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Vers un « Etat tentaculaire et inefficace » ? (J. CHABAN-DELMAS, 1969)

« Tentaculaire et en même temps inefficace : voilà, nous le savons tous, ce qu’est en passe de devenir l’État, et cela en dépit de l’existence d’un corps de fonctionnaires, très généralement compétents et parfois remarquables.
Tentaculaire, car, par l’extension indéfinie de ses responsabilités, il a peu à peu mis en tutelle la société française tout entière.
Cette évolution ne se serait point produite si, dans ses profondeurs, notre société ne l’avait réclamée. Or c’est bien ce qui s’est passé. Le renouveau de la France après la Libération, s’il a mobilisé les énergies, a aussi consolidé une vieille tradition colbertiste et jacobine, faisant de l’État une nouvelle providence. Il n’est presque aucune profession, il n’est aucune catégorie sociale qui n’ait, depuis vingt-cinq ans, réclamé ou exigé de lui protection, subventions, détaxation ou réglementation. Mais, si l’État ainsi sollicité a constamment étendu son emprise, son efficacité ne s’est pas accrue car souvent les modalités de ses interventions ne lui permettent pas d’atteindre ses buts. »

 

Discours du Premier ministre Jacques CHABAN-DELMAS à l’Assemblée nationale, 16 septembre 1969 (discours dit de « la nouvelle société » en intégralité)

« L’Amérique doit continuer à diriger le monde » (Bill CLINTON, 1993)

« Aujourd’hui, une génération née dans l’ombre de la Guerre froide assume de nouvelles responsabilités, dans un monde réchauffé par le soleil de la liberté, mais menacé encore par de vieilles haines et par de vieux fléaux. Élevés dans une prospérité sans rivale, nous héritons d’une économie qui est toujours la plus puissante du monde […]
Aujourd’hui, alors qu’un ordre ancien disparaît, le nouveau monde est plus libre, mais moins stable. La chute du communisme a réveillé de vieilles animosités et engendré de nouveaux dangers. C’est clair, l’Amérique doit continuer à diriger ce monde que nous avons tant contribué à bâtir. […] Quand nos intérêts vitaux sont menacés, ou que la volonté et la conscience de la communauté internationale sont défiées, nous devons intervenir, par la diplomatie pacifique tant que c’est possible, par la force si nécessaire. […] Mais notre plus grande force, c’est le pouvoir de nos idées, qui sont encore nouvelles dans de nombreux pays. […] Nos espoirs, nos cœurs, nos mains sont avec ceux qui sur chaque continent construisent la démocratie et la liberté. Leur cause est la cause de l’Amérique. »

 

Discours d’investiture de Bill CLINTON (président des États-Unis de 1993 à 2001) prononcé le 20 janvier 1993

Maastricht, une « nouvelle étape » dans la construction européenne

« À Maastricht, aujourd’hui, s’accomplit une nouvelle étape pour l’Europe que nous bâtissons dans la solidarité. Le Traité qui va être signé constitue un pas décisif sur le chemin de l’union européenne, objectif ambitieux, d’un processus sans précédent dans l’Histoire de notre temps. D’aucuns diront que nous nous sommes arrêtés en-deçà de ce qui était souhaitable ; d’autres estimeront que nous sommes allés trop loin. Tout compte fait, je suis convaincu que le Traité qui recueille aujourd’hui notre adhésion correspond à un sage équilibre entre l’ambition et la prudence, l’idéalisme et le pragmatisme, la solidarité et la subsidiarité. C’est un résultat qui répond à la réalité d’aujourd’hui et se projette dans l’avenir. Ce n’est pas une étape finale ; c’est, bien plus, le début d’un nouveau cycle. […]
La chute des régimes communistes de l’Europe de l’Est, la désintégration de l’Union soviétique et la reconnaissance quasi-universelle de la primauté des valeurs démocratiques et de l’économie de marché ont profondément altéré les équilibres géostratégiques en fonction desquels le monde s’était organisé au cours de ces dernières décennies. Dans ce contexte, l’Europe communautaire est confrontée à des responsabilités croissantes qu’elle ne peut ni ne doit éluder. […]
La création d’une politique extérieure et de sécurité commune, dont les axes principaux devront déjà être définis au Sommet de juin à Lisbonne, et la formulation d’une politique de défense commune constituent des développements politiques de l’intégration européenne qui permettront à la Communauté d’assumer d’une façon cohérente et explicite la défense de ses intérêts fondamentaux et d’intervenir de manière croissante sur la scène internationale, d’une seule voix, et avec plus de force. Par ailleurs, les progrès de l’intégration économique et monétaire constituent le corollaire obligé des efforts de construction européenne en plus de trois décennies, et devraient apporter à la vie.de la Communauté un nouveau dynamisme.
L’élargissement des compétences communautaires constitue un facteur de mobilisation des Européens pour la construction de l’Union européenne. D’une part, c’est la dimension humaine de la construction européenne qui s’en trouve renforcée, par la création du concept de citoyenneté et par les actions et les initiatives engagées dans des domaines aussi divers que ceux de l’éducation, de la culture et de la santé. D’autre part, la capacité d’action commune, dans des secteurs fondamentaux de l’intégration économique tels que l’industrie et les réseaux transeuropéens, s’en trouve étendue.
L’édifice institutionnel a subi des adaptations importantes. La légitimité démocratique du processus de décision en est sortie consolidée, grâce à l’attention indispensable que l’on a vouée à l’efficacité du système. Le Parlement européen voit son pouvoir d’intervention dans le processus de décision renforcé, ce qui lui permettra une action politique plus visible, en tant qu’institution représentant les peuples d’Europe. La Cour des Comptes est élevée au rang d’institution. Il est créé un Comité des Régions. On constitue le rôle du Médiateur. L’architecture institutionnelle se consolide en harmonie avec les exigences croissantes du processus d’intégration.
Il est naturel que la vitalité grandissante du projet communautaire ait suscité dans d’autres pays d’Europe le désir de s’y associer. Les candidatures à de nouvelles adhésions sont, finalement, la preuve manifeste de la réussite sans équivoque de la Communauté européenne.
La création du grand Espace économique européen et les accords, déjà conclus ou en cours de négociation, avec les pays d’Europe centrale et orientale montrent déjà que la Communauté n’est pas une réalité fermée sur elle-même, mais qu’elle a au contraire pleinement conscience de partager avec les autres peuples européens une destinée commune. »

 

Discours d’Aníbal CAVACO SILVA (Premier ministre du Portugal et président en exercice du Conseil des ministres des Communautés européennes) à l’occasion de la signature du traité sur l’Union européenne, Maastricht, 7 février 1992 (discours en intégralité)

Le général MARSHALL présente son plan d’aide (juin 1947)

« Je n’ai pas besoin de vous dire, Messieurs, que la situation mondiale est très grave. […] De plus, la population de ce pays [États-Unis] se trouve très loin des régions troublées de la terre, et elle a beaucoup de peine à imaginer la misère, les réactions qui la suivent chez les peuples qui ont longtemps souffert, et l’effet que ces réactions ont sur leurs gouvernements au cours de nos tentatives pour établir la paix dans le monde.
Lorsqu’on a étudié les besoins de la reconstruction de l’Europe, les pertes en vies humaines, les destructions de villages, d’usines, de mines et de voies ferrées ont été estimées de façon assez exacte, mais il est devenu évident au cours des mois qui viennent de s’écouler que ces destructions visibles sont probablement moins graves que la dislocation de toute la structure de l’économie européenne. […]
La vérité, c’est que les besoins de l’Europe pendant les trois ou quatre prochaines années en vivres et en autres produits essentiels importés de l’étranger – notamment d’Amérique – sont tellement plus grands que sa capacité actuelle de paiement qu’elle devra recevoir une aide supplémentaire très importante ou s’exposer à une dislocation économique, sociale et politique très grave. Le remède consiste à briser le cercle vicieux et à restaurer la confiance des habitants de l’Europe tout entière. […]
Il est logique que les États-Unis doivent faire tout ce qu’ils peuvent pour aider à rétablir la santé économique du monde, sans laquelle la stabilité politique et la paix assurée sont impossibles. Notre politique n’est dirigée contre aucun pays, aucune doctrine, mais contre la famine, la pauvreté, le désespoir et le chaos. Son but doit être la renaissance d’une économie active dans le monde, afin que soient créées les conditions politiques et sociales où de libres institutions puissent exister. Cette aide, j’en suis convaincu, ne doit pas être accordée chichement, chaque fois que surviennent les crises. »

 

Extrait du discours du général George C. MARSHALL, secrétaire d’Etat américain, prononcé à l’université de Harvard, Massachusetts, le 5 juin 1947

Les mutations de la Chine dans les années 1980 analysées par deux journalistes français

« Aujourd’hui la Chine, après être passée de l’alliance de droit avec l’URSS contre les États-Unis à une alliance de fait avec les États-Unis contre l’URSS, a détendu ses relations avec celle-ci, sans compromettre vraiment celles qu’elle entretient avec l’Amérique. […]
D’une manière générale, la Chine donne de toute évidence la priorité à son renforcement interne et ne se pose plus, comme pendant les années 60, en Mecque du véritable communisme et en inspiratrice de nombreux mouvements révolutionnaires du tiers monde. Cette attitude n’est pas incompatible, bien au contraire, avec une certaine ouverture, notamment commerciale, indispensable en
tout état de cause à la modernisation économique et sociale du pays. […]
Régnant sur l’État le plus peuplé du globe, et de beaucoup, les successeurs des Ming et de MAO se doivent certes, d’abord, d’assumer la cohésion interne de leur pays. L’ouverture ne peut être, dans ces conditions, que lente. Mais il suffirait qu’elle s’amorce pour de bon pour avoir une portée considérable.
C’est dans ce contexte que l’accélération des échanges, après la mort de MAO Zedong, en 1976, doit retenir l’attention. Même si la part de la Chine dans le commerce mondial demeure infime, le fait est qu’elle a progressé de 20% par an entre 1978 et 1981. »

 

André FONTAINE et Pierre LI, Sortir de l’hexagonie, Paris, 1984

DENG Xiaoping analyse la situation du monde en 1974

En avril 1974, DENG Xiaoping, alors vice-premier ministre et chef de la délégation de la Chine à l’ONU, prononce ce discours critique à l’ONU, connu comme la présentation de sa « théorie des trois mondes ».

 

« Monsieur le président,

La session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies concernant les problèmes des matières premières et du développement, sur l’initiative du président du Conseil de la Révolution de la République algérienne démocratique et populaire Houari BOUMEDIENE et avec l’appui de l’écrasante majorité des pays du monde, a inauguré ses travaux avec succès.

C’est la première fois depuis sa fondation, il y a 29 ans, que l’ONU tient une session spéciale consacrée à l’examen de cet important problème qu’est la lutte contre l’exploitation et le pillage impérialistes, pour modifier les rapports économiques entre nations. Cela reflète les profonds changements intervenus dans la situation internationale.

Le gouvernement chinois salue chaleureusement l’ouverture de cette session. Il souhaite qu’elle contribue, de façon positive, à renforcer la solidarité entre les pays en voie de développement, à sauvegarder leurs droits et intérêts économiques nationaux et à promouvoir la lutte des peuples partout contre l’impérialisme et, en particulier, contre l’hégémonisme.

Actuellement, la situation internationale s’avère très favorable aux pays en voie de développement et aux peuples du monde. L’ordre ancien, basé sur le colonialisme, l’impérialisme et l’hégémonisme, se voit ébranlé et miné chaque jour davantage. Les rapports internationaux sont en mutation violente. Le monde entier connaît des bouleversements, il n’est pas tranquille. Cette situation est marquée, pour reprendre une expression chinoise, par « de grands bouleversements sous le ciel ».

Ces « bouleversements » sont une manifestation de l’exacerbation continuelle des diverses contradictions fondamentales qui existent dans le monde d’aujourd’hui. Ils accélèrent la désagrégation et la décadence des forces réactionnaires et pourries, en même temps qu’ils stimulent la prise de conscience des forces populaires montantes et contribuent à la croissance de leur puissance.

Dans cette situation caractérisée par « de grands bouleversements sous le ciel », les diverses forces politiques dans le monde, par suite d’un affrontement et d’une lutte de longue haleine, ont connu des divisions et regroupements intenses. Une série de pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ont successivement accédé à l’indépendance, ils jouent un rôle grandissant dans les affaires internationales.

Le camp socialiste, qui avait existé pendant un temps après la Seconde Guerre mondiale, a déjà cessé d’être, avec l’apparition du social-impérialisme. Sous l’effet de la loi de l’inégalité du développement du capitalisme, le bloc impérialiste occidental s’est également désagrégé.

A en juger par les changements survenus dans les relations internationales, notre globe comporte maintenant, en fait, trois parties, trois mondes qui sont à la fois liés mutuellement et contradictoires entre eux. Les États-Unis et l’Union soviétique forment le premier monde ; les pays en voie de développement d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et des autres régions, le tiers monde ; et les pays développés se trouvant entre les deux, le second monde.

Les deux superpuissances, les États-Unis et l’Union soviétique, tentent, mais en vain, de s’assurer l’hégémonie mondiale. Elles cherchent, par divers moyens, à placer sous leur contrôle respectif les pays en voie de développement d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ; et en même temps, elles malmènent les pays développés dont le potentiel est inférieur au leur.

Les deux superpuissances, les plus grands exploiteurs et oppresseurs internationaux de notre époque, constituent le foyer d’une nouvelle guerre mondiale. Toutes deux disposent d’importantes quantités d’armes nucléaires. Elles se lancent dans une course effrénée aux armements, font stationner des troupes aux effectifs considérables hors de leurs frontières et établissent partout des bases militaires, menaçant ainsi l’indépendance et la sécurité de tous les autres pays. Elles ne cessent de soumettre les autres États à la mainmise, à la subversion, à l’intervention et à l’agression. Toutes deux se livrent, sur le plan économique, à l’exploitation des autres nations, au pillage de leurs richesses et à la spoliation de leurs ressources.

A propos des vexations infligées à autrui, la superpuissance qui arbore l’enseigne du socialisme se montre particulièrement perfide. Elle a envoyé des troupes occuper la Tchécoslovaquie, son « allié », et fomentée une guerre pour démembrer le Pakistan. Elle ne tient pas sa parole et n’agit en aucun cas à la loyale. Cette superpuissance ne recherche que ses intérêts et, pour y parvenir, elle ne recule devant rien.

Les pays développés situés entre les superpuissances et les pays en voie de développement présentent des cas complexes. Certains d’entre eux maintiennent jusqu’à ce jour des rapports colonialistes sous diverses formes avec des pays du tiers monde ; le Portugal, par exemple, continue même d’exercer sa domination coloniale barbare. Cet état de choses doit être redressé.

Dans le même temps, ces pays développés souffrent tous, à des degrés différents, de la mainmise, de la menace ou des vexations de l’une ou l’autre superpuissance ; parmi eux, il y en a qui on en fait été réduits par une superpuissance à l’état de dépendance, sous la couverture de la prétendue « grande communauté ». Tous ces pays demandent, à tel ou tel degré, à s’affranchir de l’asservissement ou du contrôle des superpuissances et à préserver leur indépendance nationale et l’intégrité de leur souveraineté.

Les nombreux pays en voie de développement ont été pendant longtemps victimes de l’oppression et de l’exploitation du colonialisme et de l’impérialisme. Ils ont conquis l’indépendance politique ; cependant, ils se trouvent confrontés, sans exception, à la tâche historique de liquider les forces résiduelles du colonialisme, de développer l’économie nationale et de consolider l’indépendance nationale.

Ces pays s’étendent sur de vastes territoires, où vit une population très nombreuse et où les ressources naturelles sont en abondance. Les plus cruellement opprimés, ils nourrissent un désir des plus ardent de s’opposer à l’oppression, d’acquérir la libération et d’œuvrer pour le développement. Dans la lutte pour la libération et l’indépendance nationales, ils témoignent d’une puissance prodigieuse sans pareille et remportent continuellement des victoires éclatantes. Ils constituent la force motrice révolutionnaire qui fait avancer la roue de l’histoire universelle, de même que la force principale dans la lutte contre le colonialisme, l’impérialisme et, en particulier, contre les superpuissances.

Des contradictions inconciliables opposent les deux superpuissances puisqu’elles se disputent l’hégémonie mondiale ; ou tu l’emportes sur moi, ou c’est moi qui l’emporte sur toi. Le compromis et la collusion entre elles ne peuvent qu’être partiels, temporaires et relatifs, tandis que leur rivalité est générale, de longue durée et absolue. La soi-disant « réduction équilibrée des forces armées » et la soi-disant « limitation des armements nucléaires stratégiques » ne sont, en fin de compte, qu’un pur verbiage. En réalité, il ne peut y avoir ni « équilibre » ni « limitation ». Il se peut que les deux superpuissances parviennent à certains accords, mais de tels accords ne sont que des choses superficielles et trompeuses, sous le couvert desquelles elles se lancent, au fond, dans une rivalité plus grande encore.

La rivalité entre les superpuissances s’étend partout dans le monde. Sur le plan stratégique, le point clé de leur rivalité, c’est l’Europe, où elles se trouvent en affrontement intense depuis de longues années. Par ailleurs, leur dispute s’accentue au Moyen-Orient, en Méditerranée, dans le golfe Persique, dans l’océan Indien comme dans la région du Pacifique. Elles prêchent journellement le désarmement ; mais en fait, il se ne passe un seul jour sans qu’elles ne procèdent à l’expansion des armements. Tous les jours, elles parlent de « détente » mais créent en fait la tension. Là où elles portent leur rivalité, il y a des bouleversements.

Tant qu’existeront l’impérialisme et social-impérialisme, notre planète ne saurait absolument pas connaître la tranquillité ni la paix dite durable ; ou bien ce sont eux qui entreront la guerre l’un contre l’autre, ou bien ce sont les peuples qui se dresseront pour la révolution. Comme l’a fait ressortir le président MAO Zedong, « le danger d’une nouvelle guerre mondiale demeure et les peuples du monde doivent y être préparés. Mais aujourd’hui, dans le monde, la tendance principale, c’est la révolution ».

Les deux superpuissances se sont créé elles-mêmes leurs antagonistes. Leurs agissements sont ceux de grands pays qui malmènent des petits pays, ceux de pays forts qui humilient des pays faibles, et ceux de pays riches que oppriment des pays pauvres ; ils se heurtent à une résistance énergique de la part du tiers monde et des peuples de tous les pays. Les peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ont obtenu sans discontinuer de nouvelles victoires dans leur lutte contre le colonialisme, l’impérialisme et, en particulier, contre l’hégémonisme.

Les peuples d’Indochine continuent à faire progresser leur lutte contre l’agression de l’impérialisme américain, pour la libération nationale. Les peuples des pays arabes et de Palestine, au cours de la quatrième guerre moyen-orientale, ont rompu l’emprise des deux superpuissances, renversé la situation « ni guerre, ni paix » et remporté une grandiose victoire sur l’agresseur israélien. La lutte des peuples africains contre l’impérialisme, le colonialisme et la discrimination raciale gagne en profondeur.

La République de Guinée-Bissau est née glorieusement dans les flammes ardentes de la lutte armée. Les peuples du Mozambique, de l’Angola, du Zimbabwe, de Namibie et d’Azanie développent avec vigueur la lutte armée et le mouvement de masse contre la domination coloniale portugaise et le racisme blanc en Afrique du Sud et en Rhodésie du Sud. La lutte que des pays latino-américains avaient engagée les premiers pour préserver leur droit sur la mer s’est d’ores et déjà transformée en une lutte contre l’hégémonie maritime des deux superpuissances, qui se déroule a l’échelle mondiale.

La 10e Conférence au sommet des pays africains, la 4e Conférence au sommet des pays non-alignés, la Conférence au sommet des pays arabes ainsi que la Conférence au sommet des pays islamiques ont toutes condamné avec véhémence l’impérialisme, le colonialisme, le néo-colonialisme, l’hégémonisme, le sionisme et le racisme ; elles ont traduit la ferme volonté et la farouche détermination qu’ont les pays en voie de développement de resserrer leurs rangs, de se prêter mutuellement aide et soutien, et de se battre avec la même haine envers l’ennemi.

La lutte que les pays et peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ont menée en avançant par vagues successives a mis à nu la nature vulnérable de l’impérialisme et notamment des superpuissances, qui sont forts en apparence mais faibles en réalité. Elle a porté un coup dur à leur sinistre ambition de s’assurer la domination du monde.

L’hégémonisme et la politique du plus fort pratiquées par les deux superpuissances ont suscité d’ailleurs un vif mécontentement des pays développés du second monde. La lutte entreprise par ces pays contre la mainmise, l’intervention, la menace et l’exploitation des superpuissances qui rejettent sur eux le poids de la crise économique se développe avec chaque jour qui passe. Elle exerce aussi une influence importante sur l’évolution de la situation internationale.

Des faits innombrables démontrent que toute conception qui surestime la force des deux superpuissances et sous-estime la force des peuples est dénuée de fondement. Ce n’est pas une ou deux superpuissances, mais le tiers monde et les peuples de partout qui, restant unis et osant livrer combat et arracher la victoire, sont vraiment puissants.

Les nombreux pays et peuples du tiers monde, puisqu’ils ont su conquérir l’indépendance politique par une lutte de longue haleine, pourront sans aucun doute, sur cette base, resserrer leurs rangs, s’unir avec les pays victimes des vexations des superpuissances et avec tous les peuples du monde, y compris les peuples américain et soviétique, en vue d’amener, par une lutte soutenue, un changement radical dans les relations économiques internationales basées sur l’inégalité, la mainmise et l’exploitation, et de créer des conditions indispensables pour développer en toute indépendance l’économie nationale.

 

Monsieur le président,

La Chine est un pays socialiste et en même temps un pays en voie de développement. Elle appartient au tiers monde. Le gouvernement et le peuple chinois, indéfectiblement fidèles aux enseignements du président MAO appuient résolument la lutte menée par les nations et peuples opprimés de partout pour la conquête et la sauvegarde de l’indépendance nationale et le développement de l’économie nationale, contre le colonialisme, l’impérialisme et l’hégémonisme ; il s’agit là d’un devoir internationaliste que leur incombe.

La Chine n’est pas et ne sera jamais une superpuissance. Qu’entendons-nous par superpuissance ? Ce sont les pays impérialistes qui se livrent en tous lieux à l’agression, à l’intervention, à la mainmise, à la subversion et au pillage à l’encontre des autres pays et recherchent l’hégémonie mondiale.

Un grand pays socialiste, s’il connaît la restauration du capitalisme, deviendra inévitablement une superpuissance. La Grande Révolution culturelle prolétarienne menée en Chine au cours de ces dernières années, et le mouvement de critique de LIN Piao et de CONFUCIUS qui se développe à l’échelle nationale, ont l’un comme l’autre pour but de prévenir le retour au capitalisme et de garantir que la Chine socialiste ne changera jamais de couleur, qu’elle se tiendra pour toujours aux côtés des nations et peuples opprimés.

Si la Chine venait un jour à changer de nature et devenait une superpuissance se conduisant elle aussi en despote dans le monde et se livrant partout aux vexations, à l’agression et à l’exploitation, alors les peuples du monde seraient en droit de lui coller l’étiquette de social-impérialisme, de dénoncer ce social-impérialisme, de le stigmatiser et, de concert avec le peuple chinois, de l’abattre.

 

Monsieur le président,

L’histoire se développe dans la lutte, et le monde avance à travers les bouleversements. L’impérialisme et surtout les superpuissances, assaillis de multiples difficultés, connaissent un déclin accéléré. Les pays veulent l’indépendance, les nations veulent la libération et les peuples veulent la révolution ; c’est un courant irrésistible de l’histoire. Nous sommes convaincus que les pays et les peuples du tiers monde, en renforçant leur solidarité, en unissant à eux toutes les forces susceptibles d’être unies et en persévérant dans une lutte prolongée, seront à même d’arracher sans cesse de nouvelles victoires. »

 

Intervention de DENG Xiaoping (chef de la délégation chinoise à l’ONU) devant l’Assemblée générale de l’ONU, 10 avril 1974

Les transformations de la puissance américaine dans l’après-guerre froide (1991)

« Les Américains ont élu George BUSH pour qu’il ne change rien à rien. Ils voulaient un leader prudent, fidèle au statu quo qui empêche les États-Unis de continuer à perdre de leur influence dans le monde. Quand il a commencé son mandat, on ne parlait que du « déclin » de l’Amérique sous un président « mollasson » qui rechercherait le compromis dans le moindre conflit. L’histoire en a décidé autrement.
L’effondrement de l’Union soviétique a fait des États-Unis la seule superpuissance mondiale. Saddam HUSSEIN a commis l’erreur de choisir le moment où Washington était libéré du risque de confrontation nucléaire avec Moscou pour envahir et annexer le Koweït, puis pour défier George BUSH. A l’heure où j’écris, les soldats irakiens au Koweït paient cher ce mauvais calcul, BUSH, ce guerrier imprévu, cet habile diplomate, s’est fixé un objectif encore plus ambitieux que de mener une coalition de 28 nations vers la libération de l’émirat. Il a promis à ses compatriotes et à ses partenaires que la victoire serait le premier pas, fondamental, vers l’instauration d’un « nouvel ordre mondial ». […]
Le débat sur l’éventualité de la guerre dans le Golfe a révélé que la blessure du Vietnam, quinze ans après la chute de Saigon, était toujours très profonde. Les peurs, la culpabilité et l’antimilitarisme que le Vietnam a imprimés à la société américaine ont même amené certains à se demander avec sérieux – parfois avec angoisse – si la seule superpuissance du monde et ses principaux alliés, combattant ensemble avec le soutien de l’ONU, pouvaient l’emporter sur un pays arabe de… 8 millions d’habitants. Les batteries de missiles antimissiles Patriot, les bombes à guidage laser et les missiles de croisière lancés des navires ont rappelé au monde (et aux Américains) que la technologie des États-Unis était bel et bien encore là. Les Américains jubilaient devant la « précision chirurgicale » de leur missile de croisière […].
Si les Américains ont soutenu la guerre de BUSH contre Saddam, ce n’est pas parce qu’ils tenaient à fonder un nouvel ordre mondial dans lequel ils monteraient la garde partout, contre tous les dictateurs qui feraient subir des horreurs à de pauvres innocents. S’ils l’ont soutenue, c’est justement pour le contraire. Pour adresser un message à ceux qui seraient tentés d’imiter le raïs [titre donné à certains chefs politiques dans le monde arabe] de Bagdad et les dissuader d’envahir leurs voisins.
En comparant Saddam à HITLER, BUSH a voulu dire que le leader irakien représentait une forme de mal exceptionnellement virulente et agressive, qu’il fallait contenir à l’intérieur de ses frontières nationales ou détruire. La grande leçon de l’opération Tempête du désert – et c’est le sens du futur nouvel ordre mondial – c’est que les membres de la communauté internationale, dorénavant, agiront contre des dirigeants si violents plus vite qu’ils ne l’ont fait jusqu’ici, et de concert. Cela signifie également que l’on doit parvenir à des arrangements de sécurité collective à l’échelle du monde, et non plus à celle des blocs, et à une redéfinition du contrôle des armements qui limite strictement les transferts de technologies dangereuses au Tiers-monde. […] »

 

Article du journaliste américain Jim HOAGLAND du 28 février 1991 cité dans « Les Etats-Unis : la puissance et le doute », Les Cahiers de l’Express, juillet 1992.

Les trois défis de la CEE à l’heure des premières élections européennes (1979)

« Le Parlement européen, tel qu’il a […] travaillé depuis la création de la première Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, a joué dès l’origine un rôle important, mais aussi un rôle croissant dans la construction de l’Europe. […] La novation historique que représente l’élection du Parlement européen au suffrage universel […] se produit précisément à un moment crucial pour les peuples de la Communauté. Tous les États de celle-ci sont en effet, aujourd’hui, confrontés à trois défis majeurs, celui de la paix, celui de la liberté, celui du bien-être, et il semble bien que la dimension européenne soit seule en mesure de leur permettre de relever ces défis.
Le défi de la paix, tout d’abord. Dans un monde où l’équilibre des forces a permis, jusqu’à présent, d’éviter le cataclysme suicidaire de conflits armés entre les superpuissances, on a vu se multiplier en revanche les affrontements locaux. […] Comme celles qui l’ont précédée, notre Assemblée est dépositaire de la responsabilité fondamentale de maintenir, quelles que soient nos divergences, cette paix qui est probablement, pour tous les Européens, le bien le plus précieux. […]
Le second défi fondamental, c’est celui de la liberté. Sur la carte du monde, les frontières du totalitarisme se sont étendues si largement que les îlots de la liberté sont cernés par ces régimes où règne la force. Notre Europe est l’un de ces îlots, et il faut se réjouir qu’au groupe des pays de liberté qui la composent soient venus se joindre la Grèce, l’Espagne et le Portugal, aux vocations aussi anciennes que les nôtres. La Communauté sera heureuse de les accueillir. […]
Enfin, l’Europe est soumise au grand défi du bien-être, je veux dire à la menace que constitue, pour le niveau de vie de nos populations, le bouleversement fondamental dont la crise pétrolière a été, depuis quelques cinq ans, à la fois le détonateur et le révélateur. Après avoir connu, pendant une génération, une progression des niveaux de vie dont le rythme élevé et soutenu n’avait existé à aucune période de l’Histoire, tous les pays d’Europe sont aujourd’hui confrontés à une sorte de guerre économique qui a débouché sur le retour d’un fléau oublié, le chômage, comme sur la mise en cause de la progression des niveaux de vie. […]
Pour relever les défis auxquels l’Europe est confrontée, c’est dans trois directions qu’il nous faudra l’orienter : l’Europe de la solidarité [entre les peuples, entre les régions, entre les personnes], l’Europe de l’indépendance [dans le domaine de la monnaie et de l’énergie], l’Europe de la coopération [avec les pays en voie de développement] […].
Issu de l’élection directe, le Parlement européen sera en mesure de jouer pleinement sa fonction de contrôle démocratique. […] L’élan nouveau que représente pour la Communauté la légitimité nouvelle de cette Assemblée doit être un facteur efficace d’impulsion. […] »

 

Simone VEIL (qui vient d’être élue présidente du premier Parlement européen élu au suffrage universel direct), discours devant le Parlement européen, Strasbourg, 17 juillet 1979

La Constitution de la RDA révisée en 1968

Le VIIe Congrès du SED de la RDA (avril 1967), sous l’impulsion de Walter ULBRICHT (1893-1973), secrétaire général du SED de 1950 à 1971, procède à une réécriture de la Constitution est-allemande (1949).

 

Article 1. La République démocratique allemande est un État socialiste de la Nation allemande. Elle est l’organisation politique des travailleurs des villes et des campagnes, qui mettent en œuvre le socialisme sous la conduite de la classe ouvrière et de son Parti marxiste-léniniste. […]

 

Article 2. L’ensemble du pouvoir politique de la RDA est exercé par les travailleurs. […] L’alliance solide entre la classe ouvrière, les paysans organisés en coopératives, les intellectuels et toutes les autres couches du Peuple, la propriété socialiste des moyens de production, la planification pour conduire le développement de la société, […] constituent les fondements inaltérables de l’ordre socialiste. […]

 

Article 6. Conformément aux principes de l’internationalisme socialiste, la RDA pratique et développe la coopération dans tous les domaines et l’amitié avec l’URSS et les autres États socialistes. […]

 

Article 12. Les richesses du sous-sol, les mines, les centrales énergétiques, les barrages et les eaux, les richesses naturelles du socle continental, les banques et les établissements d’assurance, les fermes d’État, les moyens de communication, les chemins de fer, les moyens de transport de la navigation aérienne et maritime, les installations des postes et des télécommunications, sont la propriété du Peuple. La propriété privée de ces biens n’est pas admissible. […]

 

Extraits de la Constitution de la RDA du 9 avril 1968

Les défis de la puissance américaine dans les années 1980 (J. CARTER)

« Les années 1980 sont nées dans la tourmente, les conflits et les changements. Nous sommes dans une période de défis pour nos intérêts et nos valeurs, une période de test pour nos croyances et nos capacités.
En ce moment même, en Iran, cinquante Américains sont toujours retenus prisonniers, ils sont les victimes innocentes du terrorisme et de l’anarchie. En ce moment également une énorme quantité de soldats soviétiques tente d’asservir le peuple afghan pourtant intensément indépendant et profondément religieux.
Ces deux actions – l’une relevant du terrorisme international, l’autre d’une agression militaire – sont des défis pour les États-Unis mais également pour toutes les nations du Monde. Ensemble, nous devons affronter ces menaces contre la paix.
Je suis déterminé à faire en sorte que les États-Unis restent la plus puissante des nations mais notre puissance ne sera jamais utilisée pour initier une quelconque menace contre quelque nation que ce soit, ou contre les droits de quelques individus que ce soit. Nous cherchons à vivre et à rester en sécurité, nous cherchons à être une nation en paix dans un monde stable. Cependant, pour être en sécurité, nous devons accepter le Monde tel qu’il est. […]
L’Union Soviétique a franchi un nouveau pas dans l’agressivité et la radicalité. Elle utilise sa force militaire contre un peuple pratiquement sans défense. Les conséquences de l’invasion soviétique en Afghanistan pourraient bien être la plus sérieuse menace contre la paix depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. […]
La région qui est actuellement menacée par l’armée soviétique en Afghanistan est très importante sur le plan stratégique : elle recèle plus des deux tiers du pétrole mondial exportable. Les efforts soviétiques pour dominer la région ont amené ses troupes à moins de 300 miles des côtes de l’Océan Indien et à proximité du détroit d’Ormuz, la voie d’eau par laquelle transite l’essentiel du pétrole mondial. L’URSS essaie de consolider sa position stratégique et cela menace gravement la liberté de circulation du pétrole au Moyen-Orient.
La situation demande de garder la tête froide, des nerfs d’acier et un passage à l’acte déterminé, non seulement cette année mais également pour les années à venir. Cela demande des efforts collectifs pour faire face à cette nouvelle menace dans le Golfe persique et en Asie du Sud-Ouest. Cela demande la participation de tous ceux qui dépendent du pétrole du Moyen-Orient et qui sont concernés par la paix mondiale et la stabilité politique. Enfin, cela demande la consultation et l’étroite coopération avec les États de la région qui pourraient être menacés. […] Affirmons notre position de façon très claire : toute tentative par une force extérieure de contrôler la région du Golfe persique sera considérée comme une agression envers les intérêts vitaux des États-Unis d’Amérique et une telle agression sera repoussée par tous les moyens nécessaires, y compris par la force. »

 

Discours sur l’état de l’Union prononcé par le Président Jimmy CARTER le 23 janvier 1980 devant les membres du Congrès américain (source : jimmycarterlibrary.gov).
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