le mobilier du général DE GAULLE. Mais, moins de trois mois après son élection, le 16 juillet 1995, jour du 53e anniversaire de la rafle du Vél’ d’Hiv’, il a provoqué dans les rangs de son propre camp une sorte de séisme idéologique, historique et politique. Le choc tenait en une phrase : « Oui, la folie criminelle de l’occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l’État français. » Jusqu’ici, au sein des rangs gaullistes notamment, beaucoup s’en tenaient encore à la version de l’écrivain André FROSSARD, résumant la volonté du général DE GAULLE : « Vichy fut une espèce de syndic de faillite, ce n’était pas la France. »

« Assumer son histoire »

Depuis, M. CHIRAC n’a jamais cessé d’appeler les Français à regarder leur histoire « en face ». Inaugurant, en 1997, le mémorial des Justes, en plein procès Papon, le président a ainsi redit : « Notre pays doit assumer toute son histoire. Le blanc comme le gris. Les heures de gloire comme les zones d’ombre. Pour cela, pour bâtir son avenir sur des bases plus claires, il accomplit aujourd’hui un difficile travail de mémoire. » En ce 18 juin 2000, il devrait encore insister sur ce « devoir de mémoire », même s’il ne manque pas d’exalter les valeurs qui ont fondé la Résistance : le courage, l’héroïsme, l’honneur.

À la fin de 1995, c’est en ce sens que M. CHIRAC a répondu à la démarche du général Jean SIMON et de Georges-Antoine CAÏTUCOLI, président et vice-président de l’Association des Français libres, qui venaient évoquer avec lui la création de ce musée. Durant les quatre années qui auront été nécessaires à sa réalisation, le président a suivi l’avancement des travaux comme la conception muséologique de l’exposition. Plusieurs des derniers représentants de la France libre, pour la plupart octogénaires, devraient être présents lors de l’inauguration. La veille, l’Association des Français libres se sera autodissoute, « afin de ne pas offrir une image dégradée par l’accumulation des ans ». Le musée aura pris le relais. »

Raphaëlle BACQUE, « Jacques CHIRAC et l’inauguration du Musée Charles-de-Gaulle », Le Monde, 18 juin 2000.